Outsider, qu’il se disait. Mais personne ou presque ne l’avait pris au mot, cette semaine. Thibaut Pinot était bien l’un des grands favoris de ce Tour de Lombardie et il a répondu plus que présent. Au terme d’une course parfaite et d’un duel épique avec Vincenzo Nibali, il a décroché le premier monument de sa carrière.

Tellement fort

Il ne pouvait pas rêver d’un meilleur scénario. Mais il fallait des jambes de feu et une tête bien pleine pour en sortir vainqueur. Thibaut Pinot s’est offert un duel avec Vincenzo Nibali, sur le Tour de Lombardie, terre de l’Italien, deux fois sacré à Côme. « Si on m’avait demandé de désigner un deuxième aujourd’hui, j’aurais dit Nibali, confiait Pinot à la chaîne L’Equipe, après l’arrivée. Me retrouver avec lui dans le Civiglio, c’était un symbole pour moi. » Ils n’étaient alors plus que tous les deux. Les plus forts. Pédalier contre pédalier. Une fois, deux fois, trois fois, le Français a attaqué. Il lui fallait s’isoler avant le sommet. Mais à chaque fois, le Squale a répondu dans la seconde pour même remonter à hauteur de son adversaire. « J’ai compris que c’était du bluff, assure Pinot. Je me suis dit j’en mets une dernière à 500 mètres du sommet pour voir, et c’était la bonne. Il ne fallait pas douter parce que quand tu attaques et qu’il se met à côté de toi pour te regarder, ça peut être déstabilisant. »

Mais Pinot était trop fort. Les favoris prédisaient que le Civiglio serait décisif, que tout s’y jouerait. En vérité, tout ou presque s’était déjà joué avant, dans le mur du Sormano. Là où peu de monde s’imaginait voir un cador sortir, à presque 50 bornes de l’arrivée. Sauf que Nibali n’est pas fait du même bois que les autres, alors il s’est dressé sur les pédales, et Pinot n’a pas hésité pour le suivre. « C’est pour ça que Vincenzo est un coureur particulier, peu de coureurs auraient attaqué où il l’a fait, dit Pinot. Je voulais le faire mais est-ce que je l’aurais fait, je ne suis pas sûr. » Un peu moins farouche que le Sicilien, le Franc-Comtois a quand même plus de panache que la moyenne. Et peut-être les meilleures jambes du peloton, depuis deux semaines – il se dit lui-même dans la forme de sa vie. Alors il ne fallait pas louper le coche. Ce Tour de Lombardie qu’il commence à connaître comme sa poche lui tendait enfin les bras. Il a su s’en rendre compte.

Un Monument, si rare

A l’arrivée, en solitaire, il a pu savourer. Taper la main de certains de ses coéquipiers du jour, sur le bord de la route à 100 mètres de la ligne, dont Jérémy Roy, son grand ami, qui disputait la dernière course de sa carrière. Tenter de réaliser ce qu’il venait d’accomplir, s’imposer sur l’une des courses de ses rêves, après avoir joué la gagne ces dernières années, sans succès. « En 2015 et en 2017 (quand Nibali l’avait emporté et qu’il avait terminé respectivement troisième puis cinquième, ndlr), je suis toujours tombé sur plus fort que moi », reconnaissait Pinot sans regret, cette semaine dans L’Equipe. Cette fois, c’était lui le plus fort et ça n’a souffert d’aucune contestation. Sur sa droite, au moment de monter sur le podium, Vincenzo Nibali avait le sourire. Comme heureux de voir par qui il avait été battu. Par le plus italien des Français, amoureux et habitué de la Botte, qui décroche le premier monument de sa carrière.

Une rareté pour le cyclisme français, qui en compte deux, désormais, dans le peloton actuel, grâce à Arnaud Démare, vainqueur de Milan-Sanremo en 2016. Cinq mois après sa désillusion du Giro, dont il a beaucoup été question ces dernières semaines, Thibaut Pinot a donc mis tout ça définitivement derrière lui. Il aime toujours autant l’Italie et elle le lui rend bien. « Solo la vittoria e bella », dit son tatouage sur le biceps droit. Ce samedi, ces quelques mots lourds de sens parce que c’est un peu plus qu’une victoire qu’est allé chercher Thibaut Pinot. Une place dans l’histoire de son sport, en inscrivant son nom au palmarès de l’une des épreuves les plus prestigieuses, voilà ce que s’est offert le Franc-Comtois qui, à 28 ans, a atteint le pic le plus haut de sa carrière. Les vacances arriveraient presque trop tôt. Mais qu’est-ce qu’elles vont être belles !

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