Il sera la première difficulté majeure et le premier vrai col de ce Giro 2018. Après 2017, le Tour d’Italie escaladera l’Etna une deuxième fois en deux ans ce jeudi. Inhabituel dans l’histoire de la course rose. Alors, le volcan sicilien deviendrait-il un incontournable de la course transalpine ?

Une histoire à écrire

A le voir depuis Catane, la ressemblance est troublante. Posé sur 3330 mètres de magma en fusion, le crâne minéralisé de l’Etna est un monstre effrayant rappelant étrangement un mont hexagonal tout aussi angoissant. Entre le Mont Ventoux et le plus haut volcan actif d’Europe, nombreuses sont les similitudes à commencer par leur place d’épouvantails de leur Grand Tour respectif.

Le « Mongibello » comme il est surnommé par les habitants de la Sicile ou il a trouvé foyer n’a pourtant pas toujours érupté dans l’histoire cycliste transalpine. Là où les traces du Géant de Provence remontent à 1951 sur la Grande Boucle, il aura fallu attendre 1967 pour voir les coureurs du Giro atteindre une première fois le col routier menant au refuge de Sapienza sur les flancs du volcan à près de 1900 m d’altitude. Il y a 51 ans, c’était d’ailleurs un prolifique toscan, Franco Bitossi, qui avait triomphé quand un Britannique, Tom Simpson, périssait tragiquement sur les pentes de son voisin français. Là est probablement la principale différence entre les deux montagnes sacrées : l’une est chargée d’une histoire cycliste riche sur trois semaines, quand l’autre est seulement empruntée pour la cinquième fois par le Tour d’Italie.

L’Etna n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse sur le Giro. En 2011, Alberto Contador, vainqueur au sommet, avait été déclassé au profit du Vénézuélien José Rujano. Et l’an passé, la montagne avait accouché d’une souris. Les favoris s’étaient cassés les dents sur les rafales brutales qui balayent si souvent les pentes exposées de la montée. Pourtant, en creusant un peu le basalte historique du volcan, on retrouve des traces plus régulières d’éruption cycliste. Le Tour de l’Etna organisé de 1980 à 1997 a vu un certain Francesco Moser y triompher trois fois entre 84 et 86. Paradoxalement, le pur sprinteur Mario Cipollini avait lui aussi écrit son nom au palmarès de l’épreuve en 1991. Par la suite, le Trophée de l’Etna organisé dès 2001 connaîtra seulement quatre éditions dont la dernière, en 2013, achevée sur un fiasco avec le déclassement pour dopage de l’Italien Leonardo Bertagnolli.

Un monstre impardonnable

Riche de ces expériences passées, l’Etna devrait vraisemblablement devenir, très vite, un incontournable des trois semaines italiennes. Et l’organisateur RCS ne s’y trompe pas : la montagne est escaladée pour la deuxième année consécutive, une première dans l’histoire de l’épreuve. Il faut dire que l’an dernier déjà, le monstre avait été craint. Vincenzo Nibali, requin au pied d’un volcan qu’il a pu admirer depuis sa cité de Messine, avait averti : « Il se passera quelque chose, c’est inévitable. » Cette prophétie finalement erronée n’entache en rien une vérité générale : sur ces montagnes particulières, aucun leader ne peut se cacher. Car la difficulté de l’Etna est multi-source.

Sa pente d’abord : 22,7 km à 6,5 % de moyenne pour sa version la plus longue (15 km à 6,7 % pour sa version 2018). Si le Giro connait pléthore de profils largement plus abruptes (le Zoncolan notamment), le volcan fait partie de cette caste rare des cols interminables (plus de 20 km) au même titre qu’un Stelvio ou… un Ventoux. Le mythe de la longueur et de la touffeur. Car l’Etna est en activité permanente et l’odeur omniprésente du souffre qui s’échappe de la montagne des montagnes siciliennes en confirme la difficulté. Sa fougue explosive renforce d’ailleurs un peu plus son mythe et la constante incertitude pour l’organisation. La dernière éruption au printemps 2016 avait créée un panache de fumée de sept kilomètres de hauteur empêchant toute activité physique trop proche de son cœur. Par chance, le Tour d’Italie avait évité le colosse cette année-là.

Tordre le cou au scénario de 2017

A l’instar du Mont Chauve, l’Etna construit donc sa légende par cette puissance indomptable qui ramène vite tout cycliste à l’humilité forcée. Le Slovène Jan Polanc, vainqueur survivant d’une échappée condamnée en 2017 l’avait d’ailleurs confirmé : « C’était de loin la journée la plus difficile que j’ai vécu sur le vélo. » Rien que ça. Alors ce jeudi, à l’heure d’affronter une nouvelle fois l’incertitude, le « Mongibello » donnera un peu plus d’indications sur sa place dans l’histoire du Giro. Après l’éruption de 2001, le vulcanologue Stefano Gresta déclarait : « Cela fait vingt ans que j’épie l’Etna. Je pensais bien le connaître mais cette éruption ouvre de nouveaux scénarios. »

Transposé au cyclisme, cet adage trouvera certainement confirmation dans le classement général au soir de cette sixième étape. Après sa panne de jambes sur les pentes finales de Caltagirone, Christopher Froome a annoncé attendre cette difficulté. Car il le sait, elle révèlera qui a des chances de revêtir le maillot rose à Rome. Une légende britannique colle d’ailleurs au volcan sicilien : l’âme de la reine d’Angleterre Elizabeth I résiderait désormais sur l’Etna, après un pacte qu’elle aurait conclu avec le diable en échange de son aide à gouverner son royaume. Espérons pour Froome qu’il se soit lui aussi inspiré de cette histoire.

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