L’intersaison, synonyme de repos pour les coureurs, veut dire bien autre chose pour les instances, qui n’ont jamais autant de facilités à avancer sur les dossiers chauds des réformes à venir. Dans quelques semaines, l’UCI doit ainsi se réunir à Montreux pour évoquer ce que deviendra le World Tour à partir de 2020. Avec au milieu des débats, l’instauration possible d’un « salary cap ».
Le rêve américain
Sous couvert d’anonymat, à la fin du dernier Tour de France, un manager français ne cachait pas sa frustration. « Le problème actuel du vélo, ce n’est plus le dopage, disait-il dans Libération. C’est l’argent. » En clair, il est mal réparti et fausse la course. Il est ce qui permet à l’équipe Sky d’avoir remporté six des sept derniers Tours de France, avec trois coureurs différents, et d’avoir placé en juillet dernier deux coureurs sur le podium. Comme le hasard fait bien les choses, au moment où une bonne partie du peloton commence à saturer de la domination britannique, le nouveau président de l’UCI, David Lappartient, annonce qu’il planche sur l’idée d’un salary cap. Un moyen d’empêcher la construction de grosses armadas et de redonner à la course un peu plus d’intérêt. On notera le côté positif : les instances ont compris que le public s’ennuyait sévère, en particulier pendant la plus grande course de l’année, le Tour de France, et elles veulent agir.
Problème, tout ça ne se résout pas avec une réforme, aussi révolutionnaire soit-elle. Parce que dans cette histoire, le vélo, fasciné notamment par la NBA, modèle de rentabilité basé sur le salary cap depuis le milieu des années 1980, semble oublier qu’il ne dispose pas des mêmes armes. En l’occurrence, les sponsors, dans le cyclisme, sont très volatiles. Bien plus que les franchises de sport américain, qui dans le basket comme ailleurs, changent rarement. Alors bien sûr, certaines ligues européennes, de rugby notamment, ont aussi adopté le salary cap et s’en sortent plutôt bien. Mais une telle mesure doit être prise dans une logique d’équilibre global, pas pour mettre fin à la domination d’une équipe. Parce que penser qu’un salary cap suffit à démanteler un empire, c’est faire une grossière erreur. Il suffit de regarder la NBA, justement, pour s’en apercevoir. Les Golden State Warriors marchent sur la ligue depuis quatre ans et les dirigeants s’arrachent les cheveux pour tenter de stopper leur hégémonie.
Pas de révolution
Une réforme anti-Sky n’est donc pas la solution, et du côté de l’UCI, on s’en défend. « L’idée, c’est de faire en sorte qu’ont ait des leaders dans chaque équipe et que la course soit plus intéressante, disait récemment David Lappartient au Parisien. C’est ça l’objectif. Ce n’est pas d’embêter untel ou untel. » Sauf qu’à bien y réfléchir, les leaders sont déjà répartis à droite à gauche. A l’approche du dernier Tour de France, nous avions ainsi présenté nos favoris. Tous ne pouvaient certes pas prétendre à la victoire finale, mais Nibali, Dumoulin, Porte, Quintana, Landa ou Bardet apparaissaient malgré tout comme de solides candidats. L’équipe Movistar, forte de plusieurs leaders de classe mondiale ces dernières saisons, avait même sur le papier le collectif le plus impressionnant. Mais Thomas a gagné et Froome a terminé troisième. Et il n’est pas certain qu’un salary cap y aurait changé quelque chose.
Parce que la force de Sky, depuis des années, a justement été de savoir se renouveler. Wiggins parti, Froome a émergé, avant que Thomas ne devienne à son tour un leader. On est loin d’une équipe qui recruterait à tour de bras les meilleurs coureurs du peloton pour bâtir son effectif. Sky fabrique ses champions, avec toutes les critiques que cela suscite, mais n’a donc pas besoin d’aligner les salaires mirobolants – à l’exception de certains coureurs. De plus en plus, les jeunes coureurs font donc le choix, par eux-mêmes, de rejoindre l’équipe britannique en espérant être les successeurs de Froome & Cie. Egan Bernal, ou dès l’an prochain Ivan Sosa, sont de réelles promesses, qui pourront peut-être d’ici quelques années seulement ramener un maillot jaune à Paris. Et pour ça, Sky n’aura pas forcément payé beaucoup plus que ses adversaires. Alors le salary cap, pourquoi pas, à condition de ne pas espérer qu’il change radicalement les rapports de force. Sinon, on risque d’être déçus.
