Thibaut Pinot a conclu ce centième Tour d’Italie a une quatrième place qui laisse un goût d’inachevé. La dernière semaine du Franc-comtois et sa victoire à Asiago nous a laissé croire à un dénouement devenu inhabituel dans les grands Tours, celui où un Français monte sur la plus haute marche du podium. Au fond, nous savions tous que tout n’était pas encore réuni pour le voir avec le maillot rose à Milan. Comme nous savons aussi à l’issue de ce Giro que Pinot a franchi un cap et que le rêve a tout d’une prémonition.

Il en manque encore…

Le leader de la FDJ n’a pas à rougir de cette quatrième place. Il s’est lui même félicité pour cette performance. En revanche, devant leur télévision, nombreux sont ceux qui ont ressenti de la déception après le chrono final. Un dernier exercice symbolique du Giro de Thibaut Pinot, capable d’alterner l’excellent comme au Blockhaus, à Asiago ou Piancavallo et le moins bon à l’exemple des deux contre-la-montre et des étapes d’Oropa et de Bormio. Certes, lors de ces deux journées de montagne, il n’a pas été aidé par un virus, plutôt bien maîtrisé au demeurant.

En ce sens, il se retrouve à sa place face à trois coureurs qui ont montré plus de régularité que lui. Compte tenu de sa forme lors des dernières étapes, on était malgré tout en droit de penser que Pinot pouvait aller chercher son objectif de podium, annoncé avant le Giro. Beaucoup se sont même emballés à l’imaginer en rose et capable de résister à Tom Dumoulin.
La faute à une poussée de chauvinisme que l’on peut comprendre, tant cela faisait longtemps qu’un Français n’avait pas été en mesure de gagner un grand tour au matin d’une dernière étape. Imaginez-vous, cela fait désormais 22 ans que ça dure, depuis la victoire de Jalabert au terme de la Vuelta 1995. Mais la raison l’a emporté, il était évident sur un tel parcours que Thibaut Pinot ne pourrait pas conserver ses 10 secondes sur un Tom Dumoulin monstrueux dans l’exercice.

En revanche, reprendre 43 secondes à Quintana et surtout quatre à Nibali était dans les cordes d’un Pinot des grands jours sur le contre-la-montre. Très à l’aise dans le domaine lors des épreuves d’une semaine, il semble avoir plus de difficultés lors d’un grand tour. Voilà donc le principal domaine où il lui reste du travail à accomplir dans sa quête de victoire sur un grand tour. L’autre point réside donc dans la régularité en montagne. Mais sur le sujet, la mesure est de mise puisque l’on ne sait pas exactement à quel point son virus l’a affaibli, principalement vers Bormio. Mais à tout juste 27 ans, il va de soi qu’il garde encore une marge de progression.

… mais il y a déjà du mieux

Dépassée la déception, le bilan de Pinot sur ce Giro est évidemment positif sur de nombreux points. Le premier est comptable avec cette victoire d’étape et ce temps, 1min17. C’est à dire l’écart qui le sépare de sa première victoire sur un grand tour. Une bouchée de pain sur trois semaines.
Devant lui, Quintana et Nibali qui sont deux des meilleurs coureurs de grands tours sont à moins d’une minute. Aujourd’hui, il est capable de suivre ces deux coureurs en montagne et mieux encore de les attaquer. Un premier palier a été franchi en montagne et les déboires en descente sont également un mauvais souvenir.

La deuxième évolution marquante est mentale. Tout au long de ce Giro, Pinot a apporté des certitudes sur sa solidité psychologique. Il n’a pas dégoupillé lorsque c’était plus dur et a su faire le dos rond lors des journées difficiles avant de reprendre le dessus en fin de troisième semaine. Une vraie sensation de sérénité s’est dégagée de son Giro, on ne l’a jamais vu inquiet. Un ressenti que l’on peut élargir au collectif FDJ. La cohésion ne fait aucun doute au sein de ce groupe et on sent la confiance mutuelle entre Pinot et chacun de ses coéquipiers. Le comportement du Franc-comtois ne laisse plus de doute sur sa faculté à fédérer autour de lui, comme un leader se doit de le faire.

Troisième point de l’évolution Pinot et sûrement le plus important. Son comportement en plaine. Encadré par un William Bonnet essentiel, les coureurs responsables de protéger leur leader lors des étapes pour sprinteurs ont été excellents. On a vu un Pinot toujours bien placé qui a atteint la montagne dans le même temps que tous les autres leaders. On ne doute pas que ce dernier a dû prendre sur lui pour rester dans la roue de ses équipiers et venir frotter aux avants-poste. C’est évidemment le prix à payer pour atteindre son graal. Compte tenu de sa force en troisième semaine, on est également rassuré sur l’influx nerveux qu’il a laissé dans la plaine. À défaut de podium, ce Giro ne laisse plus de doute sur la capacité de Pinot à remporter un grand tour dans un avenir proche et c’est bien là l’essentiel.

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