On ne glosera jamais assez sur la portée du tour de force de Vincenzo Nibali sur le dernier Milan-Sanremo. L’Italien, qui avait déjà accompli beaucoup dans sa carrière, s’est affirmé un peu plus comme le meilleur coureur transalpin du siècle en cours et ces quelques chiffres suffisent à le prouver.
Il anti velocista
Pour comprendre la portée de cette victoire, revenons d’abord sur les lieux de l’exploit. Ce n’est pas donné à tout le monde de gagner en solo sur la via Roma, mais il fallait au moins ça pour que Vincenzo Nibali décroche la timbale car l’Italien a bien des talents, mais aucune pointe de vitesse. La preuve, l’écart avec les sprinteurs à sa poursuite était tellement mince qu’Ewan, Démare et consorts ont été classés dans le temps du vainqueur. La Primavera est peu coutumière des arrivées solitaires dans son histoire récente. Ces vingt dernières années, seul Fabian Cancellara est parvenu à finir avec plus d’une seconde d’avance, c’était en 2008.
La chose était plus fréquente par le passé. Au tournant des années 1980-1990, les Fignon, Bugno et Fondriest ont su créer des écarts avec la meute des sprinteurs. D’ailleurs, avant Nibali, le Français était le dernier vainqueur du Tour de France à gagner Milan-Sanremo (1988 et 1989). Le dernier vainqueur de grand tour à lever les bras sur le premier monument de la saison était également un Français, il s’agissait de Laurent Jalabert en 1995. Depuis, les vainqueurs de Milan-Sanremo sont davantage des purs sprinteurs qui n’ont jamais nourri la moindre ambition sur le classement général d’un grand tour.
Il capo
Il y a un peu plus d’un an, nous débattions au sujet de Nibali sur la pertinence d’avoir signé avec la nouvelle formation Bahrain-Merida. Le risque n’était pas mince, mais le pari semble réussi. Le Requin de Messine a eu les épaules assez larges pour assumer le leadership sportif de cette équipe composée dans une relative hâte. En quinze mois, le coureur italien a ramené deux podiums de grands tours et deux monuments. Selon l’issue de l’affaire Froome, son podium sur la Vuelta pourrait même se transformer en premier grand tour pour l’équipe du Bahreïn.
Il monumentale
Avec les retraites de Cancellara et Boonen ces deux dernières années, les multiples vainqueurs de monuments se font plus rares. Seuls quatre hommes ont réussi à s’imposer au moins trois fois sur une des cinq plus grandes courses d’un jour (Valverde, Gilbert, Cunego et Nibali). L’Italien est le seul dans le peloton à avoir accroché les deux monuments italiens du calendrier – en plus d’une deuxième place sur Liège-Bastogne-Liège en 2012. Toutes époques confondues, il rejoint aussi Merckx, Hinault et Gimondi dans le club de ceux qui ont remporté les trois grands tours et au moins trois monuments. En 2018, il va innover avec une première participation au Tour des Flandres afin de se préparer aux pavés prévus sur le prochain Tour de France.
À l’échelle de l’histoire, la victoire de Nibali ne relève pas de l’inédit certes, mais il faut remonter assez loin dans le passé pour retrouver ses prédécesseurs. L’Italien a remporté 14 courses différentes organisées dans son pays (pour 33 victoires). Parmi les courses transalpines catégorie World Tour, seules les jeunes Strade Bianche lui font de la résistance. La deuxième place de Romain Bardet cette année prouve toutefois qu’il peut y jouer sa carte. Le Sicilien est surtout le premier Italien à réaliser le triplé des grandes courses italiennes que sont le Giro, Milan-Sanremo et le Tour de Lombardie depuis Francesco Moser en 1984. Ils ne sont que onze dans cette catégorie et il semble impossible d’en envisager un douzième à l’heure actuelle.
Toutes ces stats’ ! Quel travail ! C’est très intéressant mais au bout du compte (des kilomètres ;) c’est bien toujours ou le plus fort qui gagne, ou le plus intelligent… et Nibali à magnifiquement exploité ces deux qualités samedi ! Ou encore parfois le plus chanceux ou le plus malin… et l’on aimerait aussi, toujours, le plus… honnête.
Super article, merci !
HS mais pauvre Viviani, à peine arrivé il va deja se faire mettre dehors par Hodeg. Pouah avec le degraissage du salaire de Kittel la belle affaire qu’ils font.
On en parle de tous les néopros du tour de l’avenir 2017 qui sont ultra fort. Quelle génération. Sivakov, Jacobsen, Bernal (ok pas néo pro mais nouvelle génération), Halvorsen, Hamilton, Narvaez , Basso, Madouas , Storer…
Bravo pour les stats et la profondeur d’analyse, génial ! Et Nibali a pris samedi dernier une autre dimension, en effet. Vous avez parfaitement su le mettre en évidence. Quand on voit dans quelle lignée il s’inscrit, c’est impressionnant…
Super article qui montre que Nibali est bel et bien l’un des meilleurs de l’histoire. Top 15 pour moi, 10 s’il devient champion du monde !
Le plus fou c’est qu’il fait tout ça sans être le plus talentueux. Il est simplement plus malin. Et la classe finit par payer ! (et contrairement à ses contemporains Valverde ou Contador, jamais la moindre affaire…)
J’aime beaucoup Nibali et j’ai vibré sur son numéro de samedi dernier, mais le “pas la moindre affaire” me fait doucement rire. Rappelons quand même l’acte de triche éhonté qui lui a valu d’être exclu de la Vuelta en 2015.
Nous avons les champions que nous avons. Pas la peine d’enrober leur légende, aimons-les avec leurs mérites et leurs casseroles.
S’accrocher à une voiture (comme Bardet) n’a rien avoir avec des poches de sang dans le frigo d’un certain medecin, ou de battre Rasmussen convaincu de dopage (pour le coup je pense que Contador s’est dopé avec autres choses que 0,0005 mg de clebuterol).
Je pense que si les caméras était braquée sur le gruppetto en montagne la plupart des grosses cuisses du peloton ne ferait pas long feu.
Libre à vous de penser que ça n’a rien à voir (même si je pense qu’en l’occurrence, vous vous trompez et que c’est un cas de triche caractérisé : heureusement qu’il a été exclu sur le champ, imaginez le scandale s’il avait remporté cette Vuelta et que les images de triche n’avaient été rendues publiques que deux mois plus tard…).
En revanche, ne venez pas nous dire que c’est cautionnable parce que d’autres le font. C’est exactement l’argument de ceux qui défendent le dopage et les dopés. Vous pensez que sous prétexte que Bardet a triché aussi, ça minimise la triche de Nibali ?
Enfin, revoyez vos classiques. Personne n’a battu Rassmussen (il a quitté le Tour alors qu’il était en passe de le gagner) et il n’a jamais été convaincu de dopage (il a avoué s’être dopé, ce qui est totalement différent, mais n’a jamais subi de contrôle positif juridiquement valable). Quant à Contador, le jugement rendu fait état de l’ingestion de suppléments nutritifs contaminés. Pourquoi n’avez-vous pas fait appel de cette décision, vous qui disposez visiblement d’éléments de première importance ayant échappé tant aux enquêteurs qu’aux juges ?