Qui pense sérieusement que la Movistar avait sur le papier le meilleur collectif ? Deux leaders officiels qui se tirent la bourre (et n’ont rien fait de bon de la saison), et un leader officieux qui était censé aider les deux autres mais qui de fait mène sa propre course et est traité comme un leader (accompagné et protégé par des équipiers). Et derrière, une équipe du niveau d’Ag2R avec cinq coureurs pour faire le travail de sept. Les leaders sont bien répartis, mais pas les équipiers de luxe : ceux de la Sky pourraient se battre pour la position de leader dans la plupart des équipes WT.
Ceci dit je pense qu’on surestime beaucoup l’impact du collectif dans les victoires. Ce n’est pas la puissance de l’équipe qui a empêché Quintana, Bardet et compagnie de suivre Thomas en montagne, ni Dumoulin et Pinot de rattraper Froome sur le Giro.
Avec Froome qui sortait du Giro et Thomas qui avait tout à prouver sur trois semaines, il y avait de quoi avoir des doutes sur Sky. Côté Movistar, on avait un Quintana qui avait tout misé sur le Tour, un Landa qui avait montré un an plus tôt qu’il avait le niveau pour lâcher tout le monde en montagne, et un Valverde toujours précieux. Il y avait des raisons de penser, en début de Tour, que Movistar avait un meilleur effectif sur le papier.
Sur le papier Movistar avait peut-être de meilleurs leaders (si on estime que Quintana valait mieux que Froome après le Giro), mais la Movistar avait une équipe bien moins forte, Trois grosses individualités concurrentes et pas d’équipiers pour rouler sur le CLM par équipe ou protéger les leaders, je n’appelle pas ça une grosse équipe…
Concernant la sky Votre raisonnement ne tiens pas ! Vous oubliez qu’ils ont des équipiers de grands luxe, et que les trois leaders que vous avez nommé et qui ont gagné le tour, ne l’aurait pas gagné sans une armada grand luxe. Aujourd’hui la Sky peut s’offrir Moscon et et Kwiato , en lieutenant de luxe et je ne parle pas des équipiers, et dieu sait que je n’aime pas la sky.. d’ailleurs je ne sais pas si Dieu le sait…. avant on peut citer EBH , et bien d’autres, je n’ai pas la mémoire des noms ! sans compter Froome pour Wiggins ! Donc limiter les budgets et on aura plus d’équipiers basiques dans les équipes a gros budgets
Exactement ! Le salary cap n’a pas pour but de limiter le nombre de leaders par équipe, mais d’empêcher une équipe de garder comme équipiers ceux qui seraient leaders ailleurs.
Par exemple un rapide coup d’oeil à la liste des engagés de l’année dernière montre que Kwiatovski serait leader ou co-leader dans toutes les autres équipes engagées à part sunweb et movistar.
Oui mais je me souviens bien de la déclaration de Kwiatkowski lors de sa prolongation de contrat chez Sky, qui avait lancé : “c’est là que je veux être”. Ça illustre bien l’état d’esprit de ces équipiers de luxe qui n’ont aucune ambition personnelle (en tout cas pas sur le TDF). Avec sa puissance (pas seulement financière) et son image, la Sky attire des coureurs talentueux qui ne seraient peut-être pas aussi forts en étant les leaders d’une autre équipe (exemple : Mikel Landa qui n’a rien fait cette année chez Movistar).
Le problème de Landa c’est peut-être simplement d’être leader (peut importe l’équipe), non ? Parce que Landa était aussi très fort quand il était chez Astana, où il avait un rôle similaire à celui qu’il a eu ensuite chez Sky
oui au Salary Cap, oui aussi a la suppression des oreillettes et des capteurs de puissance.
(de manière amusante, les DS qui veulent garder ces dispositifs nous expliquent que c’est inutile des les interdire puisqu’à les entendre ils ne servent a rien, mais dans ce cas les interdire ne devrait pas les gêner), oui a une réduction supplémentaire du nombre de coureurs par équipe (7 sur les grands tours, avec plus d’équipes).
