Assis sur son cadre, tête baissée, Lilian Calmejane laissait d’abord couler quelques larmes, avant d’éclater en sanglots. Le Français, septième de l’étape à Carcassonne, n’a pas pu retenir sa détresse une fois la ligne franchie. Près de chez lui, il rêvait de victoire, et considère qu’un de ses adversaires, Toms Skujins, a saboté sa course.

A domicile, un goût amer

Il y a un an, à la Station des Rousses, le grand public avait découvert Lilian Calmejane, leader d’une équipe Direct Energie qui s’apprêtait à perdre Thomas Voeckler, capable de surmonter des crampes dans le final pour décrocher, sur son premier Tour, une victoire d’étape rayonnante. Un an plus tard, sur un Tour de France parti de Vendée, terre de son équipe, et qui passait par le Tarn, son département d’origine, le garçon voulait frapper une nouvelle fois. Dans ses larmes de dimanche, il y avait donc sans doute, au moins en partie, la frustration d’un garçon qui se rend compte qu’il va rallier Paris sans bouquet. Parce que la semaine qui s’annonce, avec trois étapes de haute montagne, un contre-la-montre et deux probables sprints, n’est pas dessinée pour lui, contrairement à cette étape entre Millau et Carcassonne, que beaucoup lui prédisaient et qu’il ne fut pas loin d’aller chercher, en vérité.

Présent dans une grosse échappée qui n’a surpris personne, l’Albigeois n’a pas hésité à mettre la main à la patte, et là encore, pas grand monde n’était étonné. A une centaine de kilomètres de l’arrivée, il a même tenté de sortir, sans doute grisé par ce passage sur ces routes qu’il connait bien, par cette envie de bien faire. Il est rentré dans le rang rapidement, puis a couru avec ambition – et parfois un poil trop de générosité, quand même. Un coéquipier à l’avant, pour lui permettre d’économiser les coups de pédale, puis un groupe de sept qui part à la poursuite de Rafal Majka et dont il fait partie. Seul problème, quand trois équipes sont doublement représentées, lui est isolé. Il ne se démonte pas et prend ses relais, parce qu’il veut cette victoire. La suite, c’est un trio qui s’échappe, Izagirre qui tente de fausser compagnie à Magnus Cort Nielsen, le plus rapide au sprint, et Mollema qui ne tente rien. Puis les larmes, donc.

Acte fondateur

« Je ne comprends pas la stratégie de certaines équipes, regrettait Calmejane à l’arrivée. Il y a un coureur (Toms Skujins) avec qui j’ai eu un différend lors de la cinquième étape (Skujins n’avait pas joué le jeu de l’échappée avec Calmejane mais lui avait disputé les points du maillot à pois, ndlr)… Mollema, il fait combien ? Troisième ? Voilà, troisième, c’est super. C’est une équipe qui joue pour faire troisième, pour ne pas gagner la course. Ils ont joué avec mes nerfs, j’étais tout seul pourtant j’ai collaboré pour rentrer sur Majka. […] Je savais que les Astana étaient les plus rapides, Skujins l’était aussi. Ils ont joué la carte Mollema. Il (Skujins) a préféré m’enterrer et condamner ma course. A chaud, c’est la détresse qui parle. J’étais sur mes terres, j’avais les jambes pour gagner. Je suis passé à côté d’une belle occasion qui ne se représentera peut-être jamais dans ma carrière. »

Quelques minutes plus tard, son manager Jean-René Bernaudeau disait qu’il n’avait eu vent d’aucune tension dans l’échappée. Pendant que Tom Skujins était monté dans le bus Trek, Bauke Mollema, lui, bottait en touche. « J’ai fait une bonne course. […] Je ne sais pas ce qu’il a dit », disait-il simplement. Mais que Calmejane ne s’inquiète pas. Il n’a pas gagné cette étape, mais il n’a que 25 ans et en aura beaucoup d’autres à jouer, dans les années à venir. Ses larmes sont d’ailleurs celles d’un coureur sincèrement déçu, qui saura forcément tirer de cet épisode quelques leçons pour l’avenir. Avec ce qu’il a montré depuis son passage chez les professionnels, il y a deux ans et demi, il n’y a aucune raison que son histoire avec le Tour se termine là-dessus.

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