Raconter l’histoire de la Chronique du Vélo, c’est se replonger dans des souvenirs d’adolescence. Des heures passées devant son écran d’ordinateur, à discuter avec d’autres ados dont on connaît au mieux la voix et le visage grâce à MSN, mais parfois seulement un prénom, voire un pseudo. Le site est né au début de l’année 2012, sur un forum du site jeuxvideo.com où nous étions quelques dizaines, collégiens et lycéens pour la grande majorité, à discuter de l’actualité vélo. A l’époque, j’ai 15 ans. Je me rappelle assez bien de l’effervescence des premiers jours. Matthieu, qui de mémoire approche la vingtaine, balance l’idée. Et si on écrivait des articles ? On passe déjà une bonne partie de nos journées à parler de cyclisme et dans notre bulle, on est persuadés que certains sont assez doués pour écrire.

Des ados, un blog puis un site

Je suis tout de suite très emballé par le projet, mais je ne suis pas tout seul. Dans le sillage de Matthieu, il y a Amine, Mehdi, Adrien P et moi, donc. On discute déjà des formats que l’on pourrait mettre en place. On est fans de certains sites présents sur la toile, dont Velochrono, et un peu moins de certains autres. On pioche des idées, on décline des concepts. Pendant quelques heures, je tente de créer une page sur la plateforme WordPress. Je l’avais déjà fait quelques mois plus tôt, donc je connais les bases de l’outil. Il suffit de quelques soirées pour que l’on dispose déjà d’un blog opérationnel, où les premiers articles seront publiés le 16 janvier. La Chronique du Vélo est lancée, mais personne ne s’imagine que l’aventure va durer neuf ans.

Le blog chroniqueduvelo.wordpress.com, toujours accessible.

Sur le forum, ce qui était au départ le projet de quelques gars intéresse rapidement plus de monde. Louis, Emile, Alexis R et Johan rejoignent le projet. Les articles pleuvent, il y a parfois un manque de cohérence mais l’effervescence grandit. On passe des soirées entières à ajouter des petits drapeaux pour répertorier tous les effectifs du peloton. Le travail est fastidieux mais on a 15 ans, du temps, quelques idées et l’envie de faire quelque chose de nouveau. On s’envoie des messages toute la journée pour savoir quoi faire et comment. On se rencontre par petits groupes, à Paris ou ailleurs selon les situations géographiques de chacun. On s’imagine en rédaction, les copains du forum nous félicitent pour nos articles et on réfléchit à comment se développer.

Rapidement, je me mets en tête qu’il nous faut un vrai site et pas seulement un blog, afin de pouvoir agencer les contenus comme on le veut. Je me renseigne et je décide de créer chroniqueduvelo.fr, en payant de ma poche l’hébergement et le nom de domaine. Je découvre ce qu’est le code alors que je n’y connais rien. Je me prends au jeu et cherche parfois pendant cinq heures quelle ligne modifier pour ajouter un détail sur la page d’accueil du site. Je publie des dizaines de posts, sur des forums de spécialistes, pour demander de l’aide. Quand j’arrive à un résultat qui me convient, je le montre enfin au reste de l’équipe. Ce n’est pas du grand art mais ils adorent. On est en juin 2012, le Tour de France approche et on peut délaisser notre blog pour un véritable site internet.

Des galères et un petit coup de pouce

Si vous cherchez cependant, vous ne retrouverez pas les articles de cette période. Pour une raison que je n’ai plus en tête, mais qui avait dû paraître logique pour toute l’équipe à l’époque, ils ont été supprimés. En fin d’année, nous n’avions déjà plus qu’une idée : nous préparer pour la saison 2013. L’activité repart alors de plus belle. Alexis, qui fait toujours partie de la bande, rejoint l’équipe quelques semaines après le début de saison. Il vient du même forum que les membres fondateurs et il est le benjamin de la rédaction. On lance à la même période un podcast avec Romain et les gars de Parlons Sport. Je m’imagine journaliste quand j’en aurais terminé avec le lycée, mais les autres pas forcément.

Il manque les photos, mais voici un aperçu du site en 2012.

L’organisation devient capitale dans la vie du site. Le rythme est moins volatile qu’au début et on essaie de publier un article par jour. Il y a des galères, comme ce jour de juillet 2013 où je fais une mauvaise manipulation et rend le site totalement inaccessible. C’est lors de l’étape du Ventoux, que remporte Christopher Froome. Je me dis que c’est le pire moment pour un plantage. Quand je réussis à restaurer le site, beaucoup de contenu a disparu. Je prends un coup au moral. Au fil des semaines, je remets en place une bonne partie de ce qui avait été perdu. Mais en fouillant un peu, on peut trouver, encore aujourd’hui, des articles d’avant juillet 2013 qui n’ont pas de photo. La faute à cet épisode.