Il faudrait également supprimer les classements WT et la notion de wordl tour elle meme pour que les organisateurs (et le tour en prmier lieu) invitent qui ils veulent. Ces classements incitent a les défenses d’inutiles places d’honneur.
C’est seulement a ces conditions que le tour de France pourra retrouver un vrai interet
Ou alors simplement changer le barème d’attribution des points pour qu’une victoire d’étape ou un maillot distinctif vaillent mieux qu’une 11ème (!!) place au général… Déjà un maillot devrait valoir autant qu’une petite classique, et nettement plus qu’une 6ème place.
oui, bonne remarque, mais a mon sens , c’est ce type de classement officiel qui est la racine du mal et c’est pour cela qu’il doit etre supprime. D’autant qu’il n’a aucun interet sportif, meme les passionnés de cyclisme se fiche totalement de ce classement , et ne parlons meme pas du grand publc.
Complètement d’accord.
Le salary cap mauvaise idée pour deux raisons.
Il est possible de le contourner (cf rugby) via des sociétés annexes qui paient les coureurs. Et ce seront toujours les plus grosses équipes qui auront le plus de moyens de feinter le système.
Quel message on envoie aux sponsors qui ont envie d’investir ? Le cyclisme, de par sa structure d’équipes de marque n’est pas fait pour ce genre de mesure.
Le plus important reste selon moi l’interdiction des capteurs de puissance en course (et pourquoi pas des oreillettes – et pour l’argument classique de la sécurité, il serait possible dans ce cas d’avoir des oreillettes branchées sur RadioCourse)
Complètement d’accord, les capteurs de puissances bloque bien plus la course que les oreillettes. Les oreillettes peuvent permettre aux coureurs de communiquer pour mettre en place des coup de bordure, de peaufiner les stratégies en courses, en fonction de l’état de forme et de la physionomie de la course, je voit pas pourquoi elle ne pourrait pas être au service du spectacle et se cantonnait à “téléguider” les coureurs.
Certains mouvement sont impossible sans oreillettes, et les grands champion l’ont déjà démontré, ils n’attendent pas les ordre pour attaquer. Vous pensez vraiment que Nibali, Gilbert ou même Pinot n’attaquera pas parce qu’un DS lui dit de ne pas le faire? j’y crois pas une seconde. En revanche le même coureur n’attaquera peut etre pas si il voi sur son capteur de puissance qu’il est à la limite, même si il se sent bien. Les capteur de puissances bloque d’avantage la course.
Bardet n’a pas attaqué dans un col des Alpes en 2017 (le Galibier ?) parce que son directeur lui a dit que c’était trop tôt et trop dangereux…
il a également attaqué en 2016 dans l’étape qu’il remporte et qui l’amène sur le podium sans l’accord de son DS avec Micka Cherel. Comme quoi, c’est pas tout noire ou tout blanc. (Vous noterez que je n’ai pas cité Bardet parmis les coureurs qui attaqueraient sans l’approbation du DS) Autre chose dans ce débat, la “course aux points WT” je pense que ce débat est biaisé du point de vue du spectateur, parce qu’on aimerait que tout les prétendants ne visent uniquement la victoire, cela étant dit, même chez les jeunes, ou a un niveau inférieur, une place c’est une place ! Dans mon souvenirs lointain de cycliste, sur une petite course du département, évidement qu’on tente le tout pour le tout et qu’on peut foutre une mine sur chaque relance, en revanche sur une grosse course ou tout les cadors de ta catégorie son présent, (style un championnats de france en cadets ou juniors) bah si tu obtient une place de 7eme (par exemple), tu repars chez toi avec une immense satistfaction et l’impression d’avoir fait un résultat ! Ce que je veux dire c’est qu’une course c’est 200 coureurs, c’est pas du 1vs1 comme au foot ou… Lire la suite »
Bien sûr, et c’est normal de se battre pour une place d’honneur quand on n’a pas les moyens de viser la victoire. Mais le problème que je pointe, c’est que les places d’honneur sont trop valorisées au niveau des points WT et des primes par rapport aux classements annexes. Je préfèrerais de beaucoup voir les meilleurs grimpeurs mettre le feu pour obtenir le maillot à poids plutôt que de les voir sucer des roues pour une septième place, et là, c’est une question de valorisation financière et comptable des classements annexes.
