Alors que le bal des grands leaders bat son plein lors du mercato cycliste, d’autres ont plus de mal à décrocher un contrat. Avec ou sans agent, il faut alors qu’ils trouvent les bons arguments pour continuer à pédaler dans les rangs professionnels.

Des qualités pas que physiologiques

Le 31 décembre à minuit commencera l’année 2020 en même temps que se terminera la période des transferts dans le monde du vélo. Si les changements d’équipe des principaux leaders tels que Quintana, Dumoulin ou encore Carapaz ont rapidement été annoncés, qu’en est-il des autres ? Ceux qui peinent à décrocher un contrat par manque de résultats ou bien des équipiers qui se sacrifient toute la saison pour leurs leaders ? Cette année, ça a été le cas de Geoffrey Soupe. L’ancien coureur de Cofidis a connu deux dernières saisons difficiles chez les Nordistes. À la fin de son contrat, il a fallu séduire Jean-René Bernaudeau, le manager de Total Direct Énergie. « Ça n’a pas été simple, commence-t-il. J’étais en contact avec lui depuis octobre à peu près. Il avait déjà une bonne opinion de moi mais l’équipe était complète. »

L’ancien poisson pilote de Nacer Bouhanni a donc dû négocier longuement avec le Vendéen. Un de ces managers qui préfère traiter directement avec le cycliste que de passer par les nombreux agents du milieu. « Il a essayé de débloquer un budget, indique le coureur de 31 ans. En même temps, il parlait aussi avec Niccolo (Bonifazio), qui n’avait pas encore re-signer et qui avait besoin de mecs autour de lui pour s’exprimer un peu plus sur les sprints. Moi, j’étais aussi le mec sur le marché qui pouvait apporter ça. » Dans ces moments-là, chaque petit détail peut être utile pour décrocher un nouveau contrat.

« L’état d’esprit, ça joue clairement, affirme Jonathan Hivert, lui aussi chez Total Direct Energie. Tout le monde se connaît dans le vélo. Donc quelqu’un qui a mauvais caractère ou qui est moins porté dans le collectif, ça peut jouer en sa défaveur. » Geoffrey Soupe n’a eu aucun soucis de ce côté-là. Il a même été plutôt aidé par des coureurs qu’il a déjà côtoyé ou avec qui il a de bons contacts au sein du peloton. « Il y a beaucoup de mecs de l’équipe qui ont parlé de moi en bien, reconnaît le sprinteur. Après, j’ai fini de convaincre Jean-René avec le fait que j’ai beaucoup d’expérience que j’ai été en World Tour, que j’ai toujours été honnête et assidu à l’entraînement et en course. Ça a fait pencher la balance en ma faveur. »

L’agent, un personnage de plus en plus présent

C’est ce qui explique également pourquoi des coureurs comme Kevin Le Cunff, auteur d’une bonne saison 2019, ne trouvent pas de contrats. Il manque parfois plus un homme d’expérience, un capitaine de route, qu’un énième leader à protéger. Mais d’autres éléments, qui peuvent paraître plus anecdotiques, rentrent aussi parfois en considération. « Le lieu de résidence ou la langue parlée pour s’intégrer dans un groupe, ça peut compter », ajoute Jonathan Hivert.

C’est le travail de l’agent, quand il est là, de convaincre les managers hésitants. Les agents sont de plus en plus présents dans le peloton. Au plus haut niveau depuis treize ans, Hivert a pu le constater : « Les grands champions en ont tous. L’agent rayonne tellement maintenant. C’est son travail donc on se dit qu’il sera meilleur que nous. On peut être très bon coureur mais mauvais négociateur. » Un acteur essentiel du cyclisme mais plus rares il y a quelques années. Ancien coureur à la Française des Jeux, Nicolas Fritsch l’a appris à ses dépens. Auteur d’une saison 2006 difficile avec Saunier-Duval, entre maladie, blessures et perte de motivation, le Francilien n’a pas su trouver les bons arguments.

« À la suite de ma saison, je n’avais pas une grosse motivation, rappelle-t-il. Je n’avais pas d’agent donc je me débrouillais tout seul. Avec du recul, c’est vrai que je n’arrivais pas trop à me vendre. J’aurais dû prendre un agent pour faire le boulot que je faisais mal. » Une situation délicate qui peut avoir un impact considérable sur la fin de saison d’un coureur qui ne trouve pas de contrat pour l’année suivante. « On prend souvent des refus, explique Fritsch. Psychologiquement, c’est dur de se prendre tout ce qui est négatif. Quand on est coureur, on s’en rend pas forcément compte, mais ça donne beaucoup d’ondes négatives. Donc il vaut mieux s’entraîner sereinement et ne pas être perturbé par tous ces contacts de négociation. » Il n’a par la suite pas retrouvé d’équipe professionnelle et est revenu chez les amateurs la saison suivante. C’est aussi ce qui l’a poussé à travailler, en partenariat avec un agent, auprès des coureurs qui, comme lui, connaissent la situation délicate d’une fin de contrat.

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