L’ultime bagarre était prévue pour ce samedi et devait clarifier le podium. Finalement, avec vingt-quatre heures d’avance, on a cru pendant plusieurs dizaines de minutes que la Vuelta était en train de basculer. Primoz Roglic pris dans une chute, les Movistar ont embrayé pour tenter de renverser le maillot rouge. Finalement, tout ce beau monde s’est regroupé, mais l’initiative fait débat.

Prudence face à la presse

Peut-on attaquer un leader à terre ? La morale et les traditions veulent que non. L’histoire du cyclisme est même chargée d’épisodes où l’on préfère attendre les malheureux plutôt que de les enfoncer. Mais il y a aussi des exceptions. Des victoires bâties sur des coups de Trafalgar pas forcément louables. Movistar a voulu tenter le coup, ce vendredi vers Toledo. Primoz Roglic englué dans une chute collective, les coéquipiers d’Alejandro Valverde, deuxième du général, ont embrayé. Comme pour s’assurer qu’il n’y aura aucun regret à Madrid, où le champion du monde devrait monter sur le podium, mais sans le maillot rouge. Parce que oui, tout est finalement rentré dans l’ordre, même si on a cru pendant un moment que la Vuelta basculait. Le Slovène, accompagné de Miguel Angel Lopez, lui aussi piégé, est revenu dans le peloton et n’a pas perdu de temps. Mais à l’arrivée, peu de monde souriait, certains tentant de cacher un certain énervement, d’autres pas du tout.

Primoz Roglic, prudent dans ses déclarations et surtout grand heureux du jour, parce qu’il conserve ses 2’50 d’avance à la veille de la dernière étape de montagne, n’a voulu taper sur personne. « Je dois revoir les images », a-t-il martelé pour ne pas avoir à s’exprimer sur le sujet. Beaucoup faisaient comme lui, comme s’ils n’avaient pas vu ou comme s’ils n’avaient pas été mis au courant de l’action de Movistar, via les oreillettes. « Une équipe a mis en route dans le vent, je ne sais pas qui c’est », expliquait Philippe Gilbert au micro d’Eurosport, sans que l’on soit forcé de le croire. Lui et son équipe n’avaient rien perdu dans l’affaire, au contraire même, puisque c’est Rémi Cavagna qui s’est imposé à Toledo. Mais d’autres avaient des raisons de l’avoir mauvaise. Pas facile, cependant, de critiquer l’armada Movistar et son emblématique leader, Alejandro Valverde.

Lopez lâche tout

Il y en a un qui ne s’est pas fait prier, pourtant : Miguel Angel Lopez. Le bonhomme a même sorti la sulfateuse. « Les Movistar sont stupides, ils essaient toujours de profiter de la situation. Une fois encore, le leader chute, moi également, et ce sont les mêmes idiots qui tentent d’accélérer la course. Ce n’est pas comme ça que l’on gagne, c’est un manque de respect. Ils ne sont pas capables de gagner une course en attaquant en face. Voilà quel champion du monde nous avons. Un champion du monde comme Alejandro Valverde ne doit pas agir ainsi. Il doit avoir plus de respect pour le peloton. (…) Ce n’est pas la première fois que ça arrive avec Movistar. Ce sont toujours eux les idiots qui agissent de cette façon. (…) Les courses, on les gagne en attaquant en face, pas en profitant de ces opportunités. » Le Colombien faisait ainsi référence au Giro, où l’équipe espagnole avait déjà accéléré après une chute de Primoz Roglic.

Côté espagnol, Alejandro Valverde n’a pas réagi, mais José Luis Arrieta, plusieurs dizaines de minutes après l’arrivée, a fait face aux critiques. Il a expliqué que son équipe préparait en fait une bordure, quelques kilomètres plus loin. Elle n’aurait donc pas attaqué Primoz Roglic parce qu’il était bloqué, mais aurait simplement décidé de suivre son plan malgré les incidents. « Il n’y a aucune loi de l’UCI qui nous interdit de faire ça », a même pointé le directeur sportif ibérique, avant de souligner qu’il regrettait la situation et cette chute du maillot rouge qui a amené beaucoup de tension dans le final. Alejandro Valverde, dans un coin de sa tête, se rappelait sans doute que ses rivaux n’avaient pas hésité à l’enterrer, lui, sur chute ou problème mécanique, lors de la Vuelta 2012 ou du Tour de France 2013. Le fair-play ne marcherait-il que dans un sens ? Movistar avait semble-t-il décidé de s’en défaire aujourd’hui. Malheureusement, ils ont énervé tout le monde sans gratter une seconde.

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