Mais n’importe quoi, donc un coureur qui vise le top 15 le fait pour les points WT et la prime ? il le fait pour faire 15eme du tour ce qui est excellent pour certains. Si un mec a deja fait des top 10 dans sa vie mais jamais de top 5 sur le tour, bien sur qu’il va sucer les roues pour garantir le top 5. Il en a rien a foutre des points WT faut arreter avec cette legende urbaine.
Et y’en a qui preferent faire 11eme en sucant les roues que devant tout les jours pour une probabilité faible d’avoir le maillot à poid ca n’a rien avoir avec les points WT. A quel moment dans l’histoire ils ont servit a quelques chose d’ailleurs
une légende urbaine , c’est un peu excessif !!! je plaisante
Interessant de constater que tout le monde est plus ou moins d´accord pour des changements de ce cyclisme trop moderne.
J´opterai bien une dépolution en profondeur avec un retour aux sources sur une ou deux saisons pour voir ce que ca donne et pour amener des facteurs de changement suceptibles de rendre les courses plus imprévisibles .
malheureusement impossible, trop d’argent et d’intérets en circulation !
Non ! Impossible n´est pas Français ! Tout est possible et c´est là justement qu´est la chance du Tour et d´autre grandes epreuves de sortir de leurs ornières ennuyeuses et répétitives. Immaginons simplement un Tour a thème pour amener changement, fantaisie et ouvrir la porte aux equipes débrouillardes et à moindre budjet. les thèmes n´ont rien d´impossibles et ce n´est pas le choix qui manque si on veut creuser par là en se basant simplement sur la riche histoire du cyclisme. Par ailleur on sait tous que les formas ennuyeux et répétitifs ont fait leurs temps. Le old timer à toujours eu de l´avenir devant lui et reste une valeur sure dans bien des domaines . Donner une chance de bousculer les régles du modernisme electronique à outrance en rammenant de l´autenticitée, de la fantaisie et du spectacle n´aurai surement rien d´impossible ni de pénalisant pour les organisateurs des grandes epreuves, pour les coureurs et pour le sponsoring; judicieusement certains y reviennent un peu d´ailleur avec par exemple ces chemins de terre du dernier Paris Tour: et malgrés les levées de boucliers des éternels raleurs bien calés dans leur siége et derangés dans leurs habitudes bien formatés, la publicité engendrée… Lire la suite »
“Sky fabrique ses champions (c’est vous qui le dites ;) … les jeunes coureurs font donc le choix, par eux-mêmes, de rejoindre l’équipe britannique en espérant être les successeurs de Froome & Cie”. Mais alors, pourquoi “la sky”, justement, si en plus ce n’est “pas pour un salaire mirobolant” ? Pourquoi “St Michel Auber” ou “Delko Marseille” ne font pas l’affaire ?… C’est quand même bien que (et cela se vérifie partout et même (surtout !) dans le sport) : L’argent permet (presque) tout : non seulement d’acheter les “meilleurs” coureurs mais aussi… “Le meilleur matériel”, les meilleurs “entraîneurs”, Les “meilleurs médecins”, les “meilleurs” avocats également… et avec le mépris et l’arrogance en prime !… Prendre des mesures pour que ça change, 100 pour cent d’accord ! Ce serait formidable, mais qui est assez naïf pour y croire… Les sponsors en veulent pour leur argent (fi de l’éthique !) et sans eux, pas d’équipes, pas de courses… Parfois je me demande pourquoi je suis toujours autant “accro” au vélo…
Evidemment l’argent de Sky leur permet d’être à la pointe partout. Mais dans le cas du salary cap, on limiterait les salaires, pas le reste.
Ah d’accord ! Donc peu d’intérêt en effet… Merci pour la précision, je n’avais pas percuté ;)
Surtout que recruter Gehogegan Hart, Bernal, Sivakov, ou encore Halvorsen c’est pas “fabriquer” ses champions, ils font que recruter es plus gros prospect, ceux qui dominent chez les U23. A part Pogacar et les meilleurs français (qui sont déjà verrouillés depuis les juniors avec la filière FDJ, ou le chambéry CF) et les belges, qui ont des structures de haut niveau chez eux.
Donc non ils ne fabriquent pas les champions, ils sont juste plus attractifs de part la réussite de leur modèle et surement aussi des moyens mis a dispositions et bien entendus des salaires.