Il n’a même pas 25 ans, mais il est capable de jouer la gagne sur une ardennaise, une épreuve olympique, une course d’une semaine et même Milan-Sanremo. Difficile de faire plus complet que Julian Alaphilippe. Mais à quelles fins ?

Une trajectoire imprévisible

Dans la catégorie des inclassables, on demande Julian Alaphilippe. Il y a les coureurs qui prennent leur pied à régler au sprint les long trajets plats. Il y a ceux qui aiment enchaîner les grandes ascensions. Le Montluçonnais est du genre à savourer tout ce qui se trouve entre ces deux extrêmes. « Même moi, j’ai du mal à me classer, à dire sur quelles courses je suis le meilleur, reconnaissait-il avec un sourire samedi, encore hagard après sa troisième place sur Milan-Sanremo. Disons les courses de vélo, les plus dures possibles, où il y a du mouvement. » Il aime surtout frapper où on ne l’attend pas et ce n’est pas nouveau. Déjà sur le Tour de l’Avenir 2013, on imaginait ce petit bonhomme d’alors 21 ans se faire plaisir sur les deux premières étapes réservées aux sprinteurs adeptes des finals ardus. Frustré à deux reprises par Caleb Ewan, il s’était vengé sur une étape de montagne le dernier jour.

Depuis cette banderille audacieuse face aux purs grimpeurs, Julian Alaphilippe n’a cessé de surprendre. Il n’a pas beaucoup gagné, mais il a tutoyé tous les types de roues sur les photos finish : Valverde sur les ardennaises (deux fois à Huy, une fois à Ans), Sagan sur le Tour et aux championnats d’Europe, Démare sur Paris-Nice et maintenant Kwiatkowski sur la Primavera. Ses quelques victoires en pro ne sont même pas sur ses terrains de prédilection : un chrono accidenté au mont Brouilly et une ascension de 12 kilomètres en Californie. Néanmoins, ce palmarès et ces accessits ont de quoi impressionner. Sa capacité à bien figurer dans les plupart des courses sur lesquelles il s’aligne lui permet d’ailleurs d’être en 2017 le coureur de sa génération qui a glané le plus de points UCI.

Que jeunesse se fasse

Ce goût de l’inattendu, le coureur français le cultive savamment au sein de la formation Quick-Step, dans un régiment de grosses pointures. À chaque exploit, le génie rappelle qu’il n’est pas le leader désigné, que ce sont les faits de course qui l’ont poussé à partir à l’assaut d’un podium. Samedi à Sanremo, Alaphilippe a eu un mot pour Fernando Gaviria et Philippe Gilbert dès l’arrivée. C’est à peine s’il admettait avoir « des fourmis dans les jambes » sur les dernières portions du Poggio. Il ne faut pas y voir du triomphe modeste. C’est à se demander si le protégé de Patrick Lefevere a pleinement conscience de son niveau. « Je sais que sa collection d’accessits sur les ardennaises le frustre, confiait Philippe Gilbert à Vélo Magazine en début d’année, mais ces performances sont phénoménales à son âge. Je lui rappelle souvent qu’à 24 ans, moi, j’étais lâché avant le final. Il ne mesure pas tout à fait, à mes yeux, la portée de ce qu’il a déjà accompli. »

En 2016, Julian Alaphilippe avait « profité » de sa mononucléose en début d’année pour avancer masqué quelques mois de plus. Cette saison, après un Paris-Nice et un Milan-Sanremo presque parfaits, il sera attendu sur tous les fronts. À lui de creuser son sillon. Une fois qu’il aura réglé son compte aux ardennaises, car cela ne semble être qu’une question de temps, sur quoi va t-il se positionner ? Pour le moment, le coureur est prêt à boire dans n’importe quel flacon, pourvu qu’il y ait l’ivresse de la victoire à la clé. Une fois franchi ce cap « plus psychologique que physique » selon lui, il aura l’embarras du choix. Dans une position similaire, Michal Kwiatkowski s’est rabattu avec succès mais non sans mal sur les classiques de printemps. Trop frêle pour les pavés, le Français pourrait aussi se tourner vers les courses à étapes. Ça se trouve, il jouera même sa carte sur le Tour de France. Il n’y a que sur le col d’Izoard et sur les Champs-Élysées que Julian Alaphilippe n’aura rien à jouer. Quoique.

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