Vainqueur de la deuxième étape du Tour de Romandie, Stefan Küng a de nouveau fait l’étalage de ses qualités de rouleur. Une nouvelle victoire en solitaire pour ce jeune coureur qui prend son mal en patience afin d’un jour, peut-être, devenir le grand leader qu’il ambitionne.

La force de la solitude

Lorsqu’on pense à Stefan Küng, on pense forcément au contre-la-montre. Sur ses dix victoires chez les professionnels, il en a décroché six sur des chronos. Les quatre autres ? Oui, il partait en même temps que le reste du peloton, mais sur la ligne, il se retrouvait à nouveau seul – exception faite au Tour de Romandie 2017, où Grivko avait réussi à tenir sa roue. C’est dire si Küng aime la solitude. Logique pour un garçon qui vient de la piste. Le Suisse de 25 ans y est multiple médaillé. En 2015, il devient champion du monde de poursuite individuelle à Saint-Quentin-en-Yvelines. Il souhaite alors poursuivre jusqu’au Jeux de Rio mais se voit contraint de renoncer suite à une clavicule cassée. Un crève-cœur qui lui fera accélérer sa transformation sur route. Une direction qu’il avait pleinement envisagée un an plus tôt en étant titré au championnat d’Europe espoir du contre-la-montre. Lors de ces mêmes championnats, Küng avait réalisé la passe de deux en étant sacré sur la course en ligne.

Un doublé qui avait révélé au grand jour ses qualités. Pas très rapide, le Suisse sait que pour vaincre ses adversaires, il doit les asphyxier, ce qu’il réussit très bien en emmenant de gros braquets. Sa puissance et sa résistance dans les efforts longs se révèlent aussi être un un atout essentiel pour les classiques. Des Strade Bianche, une course « comme on n’en voit pas souvent dans le cyclisme moderne », à Roubaix, la « Reine des classiques », le Thurgovien s’y voit bien briller. Surtout qu’il aime les conditions difficiles, et la pluie, en attestent ses trois victoires en Romandie, à chaque fois sur chaussée humide. Des conditions non étrangères à celles des classiques printanières. Épreuves également où finir en solitaire est le meilleur moyen de gagner.

Autre équipe, autre statut

Jouer un rôle sur les classiques, c’est d’ailleurs pour cela qu’il a choisi de rejoindre la Groupama-FDJ. Pur produit de la formation BMC, où il a fait toutes ses classes en passant par l’équipe développement à partir de 2013, sa liberté d’action était cependant limitée. « Avec Van Avermaet, sur chaque course il y avait un grand leader et la tactique est décidée avant la course », expliquait-il lors de la présentation des équipes en début d’année. Changer d’air, c’était donc poursuivre ses rêves. « La saison dernière, ils [Groupama-FDJ] ont gagné avec 13 coureurs différents, souligne-il. Le leader est celui qui est le meilleur pendant la journée, on peut s’adapter pendant la course. Ils jouent sur plusieurs cartes. » Ce fut le cas ce printemps, où le Suisse a parfois partagé le leadership avec Arnaud Démare.

Onzième à Roubaix, la campagne n’est pas à la hauteur de ses espérances. Mais le double champion de suisse du contre-la-montre a prouvé qu’il avait les qualités pour bien faire. Très courtisé, il reste un formidable coureur au sein d’un collectif. Capable de faire gagner de grandes courses. Malgré son désir d’émancipation, c’est d’ailleurs bien dans l’optique du Tour de France et pour épauler Thibaut Pinot qu’il a été recruté par la formation de Marc Madiot. Stefan Küng en est bien conscient. Cette semaine, déjà, il ne cachait pas être là avant tout pour aider David Gaudu en vue du général. Une répétition grandeur nature avant le mois de juillet.

L’ambition débordante

Suisse, dominant dans l’épreuve de vérité, possédant un certain caractère. Il n’a pas fallu longtemps à la presse helvétique pour le comparer à Fabian Cancellara. « Je vois beaucoup de similitudes », analysait Daniel Gisiger, ancien entraîneur sur piste de l’équipe suisse, dans Le Matin en 2017. Et hormis des aptitudes physiques évidentes, c’est dans la personnalité et la mentalité que la comparaison est la plus pertinente. « Stefan est quelqu’un de très ambitieux, d’ouvert, d’intelligent, mais avec un certain égoïsme, très important pour arriver à ce niveau-là », ajoute Gisiger.

Car gagner en amateur, c’est bien, gagner en professionnel, c’est mieux. Nombreux sont ceux à s’être cassé les dents au moment de franchir ce cap. Pas le jeune suisse, visiblement. « Je fonctionne bien sous la pression », affirme-t-il. L’insouciance de la jeunesse ? Le garçon semble tout de même à part. Camarade de chambre de Küng dans l’équipe suisse lors des championnats d’Europe en 2014, Théry Schir, ex-espoir du cyclisme helvétique, appuie : « Stefan, c’est une autre catégorie. » À quatre, avec ses compagnons Tom Bohli et Olivier Beer, c’est bien le Suisse Allemand qui guidait cette équipe. « Si je suis le patron de cette équipe ? Théry dit que j’ai une grande gueule », réagit Kung. Il faudra au moins ça, dans les années à venir, pour tenir la comparaison avec Cancellara.

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