Peu en vue dans les grandes épreuves où il était désigné comme le leader de sa formation, Fernando Gaviria s’est un petit peu rassuré ce lundi en remportant la troisième étape du Giro. Mais que ce bouquet sur tapis vert ne trompe personne. Avant toute chose, le Colombien a noté qu’il aura fort à faire face à des sprinteurs plus rapides que lui, pour le moment.

Ne pas se dérober

En 2018, Gaviria grimpait au sommet du sprint mondial avec deux victoires d’étape sur le Tour de France, accompagnées du port du maillot jaune. Début 2019, en Argentine, Gaviria avait parfaitement entamé son début de saison avec deux nouvelles victoires. Il n’en avait cependant célébré aucune. «C’est une question de respect pour mon ancienne équipe, soulignait-il dans L’Équipe. Julian (Alaphilippe), Maxi (Richeze), Alvaro (Hodeg) sont mes anciens coéquipiers. Ces gars-là sont comme une famille pour moi. J’ai vécu beaucoup de belles choses avec eux. En ce début de saison, je ne veux pas trop démontrer ma joie. » Bien qu’il dominait ses rivaux dans l’exercice de rapidité, le Colombien n’était pas pour autant l’unique coureur protégé de la Quick-Step. Un rôle qu’il semble avoir du mal à appréhender dans sa nouvelle équipe. « Nous sommes amis et c’est un grand coureur. Je ne suis pas triste que Viviani me batte, c’est la vie, c’est le sport ». disait-il à l’occasion du Tour des Émirats lorsqu’il avait été devancé par son ancien collègue. Celui qui avait ramené le maillot cyclamen à Milan en 2017 devra se fâcher un peu plus à l’avenir et prendre conscience d’un statut qu’il a étrenné peut-être trop rapidement à son goût. La victoire est impérative, encore plus sur le Giro, pour l’ancienne équipe Lampre.

Les responsabilités sont accrues et le Sud-Américain ne peut se cacher derrière une autre star capable de le soulager en matière de résultats. UAE-Emirates comptabilise seulement quatre victoires en World Tour depuis le Tour Down Under, dont deux désormais à l’actif du seul Gaviria. Ces statistiques sont bien parties pour augmenter, mais c’était encore insuffisant au moment d’aborder le Giro. La marge de manœuvre est donc réduite, et le jeune coureur de 24 ans doit endosser le rôle de moteur au sein de son équipe. Il faut assumer, et seul. « La proposition d’UAE, qui est de me placer au centre de leur projet lors de ces prochaines années, me plaisait trop pour que je ne l’accepte pas », expliquait-il à L’Équipe. En concurrence avec Alexander Kristoff dans certains finals, l’équipe a pourtant été très claire sur le comportement à adopter. On voyait ainsi le Norvégien travailler pour son coéquipier sur les routes de l’UAE Tour, et le nouveau venu lui rendre la pareille sur Gand-Wevelgem. Cela semble naturel, étant donnée la courbe de progression divergente entre ces deux coureurs. Néanmoins lors des classiques, la résurgence du Scandinave a pu laisser planer quelques doutes.

Un duel face à son meilleur ennemi ?

Qu’il doit vite dissiper. Sur le Tour d’Italie, son adversaire principal est auréolé du maillot tricolore de champion national, en l’occurrence Elia Viviani. Si tous les deux comptent doubler Giro et Tour, le champion olympique de l’omnium doit prouver qu’il a les épaules pour continuer à dominer le sprint mondial, peu importe sa tunique. D’autant plus que le parcours des deux premières semaines lui sied à merveille. Ses bonnes performances sur San Remo ces dernières années montrent qu’il a la caisse et ainsi la capacité à passer les étapes avec des bosses sur le parcours. Sur ce Tour d’Italie, les profils du genre seront nombreux. Alors, à lui de montrer qu’il est capable de ne pas attendre les derniers hectomètres de course pour façonner sa victoire. Un peu à la manière d’un Sagan sur le Tour de France. Car de son côté, son concurrent transalpin aura à cœur de prouver que le choix de faire le Giro l’an dernier n’était en rien un aveu de faiblesse face à son cadet colombien. Qu’être le sprinter désigné pour rester dans la formation belge était la bonne.

« Quand j’ai appris que Fernando allait partir, ma première pensée a été que j’avais maintenant un autre rival à battre », disait-il avant de commencer la saison. Seulement, attention à ne pas se neutraliser en voulant absolument se battre l’un l’autre. Le but n’est pas de dominer l’autre, mais de dominer tous les autres. Ce qu’a parfaitement compris Viviani. « Nous devons nous méfier que notre lutte avec Gaviria n’aide pas quelqu’un d’autre à gagner », relevait-il sur Cycling News. En fait, c’est exactement ce qui s’est passé dimanche, à Fucecchio. Viviani, trop concentré sur le démarrage de Gaviria, s’était fait surprendre par Ackermann. Le Colombien, lui, n’avait pas les jambes. Et aujourd’hui, pour mieux le distancer, il n’a pas pu se priver d’un écart qui aurait pu faire chuter Matteo Moschetti, l’invité surprise de chez Trek. Sur le premier sprint de Gaviria, lui, n’avait pas les jambes. Un signe qui ne l’avait pas mis en confiance, lui qui en manque quelque peu. Ce n’est pas une victoire sur tapis vert, ce lundi, qui va totalement rassurer.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.