Ce mardi, AG2R La Mondiale a mis fin aux hypothèses. Son leader Romain Bardet ne disputera pas le Giro en 2019 et se concentrera sur le Tour de France. Il n’y avait rien de plus logique, même si l’on comprend aisément que l’Auvergnat lorgne de plus en plus sur l’épreuve italienne.
Choix de raison
Cinquante-huit kilomètres de contre-la-montre individuel sur le Giro, contre vingt-sept sur un Tour de France qui passe en plus par Brioude, chez Romain Bardet, c’est presque à se demander pourquoi le Français se posait la question de savoir quelle course privilégier. Mais il avait mis le doute à tout le monde, il y a une semaine dans une interview donnée à L’Equipe : « Pour le Giro, il y a débat », disait-il. Mais il clamait aussi sa volonté de ne pas zapper le Tour et reconnaissait la difficulté de doubler les deux épreuves. Il est donc resté raisonnable en faisant une croix sur la course rose : il ne pouvait pas faire mieux. Parce qu’il n’aurait pas pu dire qu’il ne savait pas : il a l’exemple de son compatriote Thibaut Pinot, qui a testé un peu toutes les formules. L’expérience du leader de la FDJ, depuis deux ans, montre deux choses : le Giro, souvent plus débridé que le Tour, est une course où Bardet aurait toutes ses chances, mais espérer briller ensuite sur la Grande Boucle n’est pour l’instant qu’un doux rêve.
« C’est facile à dire après coup, mais s’il fallait le tenter (le doublé, ndlr), c’était surtout cette année où il y avait une semaine supplémentaire de récupération », soulignait même Bardet dans L’Equipe. Méticuleux comme il est, le Français a préféré ne pas se lancer dans un défi impossible à relever, qui aurait pu lui valoir de grandes victoires en mai, mais l’aurait à coup sûr mis dans une situation très délicate en juillet. Celle qu’a déjà connu Thibaut Pinot, d’un coureur qui arrive éreinté sur la course où le grand public l’attend finalement le plus. Parce que les exemples de Froome et Dumoulin, qui ont su être dans la bagarre sur deux grands tours de suite, cette année, ne peuvent pas être pris en modèle par tout le monde. Eux avaient déjà remporté un voire plusieurs grands tours avant de relever ce challenge, alors que Bardet court encore après une victoire sur trois semaines.
Homme du Tour
Bardet, homme du Tour, a donc fait le choix de s’obstiner. Et il a raison. Il sait se transcender dans les grands évènements et son échec de cet été ne doit pas tout remettre en question. Ses deux podiums de suite, en 2016 et 2017, ne doivent pas être non plus banalisés. Le fait que l’on parle d’un Tour raté quand il termine sixième à Paris veut dire beaucoup, aussi. A 26 ans, le garçon s’est fait une place sur la durée parmi les cadors des courses par étapes. Il n’est pas une étoile filante, l’auteur d’un exploit éphémère. Il a prouvé par son mental et son abnégation qu’il était capable de s’infliger, année après année, d’énormes sacrifices pour être au top au mois de juillet. Et ce Tour de France presque dessiné pour lui, avec beaucoup de montagne, peu de chrono et un passage par Brioude, il se devait d’y aller à 100 % de ses moyens, pour essayer encore une fois, au moins. Après ça, peu importe le résultat, il sera temps de penser à élargir ses horizons en allant découvrir le Giro.
“Ses deux podiums de suite, en 2016 et 2017, ne doivent pas être non plus banalisés.”
Pour moi, ces podiums doivent au contraire le pousser à abandonner le Tour au profit des deux autres GT. En effet, j’estime qu’il est peu probable qu’il remporte le Tour, alors qu’il a de réelles chances en Italie et en Espagne. Le podium est donc ce qu’il peut réellement viser de mieux, or il en a déjà deux. Il vaut donc mieux qu’il gagne un autre GT plutôt que d’enchaîner les Top 5 sans victoire finale sur le Tour. Si j’étais lui, je tenterais le doublé Giro-Vuelta jusqu’à l’obtention de la victoire finale sur l’une des deux épreuves (voir sur les deux). J’espère bien que dès 2020 il zappera le Tour pour se concentrer sur les deux autres GT, avant de revenir (éventuellement) sur le TDF après avoir gagné ailleurs.
