Remouchamps est un petit village à une trentaine de kilomètres de Liège. Longtemps, rien ne distinguait ce bourg de ses voisins, avec son restaurant, son épicerie, son café. Mais depuis 2005, un enfant du coin fait la fierté de la région, et celle-ci célèbre son héros chaque année, au pied de la côte de la Redoute. Ce héros, c’est Philippe Gilbert.
“Il est très lié à la région”
Les « Phil » marqués sur le sol s’enchaînent tout au long des deux kilomètres de montée. « Phil », pour l’enfant du coin, l’homme du triplé ardennais de 2011, le champion du monde de Valkenburg en 2012. A Remouchamps, personne ne parle de Philippe Gilbert. Il n’y a que « Phil ». Le champion de la Quick-Step est aujourd’hui prophète en son pays. C’est rare. Mais Gilbert est l’un des seuls grands champions wallons depuis Claudie Criquielion – et ça date des années 1980. Alors forcément, dans une région meurtrie par les crises depuis des années, en manque de repères et d’idoles, Philippe Gilbert a son fan club.
Ses supporters sont toujours au rendez-vous de la Redoute. Pour la plupart belges, ils se réunissent sur de nombreuses courses, mais Liège est un rendez-vous immanquable. « J’ai déjà fait le Ronde, A Travers la Flandre et la Flèche Wallonne, mais chaque année, je suis à la Redoute », raconte Elodie. Le natif de Remouchamps et le parrain d’Elodie sont amis, et la jeune belge supporte Gilbert depuis ses débuts sur un vélo. « Il est très lié à la région. Il est parti vivre à Monaco, mais il n’oublie pas d’où il vient, et surtout pas ses supporters. C’est quelqu’un de bien, de super accessible et reconnaissant envers les gens. »
Et si Remouchamps adore Gilbert – la ville lui a donné le nom d’un square et une aile de son musée du vélo – la formule est réciproque. Après chaque campagne des ardennaises, « Phil » vient faire la fête, sous un chapiteau installé sur le parcours de la Doyenne. « Cette année, on a confié l’organisation à des professionnels, raconte Nadia, la sœur du champion. On voulait profiter de la fête ! »
Des Bordelais en Belgique
Nadia et les deux frères de Philippe sont là chaque année depuis 2005, pour supporter le prodige de la famille. Ils ont créé un fan-club, et ont longtemps organisé des animations autour de la Doyenne. Cette année, foires à saucisse, buvettes et stand de tee-shirts, écharpes et cartes postales à l’effigie du champion. « On a environ 800 membres dans le fan-club, détaille Nadia, avec un noyau dur de supporters qui le suivent et le portent dans les bons comme les mauvais moments. C’est surtout là où il a besoin de nous et qu’il ressent notre présence. C’est un enfant du pays, c’est un vrai bonheur de monter la Redoute, c’est chez lui, c’est son jardin. Il ne la montait pas étant petit, c’était trop compliqué, on lui disait que c’était trop dur pour un jeune. »
L’ombre menaçante de la Redoute plane sur Remouchamps, mais n’effraie pas les courageux cyclos partis à l’assaut des rampes à 9 % de moyenne. Et si les Belges adorent leur champion, on retrouve aussi, parsemés dans la Redoute, quelques Français « Phil »-ophiles. « On est fans depuis son triplé ardennais en 2011, raconte Johan. Depuis, on le suit toujours, on l’adore. » Son pote Nino ajoute : « On a fait quelques bornes, puisqu’on vient de Bordeaux. Philippe, c’est important pour nous. C’est la Belgique, le plat pays, la Redoute. C’est la première fois qu’on vient, c’est notre pèlerinage. »
Phil fait lever la Redoute
On installe les parasols, on tire une bière de la glacière et on se branche sur la RBTF pour écouter Rodrigo Beenkens. La course féminine passe, puis la caravane régale. Les coureurs sont déjà là, ce qui enthousiasme certains supporters. « On a le temps de voir Philippe Gilbert gagner, raconte Serge, et ensuite le Standard. » Malheureusement pour ce supporter des « Rouches » de Liège, ni l’un ni l’autre ne gagneront ce dimanche. Philippe Gilbert est distancé dans la Roche-aux-Faucons, mais son attaque un peu plus tôt donne un frisson à la foule massée devant l’écran géant. « Phil » connaît son public. Pour le premier passage de la Redoute, il s’est laissé décrocher en queue de peloton pour saluer les premiers supporters arrivés. Au deuxième passage, les « Allez Phil » fusent, sans que réellement personne ne sache où est le Belge dans le peloton.
Au pied de la Redoute, tout le monde se réunit pour regarder la fin de la course. Alaphilippe a beau avoir quelques supporters, les Belges encouragent les leurs beaucoup plus bruyamment. Quand Jelle Vanendert attaque dans le final, tout le public se lève et encourage le Flamand. Mais jamais il ne rattrapera Bob Jungels, puis il se fera même distancer. Pour la quatrième année consécutive, il n’y a aucun belge dans le top 10, le dernier étant… Philippe Gilbert, 8e en 2014. Cette fois, « Phil » termine à trois minutes de son coéquipier luxembourgeois, couronné de succès. Il peut rentrer à Remouchamps profiter de ses fans, l’esprit tranquille.
incontournable Redoute qui est dans l’ADN de Liège Bastogne Liège mais je me pose la question de savoir si elle n’a pas un effet négatif en effrayant les meilleurs qui n’oseraient pas lancer des offensives plus tôt par peur d’y laisser trop de forces et de rester “plantés” dans ce mur.
Vous parlez de lancer des offensives avant la Redoute ? Les favoris n’attaquent même plus dans cette côte depuis l’ajout de la difficile côte de la Roche-aux-faucons au programme de LBL en 2008.
Il est vrai que d’un côté, les difficultés accumulées peuvent bloquer la course, on le voit dans le Tour dans les étapes à 4 cols où personne ne bouge, d’un autre côté l’absence de difficultés ne permet pas la sélection.
Moralité: qu’importe le parcours, ce sont les coureurs ( ou leurs directeurs sportifs) qui décident. Donc il faudrait cloner les Wellens, Nibali ou De Gendt.