Dites bonjour au nouveau Peter Sagan. Celui qui en a marre de faire les efforts pour les autres et qui a décidé qu’il ne serait plus le dindon de la farce, celui qui a si souvent voulu sauter dans toutes les roues pour finalement se faire avoir dans la dernière ligne droite. Désormais, le Slovaque s’économise, la joue presque comme un pur sprinteur qu’il n’est pas. Et ça marche.

Dans les roues

Passer la journée au chaud n’est pas vraiment sa conception du vélo. Le triple champion du monde préfère être actif, décider du sort de la course, quitte à ne pas toujours s’imposer. En fait, il a même toujours semblé conscient qu’avec sa façon de faire, il allait passer à côté de quelques succès. C’était le deal, et il l’acceptait. Depuis plusieurs années, il accumule les places d’honneur, y compris sur les grandes classiques – il ne compte toujours qu’un seul monument à son palmarès. Mais beau-joueur, et peut-être un peu de mauvaise foi certains jours, quand même, il prenait plaisir à affirmer qu’au moins, il pouvait se permettre de choisir qui l’emportait si ce n’était pas lui. Jusqu’à récemment, où l’attitude de ses adversaires a fini par l’agacer. Pas aidé par sa polyvalence et un maillot de champion du monde qu’il porte depuis trois ans, il s’est retrouvé avec la plus grosse pancarte de ces dernières années. Et il ne veut pas continuer comme ça.

Sur Milan-Sanremo, d’abord, le Slovaque a préféré neutraliser Michal Kwiatkowski plutôt que de ramener tout le monde sur le valeureux Vincenzo Nibali. Puis ce vendredi, sur le GP E3, il s’est de nouveau bien gardé de prendre la course en main quand Terpstra et Lampaert filaient à l’avant. « Certains dans le groupe de poursuite devaient penser que je comblerais tout seul l’écart, pointait-il du doigt à l’arrivée. Quand ils ont vu que je ne voulais pas jouer à ce petit jeu, ils m’ont attaqué dans le dos. C’est une façon de concevoir le cyclisme, pas la mienne. » Sagan, en plus de ne pas avoir les jambes de sa vie, n’avait pas envie d’être une nouvelle fois celui qui fait les efforts pour les autres. Vingt-sixième et remonté à Harelbeke, il a poursuivi avec la même stratégie ce dimanche sur Gand-Wevelgem. Certains le pensaient peut-être moins bon que d’habitude, il en a profité pour ne pas donner un coup de pédale et régler tout le monde au sprint.

S’adapter pour Roubaix

Un nouveau Sagan, en somme. Parce que depuis ses années chez les juniors, il n’avait jamais été habitué à profiter du travail des autres. Déjà à l’époque, dans sa rivalité avec Michal Kwiatkowski, c’était le Polonais qui s’en donnait à cœur joie. « Sagan était plus généreux dans l’effort, détaille Boris Zimine, qui a couru avec les deux phénomènes du peloton actuel. Il flinguait dans tous les sens, et Kwiatkowski en profitait souvent. » Sans espérer inverser les rôles, parce qu’il restera toujours plus offensif que certains de ses rivaux, Sagan veut donc faire évoluer la répartition des tâches lorsqu’il s’agit de prendre ses responsabilités sur les grandes classiques. Cela s’inscrit dans son désir d’aborder différemment son printemps cette année. Un pic de forme légèrement retardé et une façon de courir adaptée à la frilosité de certains rivaux : c’est peut-être la recette pour renouer avec le succès sur le Tour des Flandres et le découvrir Paris-Roubaix.

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