L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc revenir sur chacun de ces protagonistes. A la cinquième place aujourd’hui, Vincenzo Nibali.

De retour sur la Grande Boucle deux ans après avoir épaulé Fabio Aru pour son premier Tour, Vincenzo Nibali veut croire en ses chances. Le vainqueur du Tour de France 2014 en a fait son objectif principal de l’année, en sachant peut-être que la possibilité de remporter l’épreuve une deuxième fois ne se reproduira plus. Pour lui, l’équipe Bahrain-Merida voit donc les choses en grand.

L’élément perturbateur

La semaine dernière, une ex-gloire du cyclisme italien contemporain raccrochait dans un relatif anonymat. Damiano Cunego, 36 ans, ne fait désormais plus partie du peloton professionnel. Vincenzo Nibali, 33 ans, est le dernier représentant de cette génération qui brillait déjà dans les années 2000 – de justesse, malgré tout. Avec quatre grands tours au palmarès et les deux monuments transalpins, le Sicilien n’a plus rien à prouver et suscite toujours la grande admiration des tifosi le long des routes. Néanmoins, ce coureur qui se voit désormais conquérir Paris-Roubaix ou le Tour des Flandres en plus du si convoité Liège-Bastogne-Liège n’a probablement pas le monopole de la décision sur les pentes les plus montagneuses. En 2014, s’il avait écrasé le classement général, bien aidé par les abandons précoces de bon nombre de ses concurrents, ses plus proches poursuivants n’étaient alors pas de sa catégorie. L’année suivante, auteur d’une préparation médiocre, il avait subi outrageusement face à Froome et Quintana, relevant la tête grâce à une chevauchée alpine dont lui seul a le secret.

Son Giro 2016, remporté au forceps grâce à un réveil on ne peut plus tardif, ne permet pas non plus de le classer comme le meilleur grimpeur du peloton. L’a t-il déjà été ? Peu probable. Le plus complet des coureurs de trois semaines ? Indéniablement. Capable de partir tout seul sur les pavés en première semaine, de mettre au supplice un peloton dans une descente où d’affoler les voitures des directeurs sportifs en attaquant de très loin, Nibali possède une science de la course hors-pair. Par fatalisme ou respect devant un personnage auréolé d’une certaine autorité morale, les plus grands champions actuels lui reconnaissent ce don. « Je suis vraiment content pour Vincenzo car il fut le seul à avoir eu le courage d’y aller aujourd’hui, disait son ami Peter Sagan au printemps, après un Milan-Sanremo que le Squale venait de remporter. Si je faisais le forcing pour rentrer seul, nous l’aurions repris, mais tous les autres attendaient de voir comment j’allais me comporter. Je me suis donc dis : soit Vincenzo gagne, soit ils le rattrapent. Et au final, il a gagné. »

Une voix discordante

En attendant, l’un des grands bonhommes du printemps est reparti en mission sur le Tour de France. Seul italien à l’avoir emporté depuis Marco Pantani il y a 20 ans, Nibali est d’ores et déjà heureux de retrouver une équipe des plus compétitives à ses côtés. Après avoir alterné les rôles chez Liquigas avec Basso, Kreuziger et Pellizotti, son leadership chez Astana paraissait indiscutable, avant d’être remis en cause par son compatriote Aru, et les remuants d’alors, Landa et Lopez. Chez Bahrain, on a bien engagé Domenico Pozzovivo à l’intersaison, mais dans l’unique but de renforcer un peu plus un collectif qui avait été transparent pour son premier Tour. Pour réparer l’erreur de casting, Brent Copeland s’est joint au brin de folie qui anime les tops teams. Au même titre que Sky, Movistar, BMC, AG2R ou Sunweb, Bahrain aligne la plus grosse équipe possible avec Nibali, Pozzovivo, les frères Izagirre et le quarantenaire Pellizotti.

De quoi concurrencer le train Sky ou la vague bleue venant de l’autre côté des Pyrénées ? En tout cas, il y aura match à tout point de vue. Collectif, certes, mais avant tout une opposition de style individuelle entre un attaquant qui ne mâche pas ses mots et partage une certaine idée de son sport, face au Britannique sous le feu des polémiques. Sensiblement d’accord avec Bardet et Dumoulin au sujet du comportement de l’équipe Sky alors qu’une procédure antidopage rythmait l’actualité, il en avait rajouté une couche sportivement, déclarant que Froome n’aurait jamais gagné ses quatre Tours sans la bande à Brailsford. Dans un autre registre, Nairo Quintana se souvient encore d’un Nibali frustré sur le Giro de l’an passé, où les deux hommes avaient été incapables de s’allier durablement face à Tom Dumoulin. Philosophe à ses heures perdues, invoquant le karma lors des retournements de situation, Nibali continuera d’imprimer sa marque sur les grands événements. Le sous-estimer en raison de son piètre Dauphiné, quoi qu’il en soit, demeure dangereux.

Et vous, qui voyez-vous remporter ce Tour de France 2018 ?

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