A 31 ans, après six grands tours remportés comme lieutenant et quasiment cinq années passées chez Sky, devenue Ineos, Wout Poels va enfin pouvoir courir pour lui sur une course de trois semaines. Cette Vuelta, où il a été envoyé à la dernière minute, est la récompense qu’il attendait depuis des mois. Son équipe lui devait bien ça.

Cinq ans d’attente

Il y a un an, sur les routes du Tour de France, Wout Poels était encore un précieux lieutenant pour Chris Froome et Geraint Thomas. Au départ d’une étape, nous faisions remarquer à son directeur sportif, Nicolas Portal, que le Néerlandais était le porte-bonheur de la Sky : à chaque fois qu’il était aligné sur une course de trois semaines, l’équipe britannique s’imposait. Cela soulevait une question : Wout Poels allait-il un jour être leader ? « On aimerait lui donner sa chance sur un grand tour, il le mériterait, relevait Portal. On en a parlé. Avec tous les grands coureurs et les grands challenges qu’on a eu, ça ne s’est pas fait. Mais tout le monde y pense. » Depuis ces mots, Sky a remporté le Tour 2018 avec Geraint Thomas, puis le Tour 2019 avec Egan Bernal, où bien sûr, Wout Poels tenait un rôle d’équipier. Son statut de mascotte tient toujours. Et son heure est arrivée, semble-t-il.

Tout s’est fait dans la précipitation, pourtant. Après sa victoire d’étape sur le Dauphiné, le Néerlandais commençait à perdre patience, voyant qu’un statut de leader, sur le Giro ou la Vuelta, ne venait jamais, même après quasiment cinq saisons passées à rouler pour les autres. « Je ne suis pas autorisé à courir pour moi, disait-il à WielerFlits. Le moment est venu de me demander : suis-je satisfait de cette équipe ? Je me sens chez moi avec Ineos, ce n’est pas la question. Mais on ne me donnera pas l’opportunité d’être leader sur un grand tour. (…) Après le Tour de France, je prendrai une décision. » Depuis un mois et l’arrivée à Paris, c’était silence radio. Puis la composition de l’équipe britannique en vue de la Vuelta est tombée. Pas de Froome, Thomas ou Bernal. Juste Poels, qui va enfin pouvoir enfiler le costume de n°1.

Une chance, une seule

Jusqu’au dernier moment, en tout cas, Wout Poels est resté dans le flou. Ce n’est que vendredi dernier, en ayant de bonnes sensations à l’entraînement, qu’il a demandé à son staff s’il pouvait être leader sur les routes espagnoles. Lundi, son équipe a accepté. L’encadrement d’Ineos aurait-il opéré de la même façon sans la menace d’un départ brandie par le Néerlandais ? Seul Dave Brailsford sait. Mais le Néerlandais a eu ce qu’il voulait, une chance de se montrer, sur une Vuelta qu’il connaît bien et où il avait terminé sixième, il y a deux ans, alors qu’il travaillait pour Chris Froome. Il pouvait difficilement demander davantage, car il sait que le Tour ne lui sera jamais accessible, à cause de la présence de ses leaders habituels. Mais ça tombe bien : le troisième grand tour de l’année, avec ses pourcentages ahurissants, est sûrement celui qui correspond le mieux au garçon. Lui le grimpeur d’exception à la silhouette fine comme une feuille de papier sera, ces trois prochaines semaines, sur son terrain.

Reste qu’il n’aura pas, autour de lui, l’armada déployée chaque année au mois de juillet. Poels devra faire avec les moyens du bord, quelques équipiers honorables mais rien qui n’effraie Jumbo-Visma, Astana ou Movistar. Du coup, le Néerlandais fait pour l’instant profil bas, ne parle qu’à demi-mot du général, arguant qu’il verra ce que la course lui réserve et qu’il se rabattra, peut-être, sur la chasse aux étapes. On ne le croit pas une seconde. Il sait tout ce qu’il a à gagner sur cette Vuelta, après avoir disputé six grands tours consécutifs dans la peau d’un lieutenant, depuis début 2015. C’est la première fois qu’on lui donne les clés du camion et chez Ineos, une telle chance se présente rarement deux fois. Les vainqueurs de grands tours sont trop nombreux, en interne, pour s’obstiner à miser sur un équipier dont les dents rayent le parquet. Wout Poels devra être mordant tout de suite, ou bien rentrer dans le rang.

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