D’habitude, le lundi sur le Tour de France, c’est journée de repos. Cette année, Christian Prudhomme avait décidé de bousculer les habitudes du peloton. Il sera heureux, ce soir, d’avoir vu du spectacle sur un final d’étape qui aurait pu être ennuyeux. Mais disons-le sans détour, Thibaut Pinot y a sans doute perdu le Tour.

Tout ça pour ça

A quoi bon tous ces efforts ? S’arracher sur le chrono par équipes, se placer diaboliquement bien sur l’étape d’Epernay, se positionner sur la Planche des Belles Filles, s’échapper vers Saint-Etienne, tout ça était donc vain. Tout l’emballement de la première semaine du Tour vient de retomber. Pendant dix jours, Thibaut Pinot a couru à la perfection, pour finalement pointer premier favori du général, avec 19 secondes d’avance sur Geraint Thomas, 23 sur Egan Bernal. Il aura suffi d’une étape de plus, avec un brin de vent et un manque de concentration, surtout, pour laisser filer une minute et quarante secondes, soit le triple de ce qu’il avait repris, en cumulé, lors de la très légère bordure dans le final d’Epernay puis dans les quinze derniers kilomètres à Saint-Etienne. Tout va beaucoup mieux pour Ineos, dont le principal adversaire, celui en tout cas qui avait pu les faire douter, ces derniers jours, navigue désormais à environ 1’20 du duo britannico-colombien.

Dans le classement des favoris, qui ressemble beaucoup au général actuel, Alaphilippe et Ciccone en moins, Thibaut Pinot est donc neuvième, derrière Thomas, Bernal, Kruijswijk, Buchmann, Mas, Yates, Quintana et Martin. Une telle dégringolade en une seule étape, et sans un seul col au programme, seulement quelques côtes de troisième catégorie, a de quoi générer la plus grosse frustration de l’année, pour le coureur et son équipe, bien sûr, mais aussi pour tous les Français, devant leur télé ou sur le bord des routes, qui se disaient que pour une fois, peut-être, l’hégémonie Sky pourrait être remise en cause, et qu’en plus c’est un coureur tricolore qui pouvait endosser le costume de bourreau. C’était trop beau pour être vrai. Tout est rentré dans l’ordre, pourrait-on dire avec cynisme. Revenu un temps à une grosse dizaine de secondes du groupe maillot jaune, Thibaut Pinot, accompagné de Fuglsang, Uran, Porte et quelques autres, a failli se sauver les fesses, ce lundi vers Albi. Mais les derniers mètres sont toujours les plus durs à boucher, et si on ne les bouche pas, alors l’écart ne reste jamais autour des dix secondes.

Bagarrer pour un podium

A l’arrivée, le Franc-Comtois était dépité. Triste et en colère en même temps, sans que l’on sache s’il avait davantage envie de balancer son vélo par terre ou de pleurer à chaudes larmes. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est une journée de merde », lançait-il à tous les journalistes qui tendaient leurs micros, avant de tourner les talons. Il sait très bien ce qu’il vient de gâcher : une chance, si ce n’est de gagner le Tour de France, de jouer le maillot jaune. Désormais, il va regarder le podium, parce que le monstre à deux têtes d’Ineos n’avait pas besoin de ça, mais en un coup de maître, les Britanniques ont assommé le peu de concurrence qu’ils avaient. Pour Pinot, il reste sept adversaires à aller chercher, dont la plupart le devanceront sur le contre-la-montre de Pau jeudi prochain, pour s’offrir ne serait-ce qu’un podium au classement général. Ça n’a rien d’insurmontable, surtout vu sa forme des dernières semaines. Mais on s’était pris à rêver tellement plus grand qu’on termine la journée avec une sacrée gueule de bois. Inhabituel pour un lundi.

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