Il ne voulait pas trop y penser, mais reconnaissait que « le classement général [était] dans un coin de [sa] tête ». A trois jours de l’arrivée maintenant, Julian Alaphilippe est même paré de jaune. Pas habitué à la fausse modestie, il n’a plus qu’un objectif, et ne s’en cache pas : il veut rester leader jusqu’à Nice, dimanche.

Protégé plus que bridé

La stratégie de Quick-Step et de son manager Patrick Lefevere a souvent été pointée du doigt. Julian Alaphilippe, l’un des plus grands talents du peloton, serait bridé par l’équipe belge. Mais pourquoi le voir sous ce prisme négatif ? La gestion du Français n’a peut-être pas toujours été optimale, mais la volonté de le protéger encore un peu est aussi intelligente que pour le moment efficace. Dimanche dernier, Alaphilippe a joué les équipiers de luxe pour Marcel Kittel alors que les rôles auraient pu être inversés – le final a d’ailleurs montré que l’Allemand n’était pas dans un grand jour. Et s’il n’avait pas eu à passer de relais dans la plaine, l’enfant de Saint-Amand-Montrond aurait peut-être battu Arnaud Démare dans les derniers hectomètres.

Mais faire rouler l’équipe pour Alaphilippe, c’était faire du garçon le leader de Quick-Step sur ce Paris-Nice, dès le premier jour. Sur une épreuve qu’aucun français n’a remporté depuis maintenant vingt ans, un tel statut aurait amené beaucoup de pression. Au contraire en n’affichant pas immédiatement ses ambitions, le tricolore a pu avancer tranquillement les premiers jours, avant de véritablement devenir un candidat à la victoire ce mercredi, après le chrono du mont Brouilly.

C’est justement toujours dans ce rôle d’électron libre qu’Alaphilippe a su briller depuis son éclosion. Sa révélation sur les ardennaises, en 2015 (2e de la Flèche wallonne et de Liège-Bastogne-Liège), était inattendue, comme sa victoire au Tour de Californie l’an dernier. Mais il semble avoir besoin de cet effet de surprise, au moins pour ses « premières fois ». Sur Paris-Nice, une épreuve d’une semaine réputée, le schéma est donc identique. Jamais il n’avait, avant cette année, joué la gagne sur une course de cette envergure. Le voir s’y révéler est une bonne nouvelle, mais arriver au départ en annonçant qu’il viendrait pour jouer le général aurait pu être contreproductif. Le Français n’a encore que 24 ans et largement le temps pour endosser le costume de patron d’une écurie comme Quick-Step.

Perdre ne serait pas un échec

C’est toute cette gestion qui lui permet d’aborder les trois dernières étapes de ce Paris-Nice avec sérénité. Ses performances passées ont prouvé qu’il savait grimper et il ne fait aucun doute qu’il a les qualités pour résister à ses poursuivants. Avec plus de 30 secondes d’avance sur son dauphin Tony Gallopin, et un peu plus sur les autres, il est presque dans un fauteuil même s’il préfère forcément jouer la prudence face aux médias. Mais c’est surtout la manière d’entamer cette fin d’épreuve qui est déterminante. Alaphilippe n’avait pas annoncé vouloir être en jaune à trois jours de Nice. Il se retrouve à cette place parce qu’il a parfaitement gérer sa course jusqu’à maintenant, mais n’a pas à assumer le statut d’un cador.

S’il s’incline face aux purs grimpeurs Henao ou Contador, il aura des regrets, forcément. Mais il n’aura pas manqué son objectif. Quoi qu’il arrive, sa semaine est largement réussie. Sauf que c’est là que sa mentalité de champion intervient. Réaliste face à la situation, il sait aussi ce qu’il représente désormais pour le public : une chance, après deux décennies de disette, de voir un tricolore sur la plus haute marche du podium. « Je suis conscient de l’attente, confiait-il hier après sa victoire dans le contre-la-montre. J’y penserai quand on approchera de Nice. Pour être honnête, j’ai dans un coin de ma tête l’idée de garder le maillot jaune. » Qu’il prenne son temps. Si ça lui permet de conserver le paletot de leader, il peut même ne jamais penser à cette pression qui de plus en plus, va peser sur ses épaules.

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