Dernier espoir en lice des maillots violets d’Education First sur le Tour d’Espagne après les abandons de Rigoberto Uran et Hugh Carthy, Sergio Higuita s’accroche coûte que coûte à son rêve, celui de finir son premier grand tour. Malgré les douleurs, ce serait un juste accomplissement, tant le garçon marque les esprits depuis le mois de février.
Une ascension impulsive, à son propre rythme
L’incroyable profusion de qualité qui caractérise la nouvelle génération colombienne ne manque plus d’être unanimement saluée par les observateurs, et ce peu importe les filières de détection. Né en 1997 dans le barrio de la Castilla, à Medellin, Sergio Higuita n’a pas été approché par Gianni Savio, l’homme qui fit grimper Egan Bernal et Ivan Sosa vers les étoiles du World Tour en les repérant dès leur adolescence. Sa trajectoire est plutôt celle d’un jeune enfant épris de vélo, redevable des petites équipes continentales du pays.
Fasciné par la tenue d’un critérium annuel pour enfants dans sa ville natale, organisé par l’un des journaux medellinien, « El Mundo », ce « paisa » voulut la disputer à l’âge de six ans, poussé par son prof de sport. Il ne l’a ensuite plus jamais abandonné jusqu’à ses treize printemps, moment symbolique qui l’entraîna vers les autres épreuves du circuit amateur régional. Comme il l’explique aux journalistes de Marca qui s’interrogeaient, au mois de janvier dernier, sur cet intriguant sud-américain, Higuita avait l’habitude d’enchaîner les courses plutôt plates, avant de se consacrer entièrement aux ascensions et aux enchaînements montagneux.
Celui qui se qualifie de combatif et de persévérant, à l’image de ses petits camarades qui accumulent les efforts en altitude pour faire des aller-retours depuis leur domicile, ne manque jamais de rappeler son origine familiale modeste et les faibles revenus de ses parents. Il rigole même des moqueries d’antan de ses copains, lorsqu’une fois à l’attaque, il était incapable d’enlever une énorme veste que ses parents lui avaient confiés pour disputer une course sous la pluie. Poli et d’une extrême générosité, le jeune Higuita signe donc en 2016 un contrat de trois ans dans l’équipe Manzana Postobon, régulièrement inscrite aux courses du calendrier espagnol. C’est donc déjà sous une tunique mauve qu’il terminera meilleur grimpeur du Tour des Asturies, dans les dix premiers de la Klasika Primavera, ou qu’il s’adjugera une étape de son tour national.
Adoubé du Pays Basque à la Californie
À l’heure où les talents des Amériques valent très cher, on comprend aisément que Jonathan Vaughters n’ait eu aucune envie de louper le garçon. Si les contacts entre les deux hommes se sont noués assez spontanément, Higuita s’est décidé à rejoindre Education First pour la mentalité familiale qu’il ne voyait pas ailleurs, bien qu’il n’ait jamais dévoilé le nom des autres équipes intéressées. Mais pour lui, il n’était pas question de démarrer avec une écurie du World Tour dès le mois de janvier au Tour Down Under. S’il n’a jamais souhaité passer plusieurs années en seconde division pour mûrir ses objectifs, il a impérativement demandé à pouvoir acquérir du rythme et de la confiance sur les épreuves inférieures pour être physiquement au top lorsqu’on lui demandera de sauter dans le grand bain.
Quoi de mieux pour ça qu’être soutenu directement par Mikel Landa, président de la Fundacion Euskadi, qui voit en lui l’un des grands talents de demain ? Au terme de négociations efficaces pendant qu’Higuita courait en Chine, les trois parties se mettent d’accord pour un prêt de six mois au Pays Basque, censé l’installer dans les meilleures dispositions pour la seconde partie de saison. Là encore, tout s’est parfaitement déroulé, comme le rappelle son nouveau manager général : « Sergio possède un talent exceptionnel. Il n’a quasiment jamais quitté les podiums sur toutes les courses disputées comportant des ascensions. » Placé sur les trophées majorquains, septième de la Ruta del Sol, troisième du trophée Miguel Indurain et quatrième de la Klasika Primavera, Higuita s’est payé des coureurs de la trempe d’Herrada, Wellens, Teuns, Pogacar, Majka, Spilak, et a parfois rivalisé avec un Valverde moins imbattable que par le passé.
Deuxième du Tour de Californie pour sa première sortie en World Tour avec ses nouvelles couleurs, il a récemment pris la quatrième place du Tour de Pologne. Une régularité sans pareil à cet âge qui détonne, et qui aurait pu faire des miracles sur la Vuelta si tout le collectif d’Education First n’avait pas été décimé sur chute. Dix-neuvième du général et pointé à six minutes de son compatriote Miguel Angel Lopez, Higuita va devoir récupérer au plus vite pour affronter les difficultés de la deuxième et troisième semaine, à condition que son corps lui permette. Tombé deux jours de suite en première semaine, celui qui est désormais entraîné par Luis Fernando Saldarriaga comme le furent Quintana et Chaves en leurs temps doit se remobiliser autour de l’essentiel et retrouver le moral. En aucun cas, cette Vuelta ne devra effacer les bons souvenirs de 2019, année qui l’a vu changer de dimension. L’avenir nous hâte.