La montée du Mur de Huy, chaque mercredi qui suit l’Amstel et qui précède Liège-Bastogne-Liège, est un passage immuable de la saison. Pourtant, l’histoire de la Flèche Wallonne ne se résume pas qu’à cette côte devenue célèbre. Elle s’est en effet construite de manière bien plus variée et souvent plus débridée qu’aujourd’hui.
Réunion de famille
Peut on parler de fille ? De petite sœur ? De cousine? Si la Doyenne, nom d’usage donnée à Liège-Bastogne-Liège, est dans tous les esprits la reine des ardennaises, la Flèche Wallonne, bien que plus récente, n’en demeure pas moins une référence. Solidement ancrée dans le calendrier printanier, son ADN semble rattaché au célèbre mur de Huy, rampe interminable et infernale, qui voit les coureurs s’envoyer un ultime effort après 200 kilomètres de course. Avec la joie et la gloire au bout pour un seul d’entre eux, laissant les autres s’écraser face à la pente. En 1985, le premier à connaître le succès au sommet était Claude Criquielion. Si l’arrivée de la course est jugée à Huy depuis déjà deux ans, c’est la première fois que la ligne se situe tout en haut du Chemin des Chapelles. Héros de tout un pays, ceint du maillot de champion du monde, « le Crique » ouvre ici une nouvelle page dans l’histoire de la course, née en 1936.
Pour trouver l’acte de naissance de la Flèche Wallonne, il faut s’aventurer une fois de plus dans l’univers de la presse écrite. Collaborateur au journal bruxellois Les Sports, référence belge du sport cycliste de l’époque, Albert Van Laethem suggère la création d’une épreuve traversant la Wallonie entre deux de ses villes les plus distantes : Tournai et Liège. Avec un parcours très sélectif de près de 240 kilomètres, l’épreuve va très rapidement faire l’unanimité. Même les Flamands s’autorisent un petit plaisir en triomphant sur les terres « ennemies » : De Meersman et Braeckeveldt sont les deux premiers vainqueurs, avant qu’Emile Masson Junior ne soit le premier Wallon à s’imposer. Exclusivement dominée par les Belges jusqu’à la fin des années 1940, la course se tient même durant la Seconde Guerre mondiale, avec une seule annulation en 1940. Dans cette région ardennaise aux batailles tragiques et homériques, la chose cycliste semble dérisoire, mais montre la capacité de toute une nation à continuer de vivre coûte que coûte.
Turnover wallon
Chose propre à la Flèche Wallonne, le parcours se verra offrir de constants liftings au cours des années, avec de nombreux changements des villes de départ et d’arrivée : Mons, Charleroi, Liège, Marcinelle, Huy, Spa, Verviers… Si Liège-Bastogne-Liège reste ancrée dans les mêmes cités, malgré les changements de site d’arrivée, la Flèche sillonne et visite les Ardennes. Au début des années 1950 se crée même le « week-end ardennais », avec la Flèche le samedi et Liège le dimanche. Pendant quinze ans, de 1950 à 1964, c’est un système de points qui récompense le coureur le plus en verve sur les deux épreuves. Quand la société du Tour de France rachète la course en 1993, celle-ci se retrouve placée le mercredi (après avoir déjà reculé le vendredi), et le « week-end ardennais » revoit le jour pour cinq éditions seulement. Le dernier titré sera Laurent Jalabert en 1997, victorieux à Huy et deuxième à Liège derriere Michele Bartoli. Mais la course a suffisamment de caractère pour que son propre palmarès se suffise à lui-même. Fausto Coppi s’était ainsi employé à écraser la course en 1950, vainqueur plus de cinq minutes devant ses adversaires, quelques jours seulement après avoir survolé Paris Roubaix.
Théâtre des empoignades entre champions, les rudes côtes de la Wallonie ont contribué à éblouir les palmarès de pointures du cyclisme, même si ses exploits restent moins ancrés dans la mémoire collective que les faits d’armes sur les Monuments. Quelques-uns des plus grands de l’après guerre y ont triomphé : Kubler (qui réalisera le doublé avec Liège en 1951 et 1952), Van Steenbergen, Poulidor, Van Looy… D’autres s’y sont cassés les dents : Bartali, Bobet, Gimondi, Anquetil. Même Eddy Merckx n’aura pas réussi à y installer un règne durable, ne s’imposant “qu’à” trois reprises. La première en 1967, du haut de ses 21 ans, quelques semaines après son deuxième succès sur Milan-Sanremo, montrant sa forme éblouissante du printemps. La dernière fois en 1972, au sprint, devant un certain Raymond Poulidor et une douzaine d’autres concurrents, en emmenant un braquet démentiel suite à un problème mécanique. Dans les palmarès suivront Moser, Saronni ou Hinault, tous vainqueurs de la course ancienne version. Avant de laisser la place au Mur de Huy et aux exploits de Jalabert, Alaphilippe mais surtout Valvderde. D’autres champions, personnages centraux de la deuxième vie de la Flèche Wallonne.
