Plus d’une fois on l’a jugé incapable de remporter la course. Mais Vincenzo Nibali a ce petit truc en plus qui fait que personne ne peut le sortir définitivement de la course à la victoire finale. Imprévisible et soutenu par la crème de ses compatriotes transalpins, le “Requin de Messine” risque encore d’en surprendre plus d’un.

Son métier : artiste

Vincenzo Nibali reste un des seuls à incarner un certain cyclisme à l’ancienne. Une stratégie de course qui ne reste pas figée et qu’il adapte quand le moment s’y prête. Cet artiste du vélo est capable de nous dessiner les plans les plus invraisemblables et de conclure avec un chef-d’œuvre de plus. Un fait d’arme ressort, son comportement sur les pavés du Tour en 2014. À l’occasion, Giuseppe Martinelli, son directeur sportif racontait sur RMC : « C’est un peu un artiste dans le cyclisme moderne. » Imprévisible, le Requin de Messine est redouté pour sa capacité à attaquer au moment où on s’y attend le moins. Et quand ça ne marche pas il ne se résigne pas. Un état d’esprit bien résumé par Martinelli, une fois de plus. « Quand il attaque, normalement il gagne. Et s’il ne gagne pas, il attaque le jour suivant. » En 2013, alors largement leader, il avait mis un point d’honneur à gagner aux mythiques Tre Cime di Lavaredo, dernier sommet du Giro.

Fin maître tacticien, il n’hésitera aucunement à se lancer dans les grandes manœuvres. Ne jamais sous-estimer la valeur d’un champion, surtout piqué dans son orgueil. La caricature semble facile, mais après sa désillusion sur le dernier Tour de France, le virtuose italien aura à cœur de nous exposer tout son talent. Celui qu’il exprime par son panache. Nibali l’a déjà montré sur les routes du Tour 2014, lorsqu’il avait remporté la deuxième étape à Sheffield pourtant sans difficulté majeure. Sur ce début de Giro, les étapes au profil accidenté ne seront peut-être pas aussi nombreuses que par le passé, mais l’adage reste valable. Celles qui ne payent pas de mine, bien exploitées, peuvent toujours faire de grosses différences. Le Sicilien demeure un coureur à l’instinct, guidé par son inspiration du jour. Et chez un artiste, l’inspiration peut revenir à tout moment sur le devant de la scène.

Ses meilleurs alliés : les tifosi

Il est difficile de ne pas associer Tour d’Italie et Nibali. Au-delà de la rime, c’est incontestablement le coureur en activité ayant le plus marqué la course rose. Les tifosi le savent bien. Avec deux victoires pour cinq podiums, Nibali n’a jamais délaissé son pays natal. Seul italien candidat à la victoire au départ, les tifosi seront de nouveau à fond derrière leur favori, sprintant autour de lui, ne s’écartant qu’au dernier moment comme pour l’approcher le plus près possible, quitte à donner au passage une petite poussette supplémentaire. Toujours bouillant au sommet des cols de plus de 2000 mètres d’altitude, ses supporters sauront lui donner ce supplément d’âme qui permet de se dépasser. Le “Squale” possède un goût immodéré pour l’attaque, celui qui rappelle ses glorieux aînés que toute l’Italie a pu aduler.

La botte est une terre de vélo et les tifosi savent la cultiver. Dans Vélo Magazine l’an dernier, Géminiani s’en souvient. « J’ai vu des tifosi embrasser le bitume à l’endroit où Bartali était supposé avoir posé ses roues. » C’est dire le culte que vouent les “azzurri” à leurs champions. La victoire inattendue sur la “Primavera” du double vainqueur du Tour de Lombardie l’a fait rentrer dans une autre dimension auprès des tifosi, en attente d’une victoire sur la via Roma depuis 2006 et le sacre de Filippo Pozzato. Alors, comptez sur eux pour permettre au Sicilien de rejoindre Bartali, Gimondi, Magni parmi les autres triples vainqueurs du Tour d’Italie.

Sa course référence : Milan-Sanremo 2018

Ces dernières années, Vincenzo Nibali remporte cependant moins de courses que par le passé. Mais s’il nous a appris quelque chose, c’est bien de ne jamais l’enterrer. L’âge défilant, celui qui file vers ses 35 printemps a appris à disputer moins d’épreuves tout en faisant preuve de précision das ses choix. Preuve en est sur ce Milan-San Remo 2018, où le grimpeur de formation surprend tout le monde sur la classique des sprinteurs. À peine cité le matin même, il remporte la course qui lui tenait le plus à cœur, au nez et à la barbe des favoris. Lui qui dans ses jeunes années, s’acharnait sur cette course dont il rêvait depuis gamin. Nibali ne s’attendait pas à gagner ce Monument, et encore moins en 2018, mais il a su la désirer plus que d’autres.

C’est finalement quand on l’attendit le moins qu’il se révéla le plus fort, et pas seulement dans les jambes. « Je devais inventer quelque chose » relevait-il à l’arrivée. Cette victoire représente bien toutes les caractéristiques d’un homme complet. Sur la course en elle-même, il a parfaitement joué avec ses adversaires, semant le doute à merveille. Fort dans le Poggio, rapide dans la descente et résistant sur le plat, il a fait l’étalage de ses multiples talents et devra sans aucun doute reproduire cela sur ce Giro 2019. Car celui qui tente obtient souvent ce qu’il veut. Grâce à son panache, l’Italien écrira t-il de nouvelles lignes à son palmarès ? Si cet attribut se perd de plus en plus, il reste un atout indéniable pour renverser la situation. Ses concurrents doivent en prendre acte.

Selon vous, qui remportera ce 102e Tour d'Italie ?

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