Il va falloir apprendre à écrire Jhonatan avec cette orthographe. C’est le prénom de Narvaez, la dernière attraction venue d’Amérique du Sud. Un Equatorien dont on a du mal à savoir pour quelle genre d’épreuves il est fait, mais dont tout le monde ou presque a déjà entendu parler, trois mois seulement après ses débuts chez les professionnels.

Des chutes, des victoires mais pas de téléphone

A première vue, l’histoire pourrait être celle de beaucoup de coureurs colombiens, aujourd’hui largement représentés dans le peloton. Jhonatan Narvaez a passé son enfance dans un petit village perché à 3000 mètres d’altitude, au milieu des montagnes. Cadet d’une fratrie de cinq, il a été mis au vélo par son père et son unique frère. Chaque jour, pour conclure son entraînement, il devait ainsi grimper une côte longue de cinq kilomètres à 6% de moyenne. Mais le garçon habitait jusqu’à l’an dernier à Playon de San Francisco, en Equateur et pas en Colombie, même si la frontière n’était pas loin, à seulement quinze minutes de voiture. Une frontière qu’il franchissait régulièrement pour concourir, faute de courses dans son pays. Sans grand succès, au début. « Je me souviens de ma première course, j’étais arrivé dernier, confie-t-il. Il pleuvait très fort, j’étais trempé. Mais j’ai terminé. »

Il fait déjà preuve d’une grande détermination, même si sa mère, elle, n’est pas rassurée. Narvaez tombe beaucoup, revient régulièrement amoché de ses entraînements ou de ses courses, tout ça pour des résultats médiocres. Mais à partir de ses treize ans, l’adolescent devient plus efficace, commence à décrocher des podiums puis des victoires, même s’il assure ne pas se rappeler de la première fois qu’il l’a emporté. Quelques années plus tard, Joxean Matxin, à l’époque scout pour l’équipe Quick-Step, se déplace en Colombie pour voir à l’oeuvre les pépites du pays. « On m’avait parlé de bons jeunes colombiens, qui terminaient souvent deuxièmes, raconte-t-il pour Ciclismo a Fondo. Et j’ai remarqué que souvent, celui qui gagnait, c’était Jhonatan. Mais personne ne pouvait me parler de lui. Ils ne le connaissaient pas. » Matxin contacte alors la fédération équatorienne. Mais Narvaez n’a pas de téléphone, alors la seule information que reçoit le recruteur espagnol, c’est l’endroit où vit le garçon : Playon de San Francisco.

Liège, le froid et les Jeux boliviens

Une visite chez les Narvaez plus tard, le prodige dispute sa première course en Europe et y gagne deux étapes dont un contre-la-montre. Il intègre ensuite l’équipe Klein-Constantia, la réserve de Quick-Step. L’histoire est en marche. Deux ans plus tard, après un détour chez Axeon Hagens Bermans, il signe son premier contrat professionnel chez Patrick Lefevere. Et ne cache pas ses ambitions. « A long terme, j’ai deux grands objectifs : porter le maillot de leader sur un grand tour et gagner Liège-Bastogne-Liège », lance-t-il à qui veut l’entendre. Désormais installé à Pampelune, avec son compatriote Richard Carapaz, l’autre équatorien du World Tour, il s’habitude peu à peu à la vie européenne. En 2018, après une bonne semaine sur la Colombia Oro y Paz, il a fait forte impression sur les Boucles Drôme Ardèche, seulement battu par Lilian Calmejane à Livron.

Pas dérangé par les conditions climatiques en Belgique ou en France – « je ne suis pas un grand fan des grosses chaleurs, si j’ai à choisir, je préfère quand il fait froid » – il est même allé prendre la septième place d’A Travers la Flandre occidentale. En fait, la météo lui rappelle chez lui puisque dans sa maison, en Equateur, la température dépassait rarement les 12°C. Alors à tout juste 21 ans – depuis le week-end dernier – il peut faire des erreurs. Comme lors des derniers Jeux boliviens de Santa Marta, en novembre dernier, où il avait été exclu de l’équipe nationale après avoir été retrouvé ivre, en compagnie de deux coéquipiers, dans un bar de la ville quelques heures après la cérémonie d’ouverture. Mais Matxin l’assure : « Sa tête est plus forte que ses jambes. Il a la mentalité parfaite pour être cycliste. » Le Basque est même persuadé que sa trouvaille finira par être l’une des grandes figures mondiales du cyclisme. C’est l’ambition de Narvaez, aussi, qu in’a pas prévu de prendre de retard.

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