Il y a encore quelques années, les Français étaient invisibles sur les grandes classiques du calendrier. Mais depuis l’avènement d’Alaphilippe, c’est toute une génération qui s’est mis en tête d’y briller. Aujourd’hui, le peloton français a deux monuments au compteur et peut espérer tous les remporter, dans un futur proche.

Une nation qui compte

Début 2016. La France sait pouvoir compter sur une génération prometteuse, dont certains ont déjà prouvé pas mal de choses sur les grands tours, notamment. Mais sur les classiques, le vide perdure. Pas un français n’a remporté de monument depuis Laurent Jalabert, en 1997. Bientôt vingt ans de disette. Arnaud Démare, sur Milan-Sanremo, y met fin. C’est l’évènement. Mais aussi le début d’un nouveau cycle. Depuis, la France a appris à peser sur les plus grandes classiques du continent. Julian Alaphilippe est devenu une référence, Romain Bardet ne cache plus son amour des courses d’un jour et ce week-end, Thibaut Pinot à son tour a accroché un monument à son palmarès. Ce n’est que le deuxième en vingt-et-un an, ce qui n’est toujours pas beaucoup, mais les perspectives sont bien différentes désormais. Avec ces leaders tricolores, la victoire devient envisageable sur à peu près toutes les grandes classiques. Une petite révolution dans le monde du vélo français.

Prenons ainsi cette saison. Vingt courses d’un jour font partie du World Tour. Sur huit d’entre elles, un Français au moins est monté sur le podium : seule la Belgique fait mieux (11 fois), et l’Italie fait aussi bien. Dans le lot, il y a au passage trois victoires, dont un monument (la Flèche Wallonne et la Clasica San Sebastian pour Alaphilippe, le Tour de Lombardie pour Pinot). Reste alors douze courses. Régulièrement, même sans podium, un Tricolore est entré dans les dix premiers. Mais il y a aussi sept « échecs », où les Bleus sont passés au travers. En revanche, à regarder dans le détail, on note que certaines courses sont les moins prestigieuses du calendrier World Tour : la Cadel Evans Road Race du mois de janvier, A Travers la Flandre, nouvelle venue à cet échelon, le GP de Francfort ou celui de Montréal. Des courses où on n’attendait qu’à moitié les Français. Il n’y a en réalité « que » trois faux-pas, intervenus au printemps sur les flandriennes, lors du GP E3, du Tour des Flandres et de Paris-Roubaix.

Nouveaux horizons

Ce n’est pas vraiment une surprise, parce que c’est sur ce terrain que le vivier tricolore est le moins dense. Arnaud Démare rêve de ces classiques pavées mais se sait encore un peu juste, surtout cette saison où il a longtemps couru après sa forme optimale. Et derrière lui, personne ne peut vraiment le suppléer, là où Bardet et Pinot jouent régulièrement dans la même cour qu’Alaphilippe. Il n’y a qu’à voir le dernier Tour de Lombardie : quand Alaphilippe et Bardet, dans le top 5 des deux dernières éditions, sont à la maison ou hors du coup, c’est Pinot qui s’impose. Pour 2019 et même après, ce sera donc encore sur les flandriennes que les Bleus auront un cap à franchir, alors qu’on imagine de plus en plus un français s’imposer sur Liège-Bastogne-Liège.

Mais c’est déjà un énorme pas en avant. Quand la Belgique, amoureuse des classiques, est dans une autre catégorie, et que l’Italie compte presque exclusivement sur son duo Nibali-Viviani, plus tout jeune, la France se taille une part importante du gâteau. Avec quatre leaders qui ont tous entre 26 et 28 ans, auxquels peuvent s’ajouter d’un moment à l’autre des coureurs comme Barguil ou Bouhanni, la densité est telle que sur chaque grande classique du calendrier, désormais, on peut espérer voir un français passer la ligne en vainqueur. Quelques années après avoir apposé sa patte sur les grands tours, notamment avec le duo Bardet-Pinot, trois podiums sur le Tour à eux deux, cette génération a toutes les raisons d’élargir ses ambitions et de voir sur les courses d’un jour l’occasion parfaite de sortir des schémas préétablis qui rythment trop souvent les épreuves de trois semaines. Ça tombe bien, l’offensive et le panache, c’est sans doute ce qui caractérise le mieux ces garçons-là.

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