Sauf retournement de situation, Alberto Contador ne terminera pas sa carrière sur le podium de la Vuelta, mais sa pugnacité tout le long de ce baroud d’honneur lui assure les louanges de la presse ibérique.

Pommes de terre et poésie

« S’il y a une chose que le natif de Pinto ne craint pas, c’est l’échec. Surtout lorsque l’engouement populaire l’emporte sur l’issue de la course. » Après des tentatives infructueuses dans la Sierra Nevada, Alberto Contador n’a pas remporté d’étape et il n’a pas progressé au classement, mais il a gagné une fois de plus le respect de tout un peuple. Eduardo Rodrigalavrez n’a pas manqué de rendre hommage aux efforts fournis par le Pistolero ce lundi dans les colonnes d’El Pais : « Gagner ou perdre n’est pas important. C’est le sentiment qui compte. Et Contador se sentait à nouveau important, qu’importe la grandeur de cette importance. C’est comme les pommes de terre à la carte des grands restaurants par temps de famine. »

Au-delà des images improbables proposées par le journaliste d’El Pais, c’est bien l’ensemble de la presse espagnole qui félicite Alberto Contador pour sa farouche volonté d’animer la course. Les grands titres ne veulent pas gâcher la fête réservée à un cycliste qui a marqué son histoire. Même du côté de la Catalogne où la Vanguardia voulait croire samedi soir à un épilogue heureux. « S’il n’ a plus la grâce qui a fait de lui un champion, son ambition lui permet de croire encore en un podium qui, il y a quelques jours, semblait une utopie. » Le lendemain, l’autre quotidien catalan, El Periodico, a comparé l’attaque de Contador dans la Hoya de la Mora a « une scène écrite pour lui comme un poème de Federico Garcia Lorca ». Ce poète, né au pied de ces mêmes cols, dont l’œuvre remettait au goût du jour des traditions effacées par le modernisme.

Finir sans regret

Ce coup de force à 27 kilomètres d’une interminable ascension en compagnie du jeune Miguel Angel Lopez, vainqueur au sommet, a marqué les esprits. Juan Gutierrez, journaliste pour AS, admet bien volontiers que « les jambes du Madrilène n’ont plus l’étincelle pour suivre le meilleur jeune », mais « seuls les toreros qui s’approchent du but risquent le coup de corne ». Même son de cloche du côté des consultants à l’image de Santiago Blanco. L’ancien cycliste admire la volonté du Pistolero – et dans une moindre mesure celle de Nibali – à aller titiller le train Sky malgré les risques : « Je ne pense pas que la perte de secondes de Contador soit à regretter. Ce n’est pas important. »

La lecture d’une presse espagnole aussi unanime n’a rien de surprenant. La retraite de Contador symbolise la fin d’une génération dorée pour le cyclisme ibérique. Joaquim Rodriguez avait déjà raccroché un an plus tôt et Alejandro Valverde est dans l’incertitude après sa double fracture sur le prologue du Tour. « Des années merveilleuses qui, comme toutes les bonnes choses, ont aussi une fin », philosophe Enrique Bernaola pour Marca dans un papier qui envisage le passage de témoin entre Enric Mas et Alberto Contador après l’étape de Sagunt où le premier s’est distingué avec une troisième place et le second avec des attaques dantesques alors que ce n’était que de la moyenne montagne. Dans ce contexte, les médias ibériques ne veulent qu’une fin à la hauteur d’une histoire qui les a tenu en haleine des années durant. « Sa carrière a des zones d’ombre bien sûr et il a payé le prix fort pour cela », rappelle Gutierrez. « Mais en général, le cyclisme peut lui dire merci car il a toujours brandi le drapeau du spectacle, du courage et du non-conformisme. »

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