Sur un parcours qui laissait place au doute, Rohan Dennis a rapidement mis fin au suspense. Deux catégories au-dessus de tous ses adversaires, il a enfin décroché le titre mondial dont il rêve depuis ses débuts, au terme de sa plus belle saison depuis son passage chez les professionnels.

Le Cap comme point de départ

Juillet 2008, Le Cap, en Afrique du Sud. Rohan Dennis a 18 ans. A l’époque, les championnats du monde juniors ne se disputent pas en même temps ni au même endroit que les épreuves espoirs et élites. Mais le jeune australien dispute cette semaine-là ses premiers Mondiaux, dans l’ombre du Tour de France. Il est engagé sur le contre-la-montre, qu’il terminera à la 31e place – sur 66 concurrents à l’arrivée. Michal Kwiatkowski, le vainqueur, est loin devant. Mais Rohan Dennis s’accroche et débute sa carrière professionnelle l’année suivante. Avec toujours, dans un coin de sa tête, ce titre de champion du monde du chrono dont il rêve, sans doute influencé par l’histoire de son pays, qui a vu Michael Rogers monopoliser la tunique arc-en-ciel trois saisons d’affilée, au début du siècle. Mais sa quête sera longue. Il lui aura fallu dix ans, depuis cette première tentative, pour enfin y parvenir.

Entre-temps, le garçon a souvent été placé. Chez les espoirs, il s’approche de la consécration, pour mieux échouer. Cinquième chez lui, à Geelong, en 2010, puis deuxième à Valkenburg, deux ans plus tard. Il devient une référence à l’échelon australien, pas encore sur la scène internationale. Son arrivée en World Tour coïncide avec son changement de catégorie. Fini les espoirs, le voilà qui doit courir avec les grands. C’est là qu’il va apprendre plus vite et franchir les étapes une à une. Mais ses progrès peinent à se concrétiser sur l’épreuve reine : pendant cinq saisons, de Florence à Bergen, Rohan Dennis ne loupe pas un chrono mondial, mais termine toujours entre la cinquième et la douzième place. Que ce soit sur de courtes ou longues distances (une trentaine de kilomètres à Bergen, presque soixante à Florence), sur des parcours plats comme la main ou plus vallonnés, rien n’y faisait.

Cadeau d’adieu

Alors fut un temps, Rohan Dennis a pu se consoler avec les titres par équipes acquis par BMC, dont il était un élément crucial. Mais ce n’était pas assez pour lui. Et finalement, cette année à Innsbruck, sur un tracé loin d’être fait pour ses qualités, avec cette bosse de presque cinq bornes à plus de 7 % de moyenne, il a décroché son Graal. Tom Dumoulin était le grand favori à sa propre succession, parce qu’il grimpe mieux et qu’il roule aussi bien, se disait-on. Mais l’Australien a fait mentir tous ces a priori. En vérité, il est monté plus vite que le Néerlandais dans l’ascension du milieu de parcours. Et au sommet, même si son rival n’était pas encore passé, il savait qu’il allait le faire. Il aurait eu tort de ne pas savourer, tant sa marge était grande. Plus d’une minute et vingt secondes, à l’arrivée, sur Dumoulin et Campenaerts, qui se sont joués le podium dans la même seconde, mais tellement loin du vainqueur.

Sur son chemin, Dennis a même repris deux concurrents partis avant lui. Le vice-champion d’Europe Jonathan Castroviejo et l’ancien champion du monde Vasil Kiryienka, rien que ça. Alors il y avait de quoi exulter. « C’est un rêve qui devient réalité, je poursuis ce maillot depuis que je suis en juniors, disait l’Australien quelques minutes après son sacre. Je ne l’ai jamais remporté, dans aucune catégorie, alors décrocher le premier chez les élites, c’est très spécial. » Ça l’est encore plus au terme d’une saison parfaite, qui l’a vu remporter sept de ses dix chronos individuels, dont un sur le Giro et deux sur la Vuelta. C’est un beau cadeau, aussi, pour cette équipe BMC qui va subir une grosse transformation, cet hiver, et dont Rohan Dennis ne fera plus partie, la saison prochaine. Avant de tourner la page, le garçon devrait donc avoir en tête ce voyage en Afrique du Sud, l’année de ses 18 ans, où il avait posé la première pierre de son histoire avec les Mondiaux.

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