Sur la dernière ascension de ce Giro, Vincenzo Nibali a tenté, mais jamais il n’est parvenu à faire craquer le maillot rose Richard Carapaz. A la veille du chrono final à Vérone, il compte presque deux minutes de retard, et plus aucun espoir de renverser une course qu’il n’a jamais vraiment semblé maîtriser.

Offensif sans être dangereux

Les plus grands admirateurs de Vincenzo Nibali noteront que depuis dix ans, l’Italien est venu six fois sur le Tour d’Italie, et qu’il a toujours terminé sur le podium. A l’opposé, d’autres sauront souligner qu’à une époque, le garçon gagnait toujours lorsqu’il venait sur les routes transalpines, et que pour la première fois depuis 2008, il s’apprête à rallier l’arrivée d’un Giro sans avoir remporté la moindre étape. Le meilleur moyen de tirer le bilan des trois dernières semaines de Nibali est sûrement de trouver l’équilibre entre ces deux extrêmes, parce que le Squale n’a plus le mordant de ses plus belles années, mais qu’il a prouvé, malgré tout, qu’il n’était pas encore à mettre de côté. Si la hiérarchie est respectée, dimanche à Vérone, sur les 17 kilomètres du contre-la-montre final, il devrait monter sur la deuxième marche du podium, derrière la surprise Richard Carapaz, qui n’est pas vraiment celui que l’on attendait comme rival n°1 de l’Italien mais qui semblait pourtant intouchable.

Samedi vers le Monte Avena, dernier col d’un Giro déséquilibré, qui a offert onze jours de plaine avant presque dix jours de haute montagne, le Sicilien a lâché ses dernières cartouches. On ne sait pas s’il y croyait vraiment, s’il a attaqué avec la conviction qu’il irait renverser ce Tour d’Italie comme il l’avait fait il y a trois ans, ou s’il l’a fait avant tout pour les tifosi, pour qu’on ne lui reproche rien et pour pouvoir se dire qu’il avait fait tout son possible, finalement. Le fait est que jamais il n’a pu avoir l’espoir que l’exploit était à portée de main, parce que Richard Carapaz n’a jamais lâché sa roue. L’Équatorien avait prévenu, sur cette dernière arrivée au sommet, il n’avait prévu de surveiller que Vincenzo Nibali, et ça s’est vu. Mais s’il n’a pas tremblé, c’est surtout parce qu’encore une fois, il était fort, très fort, sans doute plus que tous ses adversaires.

Deux étapes pour les regrets

Le maillot rose s’est même permis le luxe de laisser à Mikel Landa la liberté d’attaquer, puis quand le Basque fut repris par le duo Carapaz-Nibali, l’Équatorien s’est mis à la planche pour son gregario des derniers jours. Avec un brin d’insolence, le garçon voulait offrir un podium et même une victoire d’étape à Landa, pendant que Primoz Roglic bataillait en contre-bas, tentant de sauver un podium duquel il est provisoirement tombé, samedi soir, mais qu’il est normalement en mesure de récupérer sur l’ultime effort solitaire. Cette confiance de Richard Carapaz a fait comprendre, finalement, qu’il était imprenable ces derniers jours, en plus d’être entouré d’une équipe Movistar qui a roulé sur ce Giro comme elle ne l’avait jamais fait sur un grand tour, parfaite tactiquement et qui rêve de placer deux coureurs sur le podium d’une course de trois semaines, ce qu’elle n’a réalisé qu’une seule fois depuis 20 ans, sur le Tour de France 2015.

Mais Nibali, même moins fort que Carapaz, pourra nourrir quelques regrets. Pas sur les derniers jours, où il a beaucoup tenté, parfois en montée, parfois en descente. Mais plutôt sur les premières étapes de montagne, où il a sûrement sous-estimé l’Équatorien et s’est un peu trop longtemps concentré sur Primoz Roglic, son rival annoncé. A Pinerolo, au soir de la 12e étape, l’Italien avait en effet une minute et demie d’avance sur Carapaz. Deux jours plus tard, il n’avait rien perdu sur Roglic ou Lopez, mais avait laissé l’Équatorien reprendre trois minutes, 23 secondes et le maillot rose. Risqué, même quand on s’appelle Vincenzo Nibali. Du côté de Movistar, on a sauté sur l’occasion et pris un malin plaisir à montrer à l’Italien qu’il était trop tard, désormais, pour rectifier le tir. Le Squale, et c’est rare, s’est peut-être noyé tactiquement. Encore plus frustrant que si les jambes avaient été les seules à faire la décision.

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