Il y a huit ans quasiment jour pour jour, en Cantabrie, où seront les coureurs pour le contre-la-montre de la Vuelta, ce mardi, Igor Anton avait perdu « son » Tour d’Espagne. Celui qu’il menait d’une main de maître, jusqu’à une semaine de l’arrivée à Madrid. Celui qui aura finalement été sa seule opportunité de l’emporter.

Un an après Sanchez

Une fois, peut-être, l’équipe Euskaltel-Euskadi avait été plus proche de remporter la Vuelta. C’était un an avant l’épisode d’Igor Anton. A Madrid, Samuel Sanchez avait pris la deuxième place du classement général, à moins d’une minute du vainqueur Alejandro Valverde. Mais en 2010, celui que l’on présentait comme le successeur de Sanchez avait fait, si ce n’est mieux, quelque chose d’inédit pour l’équipe basque. Il s’était emparé du maillot rouge, sur les hauteurs de Xorret del Cati, où était jugée la première arrivée au sommet, et pensait pouvoir le garder jusqu’au bout. Quelques jours plus tard, pour le deuxième gros rendez-vous montagneux de l’épreuve, il avait même levé les bras en Andorre, devançant ses adversaires directs Mosquera, Nibali ou Rodriguez. Anton, 27 ans, semblait enfin exploiter son talent au maximum. Et même s’il restait du chemin pour ramener le paletot jusqu’à l’arrivée, c’est tout un peuple qui s’est pris à y croire, après des années à jouer les seconds rôles.

Sauf qu’on ne passe pas en un claquement de doigts de l’ombre à la lumière. Pire, c’est comme si l’ombre vous rappelait à votre sort, vous empêchant de vous échapper. Quatorzième étape, entre Burgos et Peña Cabarga. Si près du Pays-Basque. Une nouvelle bagarre entre favoris est attendue, et elle a lieu. Au sommet, Joaquim Rodriguez s’impose et se replace au général. Mais derrière manque un homme. Igor Anton a été pris dans une chute à six kilomètres de l’arrivée, au pied de l’ascension finale où les cadors tentaient de se replacer. Le coude endolori, sa Vuelta est terminée. « Instinctivement, j’ai voulu remonter sur mon vélo, dira Anton peu après. Mais j’ai réalisé que mon coude droit ne tenait pas. Le docteur de l’équipe est arrivé directement. Il a touché mon bras et m’a dit : ‘Oublie ça. C’est cassé.’ »

Pas de deuxième chance

Le maillot rouge revient à Vincenzo Nibali, qui parviendra lui à l’emmener jusqu’au bout. Anton, contraint de rentrer chez lui, fait face. Il répond aux médias, fait contre mauvaise fortune bon cœur, parce que c’est sa personnalité. « Je vais garder de ces quatorze jours sur la Vuelta de très bons souvenirs, dira-t-il à Cyclingnews. J’ai vécu un rêve. » Un rêve brisé, pourtant. « Il avait la Vuelta entre les mains », assure à l’époque Carlos Sastre, l’un de ses concurrents au général, déçu que le grimpeur basque, présenté comme la relève d’une génération déjà plus toute jeune à l’époque, soit touché à ce point par la malchance. Anton, lui, quitte cette édition plein de promesses. Il parle déjà de 2011, affirme à qui veut l’entendre que lui et son équipe reviendront plus forts parce qu’il a prouvé sa valeur sur trois semaines. Il ne sait pas encore qu’il ne vivra plus jamais pareille épopée.

« Il est jeune et je suis sûr que le futur lui appartient », disait pour sa part Joaquim Rodriguez, finalement quatrième de cette Vuelta 2010. Comme les autres, il se trompait. Igor Anton suivra la même destinée que son équipe. Euskaltel s’affaiblit d’année en année, finit même par se dénaturer en recrutant des coureurs étrangers. Deux années de suite, la formation basque est passée tout près de remporter un Tour d’Espagne qui s’est toujours refusé à elle. Puis elle a entamé un déclin qui la mènera à sa disparition, fin 2013. Anton, fidèle jusqu’au bout, tentera de rebondir chez Movistar puis Dimension Data. Cette année, il dispute sa onzième Vuelta, dans l’anonymat. Il a 35 ans et du maillot rouge, il ne lui reste désormais plus que des souvenirs.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.