A l’époque, la Chronique du Vélo reste un site très méconnu des fans de vélo. Il y a une centaine de personnes qui viennent nous lire tous les jours. C’est à la fois beaucoup pour nous, qui n’avons pas l’habitude d’avoir un public, et peu compte tenu de notre investissement à tous. Mais cela va changer. En avril 2015, le site Velochrono s’arrête. C’était en quelque sorte le modèle de qualité vers lequel on essayait de tendre. En tant que lecteurs, c’est une perte pour nous. Mais pour la Chronique du Vélo, c’est un gros coup de pouce. Les habitués de Velochrono cherchent un nouveau site où consommer des articles détaillés qui racontent et analysent la saison. Ils se passent le mot petit à petit et une partie d’entre eux prend migre vers la Chronique du Vélo.

Un mail, un tournant, un nouveau design

Un an après la création du site en tant que tel, en 2013.

Notre audience se démultiplie en quelques jours et se stabilise. Les lecteurs qui viennent une fois ont tendance à revenir. Ce ne sont plus cent mais mille personnes qui nous lisent dans les bons jours. Entre-temps, l’équipe a perdu Louis, rédacteur très régulier des premières années, qui a laissé sa place. Pendant de longs mois, on tient le site à deux, Alexis et moi. Je suis en école de journalisme et je profite de la Chronique du Vélo pour produire du contenu en permanence. Alexis, lui, a du temps. L’organisation est simplifiée, d’un côté : chaque jour, il suffit de voir qui de nous deux est disponible pour écrire. Mais la cadence est nettement plus dure à tenir. Heureusement, on est finalement rejoints par Théo S et Adrien G.

Le site, à cette époque, est déjà celui que la majorité d’entre vous ont connu. A un gros détail près : l’aspect visuel. Entre 2012 et 2015, les changements sont minimes, parce que mes compétences en code sont limitées. Mais un jour de novembre, David m’envoie un mail. Je ne le connais pas mais il va changer l’histoire de la Chronique du Vélo. Il est développeur web et en se baladant sur le site, il repère des erreurs nées de mes aventures dans le code. Il se propose d’abord de les corriger, puis au fil de la discussion, soumet l’idée d’une refonte totale du site qu’il est prêt à faire bénévolement. Une bénédiction pour moi : le site ne rapporte rien, je n’ai pas les moyens de le payer, mais je rêve depuis un bout de temps de faire évoluer le design du site.

Pendant plusieurs mois, nous échangeons avec David des centaines de mails, puis en mars 2016, juste avant la victoire d’Arnaud Démare à Milan-Sanremo, le nouveau site voit le jour. Il est bien accueilli et je suis très fier. On publie un entretien avec Thibaut Pinot lors du lancement. On envoie même un communiqué de presse à des dizaines de médias et journalistes, en espérant que l’on parle de nous sur les réseaux sociaux. Ce n’est absolument pas le cas mais on se sent pousser des ailes. Je vois l’évolution depuis la création du blog quatre ans plus tôt et je me dis qu’on peut encore aller plus loin.

La Chronique du Vélo sur le Tour

Le nouveau site, en 2016, réalisé par David.

Pour 2017, j’ai donc l’idée de couvrir le Tour de France avec Théo. Il faudra se faire accréditer mais surtout pouvoir payer les frais. Je me mets en quête de sponsors, avec l’aide d’Alexandre, un de mes meilleurs amis étudiant en école de commerce. On vit en colocation à Londres et on passe une partie de nos journées à démarcher au téléphone. On démarre une collaboration avec la marque de vêtements Grupetto, qui dure environ six mois et nous rapporte 350 euros. C’est loin d’être suffisant pour le Tour de France, alors on lance un financement participatif. Les lecteurs sont au rendez-vous, des amis ou membres de la famille donnent une petite contribution et l’opération est un succès. Il manquera peut-être quelques centaines d’euros au bout du compte, que l’on piochera dans nos économies, mais on part bel et bien sur le Tour. Je réserve les hôtels pour les trois semaines, je commande des stickers pour notre voiture et des t-shirts avec le logo du site. Tout est prêt.

Quelques jours avant le départ, changement de plan. Je vais bien sur le Tour de France, mais pour le journal L’Equipe. Baptiste me remplace au pied levé pour accompagner Théo. On se croise tous les jours au village départ ou en salle de presse. On est au cœur de l’évènement. Durant les années précédentes, on était allés parfois sur une étape de Paris-Nice pour recueillir quelques interviews. Cette fois, c’est tous les jours. A raison de deux ou trois articles quotidiens sur le site, Théo et Baptiste font un boulot merveilleux. Tous les soirs, je lis tout ça avec fierté.

Un an plus tard, la Chronique du Vélo remet ça avec un duo différent. Cette fois, c’est Alexis et moi qui partons sur la route. Nous faisons un nouveau financement participatif, qui est moins convaincant que le premier. Il faut donc faire quelques concessions : on ne couvrira que les deux dernières semaines du Tour, et je vais mettre de ma poche pour assumer les frais de déplacement. On rejoint la course à Annecy, lors du jour de repos, et on assiste ensuite à la consécration de Geraint Thomas. On a quelques galères logistiques et on se nourrit parfois exclusivement de madeleines et de saucissons offerts au village départ, mais on se régale de pouvoir choisir chaque jour les sujets qui nous font envie.

