Le premier rendez-vous montagneux de ce Tour de France, à la Planche des Belles Filles, a fait quelques heureux mais surtout beaucoup de malheureux. Les pentes à 24% ont offert un nouveau maillot jaune et fait un gros tri au classement général. Pendant que Geraint Thomas et Thibaut Pinot rient, Romain Bardet pleure.

Alaphilippe étincelant

Il est des pentes épouvantables. Et il y en a des plus dures encore. Celles de la dernière portion de la Planche des Belles Filles, ce jeudi, étaient de celles-là. Elles ont ainsi froissé quelques ambitions, au général, et mis un terme au règne en jaune de Julian Alaphilippe, qui n’était pas censé durer éternellement, mais qui incontestablement, aurait pu se poursuivre quelques jours, encore. Le Français regrettera peut-être, si ce n’est d’avoir attaqué un tout petit peu plus tôt, que les équipes de favoris aient autant pris leur temps avant d’entamer la poursuite et d’enclencher sérieusement. Sur la ligne, qu’il fallait aller chercher avec ses tripes, au sommet d’un dernier mur interminable, la tunique de leader se joue à seulement six secondes, et surtout, ce n’est pas un candidat à la victoire finale qui est venu déloger un Alaphilippe dont on se demandait s’il grimpait assez bien pour garder son paletot. D’où les regrets.

Giulio Ciccone se frise sans doute les moustaches, ce jeudi, mais il ne faisait pas partie des garçons attendus pour faire vaciller Julian Alaphilippe. Il était davantage question de Bernal, Thomas, Kruijswijk voire Pinot, mais aucun de ceux-là n’a largué le puncheur de Deceuninck-Quick Step, qui a seulement concédé deux secondes au Gallois. Une telle montée du Français n’était pas prévue, sauf par les plus optimistes, et sans les échappées à l’avant, il n’y a rien de délirant à imaginer que Julian Alaphilippe, sans se précipiter à cause de la menace qui pesait sur son maillot jaune, aurait pu remporter cette étape qu’on lui prédisait fatale. On saura se souvenir de ce qu’on a vu aujourd’hui. Le bonhomme, lui, saura sans doute, demain, réaliser à quel point ces quelques jours en jaune étaient une parenthèse enchantée, ce qui pourrait lui donner envie de se remettre dans la bagarre, ce week-end, vers Saint-Etienne ou Brioude, où une bonification pourrait lui suffire pour reprendre la tunique.

Pinot emballant

Et surtout, un autre pourrait se dire que ce Tour est aussi le sien, celui qui doit lui permettre de porter ce maillot jaune. Thibaut Pinot, quelques jours après un formidable chrono par équipes, est apparu comme le plus costaud des favoris, juste après Geraint Thomas, qui termine un souffle devant lui. David Gaudu a superbement travaillé et au moment de regarder le classement général, on se dit qu’on avait rarement vu ça, quand même, ces dernières années : oui les coureurs d’Ineos, Geraint Thomas et Egan Bernal, sont les deux premiers favoris, mais Thibaut Pinot est à respectivement neuf et cinq secondes. Alors qu’on se demande ce qu’il deviendra, prochainement, de la hiérarchie chez les Britanniques, où les deux larrons se suivent de très près et gagnent des batailles à coup de secondes, un Français pourrait ainsi être le troisième homme.

Une certitude en revanche, si c’est le cas, ce sera forcément Pinot, car Romain Bardet, dans le même temps, a craqué, perdu une minute et sans doute un peu plus que ça. Les inquiétudes des dernières semaines étaient fondées, bien qu’on aurait adoré avoir tort, et la soirée risque d’être morose, du côté d’AG2R La Mondiale. C’est le jeu d’une étape dessinée pour faire des dégâts. La Planche des Belles Filles ne pouvait pas faire que des heureux. On regrette seulement que ceux qui pleurent, ce soir, soient français.

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