À 22 ans, Joseph Areruya vient de quitter son Rwanda natal pour la France et l’équipe Delko Marseille Provence KTM. Quelques jours avant de porter son premier dossard en tant que cycliste professionnel, retour sur le parcours du plus grand espoir du continent africain.

Une progression fulgurante

Jeune prodige, pépite, espoir, utilisez le qualificatif qui vous enchante, le constat reste le même : Joseph Areruya est probablement le coureur le plus prometteur que le Rwanda n’ait jamais connu. Né en 1996, deux ans après le terrible génocide qui a traumatisé le pays d’Afrique de l’Est, celui que l’on surnomme « La Machine » s’est forgé une sacrée réputation depuis 2012, année où ce fils de cycliste a décidé d’arrêter l’école pour embrasser le rêve du professionnalisme et des nombreux voyages qui vont avec.

Malgré son jeune âge et un vélo pas fait pour la course, l’adolescent se fait remarquer en gagnant une épreuve contre des seniors. Ce succès lui ouvre des portes. Adrien Niyonshuti, premier rwandais à avoir évolué chez les professionnels, est une connaissance du père de Joseph Areruya. Le coureur de l’équipe MTN-Qhubeka (aujourd’hui Dimension Data) lui propose de rejoindre l’académie qu’il est en train de fonder. Ce premier tremplin lui permet d’accéder à l’équipe nationale du Rwanda, dirigée par l’ancien pro Jonathan Boyer.

Aux côtés de l’Américain, Joseph Areruya s’impose en quelques mois comme un cador de la scène rwandaise. Deuxième des championnats nationaux et deuxième du tour national l’année de ses 19 ans, les frontières du pays sont rapidement bien étroites. Les années suivantes, il pose sa patte sur les grandes courses africaines avec en point d’orgue, en janvier dernier, une victoire sur la Tropicale Amissa Bongo, l’épreuve la plus cotée du continent.

Au tour de l’Europe

La course gabonaise était une vitrine de choix pour un succès. Plusieurs équipes européennes font chaque année le déplacement pour y débuter leur saison. Ces rendez-vous où il peut se rapprocher de son rêve de professionnalisme, Areruya n’est pas du genre à les manquer. Un an plus tôt, le Rwandais avait réalisé un tour de force en devenant le premier coureur de son pays à s’imposer en Europe, profitant d’une bonne échappée lors de la cinquième étape du Baby Giro, le Tour d’Italie des moins de 23 ans.

La performance d’Areruya au Gabon a particulièrement impressionné le directeur sportif de Delko Marseille Provence KTM, Andy Flickinger. L’équipe française de en Continental Pro avait déjà un œil sur le jeune rwandais depuis le Baby Giro et n’a pas hésité à lui proposer un contrat en cours de saison pour ne pas passer à côté d’un espoir aussi prometteur. Contacté par la Chronique du Vélo, Delko Marseille a indiqué que son nouveau coureur était arrivé en Provence mercredi dernier. Il devrait porter ses nouvelles couleurs dans quelques jours à l’occasion du Rhône Alpes Isère Tour (du 3 au 6 mai).

Sagan Africa

Avec un coureur comme Joseph Areruya, l’Afrique noire peut espérer franchir un palier supplémentaire dans son intégration au sein du peloton World Tour. Le sillage formé il y a quelques années seulement par les Erythréens Berhane, Kudus, Teklehaimanot ou le Rwandais Niyonshuti lui facilitera la tâche. Si le passage en Europe ne freine pas sa courbe de progression, il pourra rapidement s’affirmer comme la figure de proue de toute une région.

Pour atteindre un tel statut, Joseph Areruya va devoir franchir plusieurs obstacles. Réputé pour son tempérament offensif en course, le jeune rwandais risque probablement de se heurter à des pelotons intransigeants avec les fuyards, à l’image de son échappée valeureuse mais vaine lors des derniers Jeux du Commonwealth. À l’aise sur tous les terrains et doté “d’une morphologie à la Peter Sagan” selon Bernard Hinault, Areruya va devoir trouver le terrain d’expression sur lequel il se sent le plus à l’aise pour briller. Il faudra aussi surmonter une certaine timidité qui est inversement proportionnelle à celle du Slovaque.

Il est possible que Joseph Areruya ne soit pas à la hauteur de ces défis de taille, mais il aura au moins l’opportunité de faire des émules à travers le Rwanda et même au-delà. La relative stabilité et prospérité du pays (contrairement à l’Erythrée ou l’Ethiopie par exemple) favorise l’émergence à moyen terme d’une structure professionnelle locale. Le travail entamé depuis plusieurs années porte déjà ses fruits avec, notamment, une première participation attendue sur le Tour de l’Avenir cet été. La génération emmenée par Areruya ira y franchir un nouveau seuil dans sa découverte du plus haut niveau. La suite reste à écrire.

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