La Chronique du Vélo tire sa révérence ces jours-ci, mais nous avons décidé, avant de partir, de vous concocter une dernière série d’articles. Le site est né en 2012, il y a neuf ans. Pour l’occasion, nous avons donc décidé de nous projeter un peu, neuf ans plus loin, soit en 2030. Que sera le cyclisme à ce moment-là ? L’évolution entre 2021 et 2030 sera-t-elle aussi grande qu’entre 2012 et 2021 ? Au travers d’analyses, de décryptages, d’entretiens ou de fictions, nous tentons de déblayer ce vaste thème.

Le jaune appelle t-il le jaune? L’arc-en-ciel appelle-t-il l’arc-en-ciel ? Autrement dit, un champion des courses espoirs est-il nécessairement le coureur qui aura le plus de chances de briller au plus haut niveau dans les années qui suivront ? La réponse courte serait plutôt non, mais cela reste une manière d’anticiper le cyclisme d’ici à 2030.

Un destin aléatoire

Gagner le Tour de l’Avenir, connu pour être le Tour de France des jeunes, vous assure un avenir chez les professionnels, mais il n’en donne pas la couleur. En 2009, Romain Sicard remporte la course à étapes et enchaîne avec un titre de champion du monde U23 à Mendrisio. C’est pourtant la dernière fois de sa carrière qu’il lève les bras, jusqu’à sa retraite cette année. Inversement, Tadej Pogacar, vainqueur de la même course en 2018, quasiment dix ans après Sicard, compte déjà deux victoires sur le Tour de France et deux Monuments du cyclisme.

Où se trouve le juste milieu entre ces deux extrêmes ? Il est ardu de comparer un parcours chez les jeunes à un parcours chez les pros, mais nous nous y sommes essayés. Pour ce faire, nous avons sélectionné six courses espoirs “parallèles” à des événements de renom : le Tour de l’Avenir, le Baby Giro, les championnats du monde et d’Europe espoirs, Liège-Bastogne-Liège et Paris-Roubaix U23. Nous avons retenu les podiums de toutes les éditions qui se sont déroulées depuis 2010 avant de les superposer aux coureurs figurant dans le Top 40 du classement mondial UCI lors de chacune des six dernières années.

La limite du succès

Ainsi, sur les 115 coureurs ayant figuré dans l’un de ces Top-40 depuis 2016, seuls 30 étaient auparavant montés sur le podium de l’une des six courses sélectionnées depuis 2010, soit 26%. Un seul parmi eux a achevé une saison en tant que numéro un mondial, il s’agit de Tadej Pogacar cette année. Ce pourcentage s’effondre encore plus quand on se met du point de vue des podiums de ces courses U23 car pour 30 élus, ils étaient 157 appelés, soit un peu moins d’un sur cinq. Le Tour de l’Avenir reste la référence pour juger les meilleurs candidats aux futurs grands tours. Outre le double tenant du titre du maillot jaune, Nairo Quintana (1er en 2010), Adam Yates (2e en 2013) ou Egan Bernal (1er en 2017) ont su faire la passerelle entre les deux épreuves.

Ce si faible pourcentage peut s’expliquer par un paradoxe : si un coureur est dominateur chez les U23, c’est que ses rivaux plus prometteurs sont déjà en train de batailler dans la catégorie supérieure. Un phénomène comme Remco Evenepoel n’aura jamais de palmarès chez les espoirs car il a signé chez les professionnels dès ses 19 ans. Parallèlement, Kevin Ledanois s’est offert un superbe succès lors du championnat du monde espoirs en 2015, mais aucun des coureurs nés en 1993 ayant brillé chez les Élites n’était du rendez-vous. Autre exemple, qui a été le meilleur U23 des derniers championnats du monde ? Filippo Baroncini vainqueur de sa catégorie, ou Thomas Pidcock sixième sur la course reine ?

L’avenir nous le dira

Dans cette logique, que dire de Tobias Johannesen, Biniam Ghirmay ou Mauri Vansevenant ? Si un crack s’annonce dans le lot, il pourra prétendre à une place parmi les meilleurs au bout de deux ans, à l’image d’Egan Bernal ou Tadej Pogacar qui sont passés d’un jaune à l’autre en 24 mois. Les autres gros potentiels mettront quelques années de plus à se hisser vers les plus hautes marches, à l’image d’un David Gaudu, vainqueur du Tour de l’Avenir en 2016 et aujourd’hui n°2 français derrière Julian Alaphilippe au classement UCI. La majeure partie des jeunes actuellement en vue se contentera néanmoins d’une honnête carrière, jalonnée de quelques succès certes, mais surtout de travaux de l’ombre.

Ces courses U23 sont un bon terrain de jeu pour nos futurs cyclistes de 2030, mais c’est de moins en moins le lieu où se joue leur passage chez les professionnels. Les grandes équipes possèdent toutes leurs pépinières au sein desquelles ils peuvent puiser parmi nombre de jeunes talents. Le choix du futur d’untel plutôt qu’un autre s’appuie davantage sur des données disponibles grâce à l’évolution technologique qu’à la seule lecture d’un résultat. Cette perspective a facilité l’intégration de coureurs issus d’autres disciplines dont les capacités siéent à la route au haut niveau.

Pour aller plus loin, même les formations les plus prestigieuses du peloton ne se gênent plus pour accorder leur leadership à des jeunes n’ayant dans les pattes qu’une année ou deux chez les pros. Huit coureurs de moins de 25 ans figurent dans le Top 40 UCI cette année, contre deux en 2016. La génération née à la fin des années 1990 a bousculé les codes en la matière et semble partie pour durer. Elle servira probablement de référence à tous les cyclistes qui perceront d’ici 2030 et qui n’auront aucun état d’âme à les supplanter le moment venu. La révolution permanente, en somme.

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