PS : oh le beau pléonasme dans le titre…
Vu son intérêt de plus en plus prononcé pour le Giro, il y a des chances en effet qu’il se tourne vers un autre programme ces prochaines années.
Pour le pléonasme dans le titre, bien vu. Ça m’est venu naturellement et malgré votre remarque, j’ai dû réfléchir une seconde. J’ai corrigé ça. “Il n’y avait pas d’autre alternative.”
Effectivement le doublé Giro-Vuelta permettrait de courir plus de GT par an et il pourrait jouer la victoire sur les deux – même en prenant en compte les chronos : Yates et Quintana sont certes meilleurs que Bardet mais ce ne sont pas vraiment des spécialistes de l’effort solitaire.
PS : alternative signifie quelque chose comme “obligation de choisir entre deux possibilités (Larousse). Par conséquent la phrase “il n’y avait pas d’autre alternative” n’est pas juste dans le contexte, il faudrait dire “il n’y avait pas d’alternative”.
(Exemple dans Brassens : “Qu’une alternative pareille/ un de ces quatre jours m’échoit / C’est j’en suis convaincu la vieille/ Qui fera l’objet de mon choix
Et oui, entre les aptitudes et les nécessités de son employeur, il a fallu se plier. Pas grand’chose à en dire.
Les coureurs cyclistes, même à son niveau (vélo et de salaire) sont des travailleurs comme les autres mais aussi des véhicules publicitaires et des hommes sandwich.
Le tour 2019 avec tres peu de chrono et un début de tour plus simple pour les grimpeurs, est le meilleur parcours possible pour un coureur comme Bardet, il
aurai donc été très paradoxal pour lui de ne pas faire le tour. Une telle opportunité ne se représentera pas tous les ans ! Décision donc logique sur le plan sportif
Vu qu’il ne bat pas les Froome et Dumoulin en montagne, la faible quantité de chronos ne l’aidera pas tellement. Il prendra de toute façon au moins deux minutes au total sur les chronos…
ASO et les autres organisateurs n’ont qu’a remunérer les equipes au lieu de se gaver tous les ans comme c’est pas permis. Comme ca les coureurs feront les courses qu’ils veulent.
Ils ne se gavent pas tant que ça il me semble et financent aussi d’autres épreuves moins (voire pas du tout) rentables qui seraient menacées sans la « vache à lait » !
ASO fait un chiffre d’affaire total de 220 millions. Je ne sais pas quel est leur bénéfice, mais c’est pas énorme non plus pour une société qui organise les deux tiers des courses cyclistes et le Paris-Dakar… Du coup ils pourraient sans doute redistribuer une partie de leur bénéfice mais ça ne changerait pas fondamentalement l’économie du cyclisme.
Bardet gagner le Giro ou la Vuelta est une question qui peut se discuter. Depuis la saison dernière comme l´ont ilustrés Yates et Lopez par exemple; d exelents coureurs ont franchis un cap déterminant alors que Romain Bardet stagne et reste calé sur les lauriers de ses 2 podiums. Par ailleur le G du dernier Tour confirme cette tendance inquietante pour le leader d´ag2r qui malgrés une belle forme a buté sur le top 5 .
Par ailleur ” Bardet qui s´inflige d´enormes sacrifices pour etre au top en Juillet” est une reflexion interessante; le mec n´aime pas les chrono, n´aime pas s´entrainer sur son vélo de chrono; ses progrets dans la dicipline sont où depuis plusieurs saisons ?
Alors oui le Tour 2019 est du sur mesure pour Romain; mais quid des autres serieux pretendants ?
Que Bardet n’aime pas travailler le chrono ne veut pas dire qu’il ne le fait pas, loin de là. Il travaille notamment beaucoup sur le matériel. Mais quand je dis qu’il s’inflige d’énormes sacrifices, c’est aussi une question de mental, et sur ce point, il n’y a que Froome qui soit à classer dans la même catégorie. Parce que la majorité de ses autres adversaires ne viennent pas sur le Tour chaque année, or c’est là qu’il y a le plus de pression de le part des médias, du public (surtout pour un Français, ou bien un mastodonte comme Froome), le plus de sollicitations, la plus grande visibilité, etc.
A parcours et adversité similaires, ce sera toujours plus dur de performer sur le Tour que sur le Giro ou la Vuelta.