Participer au Tour de France, y porter un maillot distinctif, s’installer durablement dans l’élite du cyclisme mondial : tout ça, le cyclisme africain l’a acquis ces dernières années. Mais une fois le caractère inédit de la chose passé au crible, que reste-t-il ? L’intégration est délicate, lente et semée d’embuches. L’Afrique doit se battre pour se faire une place. En attendant une première grande victoire qui légitimerait ces efforts.

« D’ici cinq ans, il y aura un coureur noir africain sur le podium d’un grand Tour. » Cette audacieuse prophétie, relayée par Le Monde, est celle de Jean-Pierre van Zyl durant l’été 2015. Le fondateur du centre de formation de Potchefstroom, en Afrique du Sud, était sous le coup de l’émotion : ses poulains Merhawi Kudus et Daniel Teklehaimanot venaient de faire leurs débuts sur le Tour de France avec l’équipe MTN-Qhubeka. Mais il n’est pas le seul observateur à avoir pris un tel pari. Jean-René Bernaudeau, qui avait fait signer à Natnael Berhane son premier contrat professionnel en 2013, en disait autant à l’époque.

Deux ans plus tard, la génération dorée, principalement originaire d’Afrique de l’Est, a creusé son sillon dans le peloton. Mais elle est encore loin du compte. La montée en puissance de l’équipe sud-africaine Dimension Data a permis d’exposer davantage ces coureurs, apportant au passage un peu de mixité dans un peloton où prédominent européens et anglo-saxons. Sauf que le phénomène reste marginal, même s’il s’ancre dans la durée à l’image de Tsgabu Grmay, aujourd’hui chez Bahrain-Merida. L’Ethiopien vit sa septième saison comme professionnel, la troisième en World Tour.

Lentement mais sûrement

Dans cet élan, il ne manque plus qu’une chose : la victoire. Fers de lance et dominateurs sur leur continent, les Erythréens doivent maintenant franchir un cap pour devenir une nation de référence sur le circuit européen. Par le passé, Américains, Australiens et Colombiens y sont parvenus. La logique voudrait que ce soit leur tour. Pour le moment, leurs meilleurs résultats restent des accessits ou des classements annexes (souvent celui des jeunes ou du meilleur grimpeur). Mais ils sont la première génération à mettre un pied chez les pros. Après la percée de Herrera et Parra, la Colombie a dû attendre 25 ans pour voir arriver les Quintana, Uran, Chaves et compagnie. Alors chaque chose en son temps.

Il y a encore cinq ou six ans, la Tropicale Amissa Bongo était le seul lien entre l’Afrique et le monde professionnel. Et en dehors de quelques Sud-Africains, aucun coureur du continent ne s’était fait un nom en Europe. Aujourd’hui, les figures de proue du cyclisme africain n’avancent plus à visage caché. Au sein de leurs équipes respectives, ils ont de plus en plus de responsabilités. Au contact du peloton, ils ont de plus en plus d’expérience. Le reste suit. En témoigne le début de saison 2017 de Merhawi Kudus, deuxième derrière Quintana sur l’étape-reine du Tour de Valence et quatrième du Tour d’Oman après l’ascension de la Green Moutain – juste devant un autre africain, Grmay, cinquième.

Un chemin à tracer malgré les obstacles

Ces pionniers, auxquels on peut rajouter l’Erythréen Daniel Teklehaimanot, affichent petit à petit leurs ambitions. Sans tomber dans le cliché, il faut dire qu’ils ont tout à écrire dans l’histoire cycliste de leurs pays respectifs. Chaque succès est ainsi une nouvelle page. Porteur du maillot à pois lors du Tour 2015, « Dani » a été acclamé en héros à son retour à Asmara. Dans la capitale érythréenne comme ailleurs sur le continent, les courses cyclistes sont très populaires et la réussite à l’international de ces jeunes talents suscite de nombreux espoirs.

Des obstacles sont néanmoins encore sur la route du cyclisme africain. Les freins économiques sont évidents. Se lancer dans le cyclisme est un effort financier, quand l’athlétisme ne nécessite que de l’espace pour courir. Sans oublier la politique, qui s’invite parfois dans le sport. En Erythrée par exemple, si les champions sont portés aux nues, la plupart des coureurs n’ont pas le droit de quitter le continent faute de visa. Ils sont nombreux à être ainsi bloqués, empêchés pour le moment d’aller courir en Europe, comme Mektel Eyob, l’un des espoirs du pays. « On me dit que j’ai de l’avenir dans ce sport mais, pour l’instant, j’ai du mal à envisager la suite de ma carrière sans l’obtention de visas des pays européens pour effectuer mon métier », confiait-il à L’Equipe lors du Tour du Rwanda en novembre dernier.

Chaque année qui passe est aujourd’hui cruciale dans le développement du cyclisme africain. Les champions n’ont jamais été aussi proches de se bâtir un palmarès en Europe et une nouvelle génération se prépare déjà à les rejoindre, si les structures actuelles le permettent. Avec dans un coin de la tête, toujours, l’objectif de 2020 annoncé par van Zyl.

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