Une belle épreuve mais depuis des années le mur de Huy est tellement “présent” dans sa monstruosité physique qu’il exige des coureurs que finalement il bloque la course qui se résume à un sprint en bosse qui consacre un coureur hyper spécialisé pour ce type d’efforts. Je suis un peu frustré de ce scénario quand on évoque le passé avec les victoires de Jalabert, Fignon (et bien d’autres) et des courses plus débridées. Par ailleurs il me semble que dans le passé récent le circuit a changé et que hors mur de Huy il est moins sélectif.
Question : depuis combien d’années consécutives le peloton arrive t-il groupé au pied du mur ?
Moi j’aime bien au contraire cette course de côte. Il n’y a pas de tactique dans la Flèche, pas de subtilités, juste du positionnement et de la force brute. En haut du mur de Huy, c’est toujours le coureur le plus fort qui gagne. Pas le plus intelligent, le plus courageux, ou celui qui a la meilleure équipe. Juste le plus fort. Il ne faut pas trop de courses dans ce style dans un calendrier, mais il en faut une, et la Flèche est belle pour cette raison.
Je suis d’accord, cette course est parfait comme elle est. Le championnat du monde des puncheurs. Le problème c’est que ces derniers temps l Amstel et liège étaient devenus enuyantes aussi, mais au vue des 2 dernières éditions de l Amstel et savec le changement de parcours de Liège on peut espérer du spectacle sur ces deux courses. Donc ça me pose pas de problème que la flèche se joue au mur. Au contraire je serai déçu que ça change. Je trouve que c’est le kilomètre le plus passionnant de l’année.
Ce n’est pas mais alors pas du tout mon kiffe cette course. Je ne tire aucun plaisir à voir un concours de cuisses malgré la dimension spectaculaire que revêt ce type d’arrivée. Ça me fait penser au 100m en athlétisme que je ne regarde jamais alors que je manque rarement une course de demi fond avec des athlètes avec un niveau homogène. Même une étape toute plate de 220 bornes du Tour avec une arrivée sur une portion bien large de la route me semble plus intéressante, c’est dire. Après ce n’est qu’un avis et je conçois tout à fait qu’il puisse y avoir des avis divergents.
Il me semble qu’il y a pas si longtemps, Oscar Freire avait abordé le mur seul en tête.
Sinon, Astarloa avait gagné en s’échappant en 2003, dernier en date il me semble.
Freire je ne me rappelle pas bien. Astarloa avait gagné seul effectivement et il était sorti à la flamme rouge ou même un peu après je crois.
Un Milan San Remo belge. Il suffit d’allumer la télé dix minutes avant l’arrivée. C’est très largement suffisant. A moins que cette année, le vent de folie souffle jusque dans les ardennes…
C’est exactement ça et cela explique pourquoi – pour moi en tout cas – cette course manque un peu d’intérêt.
Freire, Cancellara, Ciolek, Degenkolb, Démare, Kwiatko, Nibali, Alaph’… Milan Sans Remo possède le charme d’offrir des vainqueurs aux qualités très variées, que ce soit sur un sprint massif, un petit groupe, à 3/4 costauds, en solitaire. Nibali a même prouvé qu’il était encore possible d’attaquer dans le Poggio. Est-ce que la Flèche Wallonne permet autant de configurations de courses ? Je ne crois pas.
Malgré certaines similarités, la Flèche et MSR sont des courses quasiment opposée. Tout l’esprit de MSR et d’avoir un final qui donne leur chance à tous les types de coureurs. Au départ d’un MSR typique, il y a peut-être 20 coureurs qui peuvent prétendre à la victoire, c’est la course la plus ouverte du calendrier et c’est ça qui la rend passionnante. La Flèche, c’est au contraire la course la plus fermée. Il y a en général deux trois favoris, et le vainqueur sera incontestablement le meilleur. On ne peut pas tricher à la Flèche, s’abriter dans les roues, compter sur son équipe, espérer s’échapper pendant que les leaders se regardent. Evidemment que seules les dix dernières minutes sont intéressantes, mais le cyclisme serait plus pauvre sans une course de ce type.
Une question pour historien. Je me souviens avoir lu que la Flèche était plus prestigieuse que Liège à une époque (les années 50 et 60 je crois). Est-ce que vous confirmez ? Est-ce que Liège étant placée le lendemain, elle était donc la revanche de la Flèche, le lot de consolation ?
Autre question, depuis quand parle-t’on des 5 “Monuments” des classiques ? Je ne crois pas que cette classification de monuments existait il y a encore 20 ans.
On parle des 5 monuments depuis dix ans ou guère plus. mon gros regret est l’assassinat de Paris Tours, classique légendaire et prestigieuse datant de 1896 qui devrait être un de ces monuments et qui est reléguée en dehors du World Tour. Une honte pour l’UCI , pour la FFC et pour ASO.
Mais ces cinq courses sont les plus prestigieuses depuis longtemps non ? En tout cas elles ont toutes incontestablement en commun d’être beaucoup plus anciennes que les autres courses d’un jour.
Pour Paris Tour c’est d’autant plus dommage qu’elle avait un côté championnat du monde des sprinteurs fort sympathique. Comme le Tour de Lombardie, elle souffre de sa position dans le calendrier.