Au moins, chez Ineos, il y en a un qui donne le sourire au manager, Dave Brailsford. Après une semaine noire, qui a vu Chris Froome déclarer forfait pour le Tour et Geraint Thomas bouleverser sa préparation, Egan Bernal a remporté le Tour de Suisse. Virevoltant en montagne, il a montré à ses dirigeants qu’il était prêt pour être, s’il le fallait, le leader au mois de juillet.

Dans la lignée de Wiggo, Froomey et G

En temps normal, c’est à dire avec Froome et Thomas parfaitement en condition à quelques semaines de la Grande Boucle, voir Egan Bernal remporter le Tour de Suisse aurait sonné le début d’un casse-tête chez Ineos, avec trois hommes capables de ramener le maillot jaune à Paris, mais un seul costume de leader à enfiler. Dimanche soir, pourtant, on parie que Dave Brailsford aura le sourire jusqu’aux oreilles, heureux de voir l’un de ses leaders éviter le contact avec le bitume – bien que ce fut très proche, lors du chrono. Peut-être même que le manager britannique se réjouira, en secret, que son grimpeur colombien ait dû déclarer forfait pour le Giro, il y a quelques semaines. Sans ça, il l’aurait récupéré avec un maillot rose, peut-être, mais sans doute bien entamé et incapable d’assumer un véritable statut de favori au départ de Bruxelles, le 6 juillet prochain.

Là, les inquiétudes sont minimes. Geraint Thomas, victime d’une chute en milieu de semaine qui l’a empêché de voir la montagne et de se tester, peut finaliser sereinement sa préparation pour le Tour. Chris Froome peut, dans une moindre mesure, profiter de son été, devant la télé. La relève est bien là, même si elle n’a pas de passeport britannique. Dans deux semaines, au départ du Tour, on se méfiera peut-être même davantage du Colombien que du tenant du titre. C’est bien Egan Bernal, en effet, qui a coché toutes les cases cette saison, vainqueur de Paris-Nice au mois de mars, puis du Tour de Suisse, la dernière course de préparation avant le grand rendez-vous de juillet. Jusqu’à la saison dernière, ces victoires annonciatrices étaient réservées à Thomas, Froome ou plus anciennement Wiggins, qui ensuite avaient su conclure sur le Tour.

Question d’un leadership

À Goms, où s’est achevé le Tour de Suisse, Bernal parlait de sa confiance actuelle. Sans trop en faire, sans rien revendiquer, bien au contraire. “Je ne choisis pas de dire que je suis le favori, dit-il. Je vais aller sur le Tour avec “G”, il sera notre leader. Je vais tenter de l’aider. S’il est meilleur que moi, alors bien sûr je l’aiderais. Je n’aurais aucun problème avec ça. Je n’ai que 22 ans, je pense que j’ai beaucoup de Tours de France devant moi.” On se croirait revenu un an en arrière, avec Thomas dans le rôle de Froome et Bernal dans celui de Thomas. Ou bien en 2012, lorsque la relation leader-équipier concernait Froome et Wiggins.

C’est une certitude, tant que Geraint Thomas ne sera pas clairement derrière Egan Bernal au classement général, les deux larrons ainsi que l’encadrement garderont la même ligne de conduite. Chez Ineos, anciennement Sky, un statut ne se revendique pas avant la course, il faut aller le chercher sur la route, en respectant les codes – on se rappelle que Froome avait tenté de forcer la main, en 2012, en vain – et les éléments de langage. Si Bernal devient le leader, avec l’aval des patrons, alors Thomas s’inclinera, bien que l’on ait du mal à l’imaginer se muer en gregario. Chez les Britanniques, on a déjà prouvé que les plans pouvaient changer. En revanche, un leader ne devient jamais vraiment l’équipier d’un équipier devenu leader.

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