A la belle étoile

On passe d’hôtels low-cost en maisons d’hôtes plus accueillantes, sauf le jour où lors d’une arrivée tardive dans la nuit, l’une d’entre elles nous dit être complète malgré notre réservation. On est à la frontière espagnole, on tente désespérément de trouver une chambre mais il est minuit passé et il faut finalement se résoudre à dormir dans la voiture, au bord d’une rivière. Aujourd’hui, on se dit que ça fait une histoire à raconter dans ce long papier sur les aventures de la Chronique du Vélo.

Un matin, en quittant l’hôtel pour rejoindre le départ de l’étape, on fait même la rencontre de Jules, qui travaille alors dans la caravane du Tour. Il faisait partie, quelques années plus tôt, du forum où la Chronique du Vélo est née. Quand il a aperçu les logos du site sur les portières de notre voiture, il est venu nous saluer. Après s’être parlé sans se connaître, durant notre adolescence, on se retrouvait tous les trois sur la course qui nous faisait rêver. Un joli clin d’œil.

Après ce Tour 2018, la Chronique du Vélo aura donc continué de vivre normalement pendant deux ans, avant des derniers mois plus compliqués. Il y a eu le Covid, l’arrivée d’une majorité d’entre nous dans le monde du travail, des vies qui changent beaucoup, entre 20 et 30 ans. Nous vous l’avons expliqué il y a une dizaine de jours, au moment de vous annoncer l’arrêt du site. Nos priorités ont changé et l’aventure doit s’arrêter aujourd’hui. Cet article est le dernier qui sera publié ici. Mais la Chronique du Vélo restera accessible, pour les quelques uns qui voudront venir de temps en temps y lire un ancien article ou y piocher des informations.

Mille mercis

Au moment de conclure, il y a une grosse pensée pour l’équipe actuelle, qui a accompagné la Chronique du Vélo jusqu’au bout : Alexis Midol-Monnet, Théo Sorroche, Jean-Baptiste Caillet, Adrien Godard, Baptiste Allaire, Téo Barbey-Duquil, Stéphane Deneits, Romain Puissieux, Vickaine Csomporow, Roman Bouquet-Littre, Théo Bourguignon, Benjamin Rousselot et les derniers arrivés, pour qui l’aventure aura été assez courte, Thibaut Dussud et François Mathou. Sans oublier Renaud Breban, notre community manager, et David Brabyn, officiellement notre webmaster mais qui était en vérité bien plus que ça.

Merci aussi à tous les autres, qui ont collaboré pour des périodes plus ou moins longues et ont apporté leur pierre à l’édifice : Tom Duterme, Etienne Jacob, Quentin Perissinotto, Nathanaël Valla-Mothes, Maxime Cazenave, Antoine Pimmel, Rodolphe Desseauve, Jérôme Jordens, Thomas Bernier, Elise Chauveau, Nicolas Berriegts, Johann Bernardet, Jade Leroueil, Nicolas Rose, Kevin et enfin nos dos stagiaires de 2019, Maxime Pimont et Vincent Tolmau.

Un merci tout particulier à ceux qui étaient là au début, lors des premiers mois, quand on ne savait pas où on allait : Matthieu, Amine L, Adrien P, Mehdi K, Emile, Louis Rivas, Johan C et Alexis Rose.

Merci à tous les acteurs du cyclisme qui nous ont ouvert les portes pendant toutes ces années, aux coureurs et anciens coureurs qui nous ont accordé du temps, aux staffs, aux attachés de presse, aux organisateurs de courses, à ceux qui ont accepté de nous accréditer.

Ces derniers jours ont été particuliers. En publiant cette série d’articles, il y avait le sentiment d’être revenu quelques années en arrière. Vos messages, depuis l’annonce de l’arrêt du site, nous ont fait chaud au cœur. Ils compensent un peu la nostalgie qui pointe au moment de vous dire au revoir. Malgré six mois d’inactivité, vous avez été nombreux à revenir nous lire pour ce que nous avons appelé notre dernier tour de piste. C’est à vous que s’adressent ces ultimes remerciements.

Aux premiers lecteurs, ceux d’il y a bientôt dix ans, qui nous ont donné la force d’écrire les premiers articles, et à tous ceux qui sont passés sur la Chronique du Vélo dans les neuf années qui ont suivi. Sans vous, nous n’aurions rien fait de tout ce qu’il y a eu. Nous n’aurions pas eu la motivation de proposer un article quotidien pendant des années, nous n’aurions pas couvert deux Tours de France, nous n’aurions pas créé un groupe d’une quinzaine de personnes, passionnés de vélo et investis pour vous proposer ce contenu.

Merci du fond du cœur d’avoir été là. On se retrouvera ailleurs, sur les réseaux ou sur d’autres supports. Notre passion pour le vélo ne s’éteindra pas. Notre amour pour la Chronique du Vélo non plus. C’était pour nous une grande histoire. Grâce à vous.

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