Claude Criquielion, décédé ce mercredi des suites d’un accident vasculaire cérébral est presque plus connu pour le championnat du monde qu’il n’a pas gagné en 1988 que pour le reste de sa carrière. Pourtant, celui que l’on appelait « Claudy » était bien plus que le héros malheureux du mondial qui se disputait sur son sol.

Un épisode impossible à oublier

Et pourtant, Criquielion est et restera associé à ce final vers la ligne d’arrivée de Renaix, le 28 août 1988. Presque à domicile, le Wallon espère bien glaner un deuxième sacre mondial sur les routes flamandes. La course prouvera que malgré une saison compliquée ponctuée de nombreuses places d’honneur mais de trop peu de victoires, l’homme de 31 ans reste l’un des patrons du peloton sur les courses d’un jour. Dans le dernier kilomètre, le natif de Lessines est opposé à Steve Bauer et Maurizio Fondriest. Le Canadien est alors inattendu à ce niveau, et l’Italien, seulement âgé de 23 ans, n’a pas encore l’expérience de son rival du jour. Et surtout, les deux larrons semblent cuits. Fin stratège, « Le Crique » comme il était surnommé, se planque dans les roues depuis plusieurs minutes, et n’attend plus que le sprint final pour sortir et aligner ses adversaires dans les derniers mètres.

Malheureusement pour lui, lorsqu’il entame son sprint, Bauer a déjà lancé le sien. En perte de vitesse, le Canadien n’a d’autre choix que de pousser Criquielion contre les balustrades pour conserver une chance de franchir la ligne en premier. Le Belge est surpris, tente de rester en selle mais ne peut absolument pas éviter la chute. A terre, il ne peut même pas constater l’ultime accélération de Fondriest. L’Italien trouve en effet le moyen d’aller déposer un Bauer en réalité au bout du rouleau, qui n’avait de toute façon aucune chance. Le titre va donc au pensionnaire de l’équipe Alfa Lum, alors que Bauer sera plus tard logiquement déclassé. Criquielion, lui, restera célèbre à cause de cette chute. Peut-être même que son titre mondial de 1984 serait inconnu de certains sans cet échec quatre ans plus tard.

« Claudy » l’a d’ailleurs longtemps regretté. « Ce qui, aujourd’hui, m’ennuie le plus, c’est que l’on a parfois tendance à se souvenir plus de ma chute et de ma défaite à Renaix que du titre que j’ai conquis en 1984 à Barcelone. Ça, c’est frustrant ! », expliquait-il y a quelques années. Mais cela ne l’empêche pas de régulièrement revenir sur les lieux de l’injustice. « Cette route, je l’emprunte régulièrement. À chaque fois, il y a un choc. Le souvenir de quelque chose de particulièrement cruel… Même si cela commence à s’atténuer un peu avec le temps, je ne peux pas arriver à ne pas y penser. Il n’y a quand même pas beaucoup de coureurs qui ont été à deux reprises champions du monde… »

Polyvalent, talentueux et tacticien

Ce n’est pas pour autant que le principal intéressé a digéré ce final injuste. Marc Sergeant, qui a été le coéquipier de Criquielion durant deux saisons, en témoignait au moment de rendre hommage à son ancien coéquipier. « La perte du championnat du monde 88 à Renaix a eu un impact mental sur la suite de sa carrière. » Ses trois dernières saisons professionnelles n’ont il est vrai pas été les plus prolifiques, malgré une victoire sur la Flèche wallonne et quelques accessits qui auraient satisfaits la quasi totalité du peloton. Heureusement, il y eu donc un avant, qui vit « Le Crique » briller aussi bien sur les courses par étapes que sur les épreuves d’un jour. Sergeant témoigne : « J’ai roulé avec Claude chez Hitachi-Bosal en 88 et 89. Au départ, il était perçu comme un coureur de tours, mais je l’ai vu évoluer jusqu’à être un coureur de classiques. Son palmarès prouve qu’il était très consciencieux dans son travail. Aussi bien à l’entrainement qu‘avec son matériel, il savait très bien où il allait. »

Cinquième du Tour de France 1986 derrière les spécialistes Lemond, Hinault ou Zimmermann, il a aussi été capable de remporter deux Flèches wallonnes, et plus surprenant, un Tour des Flandres ! La preuve que le garçon était aussi polyvalent que talentueux. Et un tacticien hors pair, on y revient. Le meilleur exemple, c’est pour son ancien équipier Marc Sergeant le Ronde 1987  : « Il était l’un des seuls coureurs à ne pas avoir placé une grosse accélération, car il savait qu’il y avait du vent à partir du sommet du Bosberg. Et il a gagné. » Parce que Claude Criquielion, si on a eu tendance à beaucoup trop l’oublier, était bien un des meilleurs coureurs des années 1980. C’est le palmarès qui le dit, avec un titre mondial, un monument, de nombreuses classiques, un podium sur la Vuelta et un top cinq sur le Tour. Le championnat du monde de 1988 n’y changera rien, ou si peu. Ciao et bravo, « Claudy ».

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