S’il y en avait un à surveiller, c’était sans doute lui. Niki Terpstra était le plus fort, depuis trois semaines, sur les pavés. Pourtant, personne n’a sauté dans sa roue quand il est sorti du groupe de favoris, et quatre ans après Paris-Roubaix, il s’est offert l’autre monument pavé, le Tour des Flandres. En solitaire, forcément.

Un unique patron

Il est incapable de gagner un sprint et il le sait. Sur le Tour des Flandres, il a même déjà vécu la mésaventure lorsqu’il était arrivé pour la victoire, il y a trois ans, en compagnie d’Alexander Kristoff. A l’époque, il n’avait pu que s’avouer vaincu, et ce dimanche, il a tout fait à merveille pour ne pas revivre la même désillusion. Qu’il ait réussi son coup, pourtant, tient presque du miracle. Parce que la logique voulait une chose : que personne ne laisse partir un Quick-Step à l’avant, encore moins Terpstra, le meilleur rouleur au sein de l’armada belge. Le garçon a si souvent piégé son monde qu’aujourd’hui, il y a une chose que Sagan, Van Avermaet et les autres savent : le laisser partir, c’est quasiment faire une croix sur la victoire. Alors comment ont-ils pu se dire, en haut du Kruisberg, à moins de trente kilomètres d’Audenarde, qu’il n’était pas nécessaire de sauter dans sa roue ? Tous savaient qu’ils l’aligneraient au sprint, et tous ont pris le risque – énorme – de le laisser filer en espérant le revoir avant la ligne. Incompréhensible.

Le Néerlandais, à l’inverse, a couru juste, évitant les risques inutiles. Vincenzo Nibali n’est pas taillé pour gagner le Ronde, mais l’Italien a l’habitude de surprendre. Alors quand il a attaqué, sur les dernières pentes du Kruisberg, Terpstra n’a pas hésité à se glisser dans sa roue. C’est de là qu’est parti son raid victorieux. Ensuite impérial dans le Vieux Quaremont, où il a rattrapé et déposé les trois hommes qui menaient encore la course, il fut vite évident que personne ne reviendrait sur lui, pas même un Sagan ambitieux mais qui s’est réveillé trop tard, au sommet du Paterberg. Attendre, c’est pourtant l’erreur que tous ont fait. Il y a un an, Sagan, Van Avermaet et Naesen – auxquels il faut ajouter Gilbert – étaient deux jambes au-dessus de tout le monde. Cette année, ils subissent plus qu’ils ne sont acteurs des flandriennes. On imaginait qu’ils pourraient se réveiller à l’heure des monuments, mais c’était être un petit peu trop optimiste. Rien n’a changé entre le GP E3 et le Ronde, c’est toujours Terpstra le patron.

Le doublé en quatre ans

Il va falloir que certains de ses rivaux le comprennent. Le natif de Beverwijk, dans l’Ouest des Pays-Bas, n’est plus un simple outsider et compte désormais un Paris-Roubaix et un Tour des Flandres au palmarès – en plus d’un GP E3 conquis il y a dix jours. Alors si certains lui ont longtemps rappelé qu’il s’était imposé à Roubaix grâce au marquage que suscitait son leader de l’époque, Tom Boonen, il n’y a cette fois rien à dire. Terpstra n’a pu compter que sur ses jambes, et si les autres peuvent désormais s’en mordre les doigts, ils ne peuvent surtout pas défendre leur stratégie. D’ici à dimanche prochain, il va donc falloir que certains se remettent la tête à l’endroit. Comme depuis le début du printemps, en dehors des Quick-Step, aucun des favoris n’a encore rassuré sur sa condition et sa capacité à faire des différences. Patrick Lefevere a de quoi s’en frotter les mains : son équipe a tout raflé sauf Gand-Wevelgem, et paraît intouchable sur les pavés cette saison.

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