Un Patrick Lefevere qui doit réduire la masse salariale de l’équipe Quick-Step, un Fernando Gaviria visiblement pas très enclin à diminuer ses émoluments, c’est tout ce qu’il fallait pour que l’un des meilleurs sprinteurs du monde fonce tête baissée chez UAE Emirates. Un choix où tout le monde pourrait s’avérer perdant.

Questions de sous

Quand on se plonge dans la réalité économique, cette histoire devient, si ce n’est logique, un minimum compréhensible. Quick-Step a décidé de réduire son implication en tant que partenaire de Patrick Lefevere, et ne souhaite assurer qu’un rôle se second sponsor – au moins pour les trois prochaines années. Sauf que le manager belge n’a pas encore trouvé quelqu’un susceptible de les remplacer comme tête de gondole, et forcément, dans l’état actuel, des économies s’imposent. Le budget estimé à dix-huit millions d’euros, cette année, serait revu à la baisse, et dans ce nouveau cadre, le salaire de Fernando Gaviria, environ deux millions d’euros annuels, représente un vrai casse-tête. Mais n’y avait-il pas une autre solution que de laisser filer un telle pépite chez UAE Emirates, comme le rapporte ce vendredi la Gazzetta dello Sport ?

Le choix, en tout cas, n’apparaît pas comme le plus judicieux. Les arguments sont nombreux et reviennent faire la liste des qualités du Colombien. Mais allons-y. D’abord, s’il a moins gagné cette année que l’autre sprinteur maison, Elia Viviani, il l’a fait où c’était le plus important : sur le Tour. Il a aussi le potentiel pour remporter de grandes classiques d’un jour, Milan-Sanremo en tête, alors que son coéquipier italien paraît bien plus limité. Enfin, plus jeune de cinq ans, Gaviria était une valeur sûre pour pas mal d’années, une machine à gagner difficile à stopper, qui a su devenir une terreur du sprint en moins de deux ans chez Quick-Step et qui a toutes les cartes en main pour devenir le maître de la discipline des prochaines années. Patrick Lefevere aurait donc dû avoir la lucidité de se rendre compte que sa pépite n’était pas l’élément à sacrifier pour équilibrer les comptes.

Le mauvais choix pour tout le monde ?

Parce que le choix de laisser filer Gaviria n’est qu’une solution à très court terme. Se séparer de l’un de ses meilleurs éléments, sûrement le plus « bankable » après Julian Alaphilippe, limite les possibilités d’attirer justement ce sponsor manquant. Garder le Colombien aurait sans doute demandé un effort important, mais cela aurait permis d’articuler l’équipe autour de deux leaders jeunes et capables, à eux deux, de briller sur toutes les courses du calendrier. Cette possibilité est envolée, et ni le vétéran Gilbert, ni le discret Viviani ne seront des moteurs pour attirer de nouveaux sponsors, que ce soit en vue de 2019 ou plus tard. Dans cette histoire, le seul heureux semble donc être Fernando Gaviria. Du moins pour l’instant. Car s’il devrait courir pour un salaire similaire du côté d’UAE Emirates, rien ne dit qu’il aura la même réussite sportive.

Le dernier sprinteur à avoir quitté Quick-Step, à savoir Marcel Kittel l’hiver dernier, s’est cassé les dents chez Katusha avec une saison catastrophique. Et Alexander Kristoff, le dernier à avoir rejoint l’équipe émiratie, cherche encore à retrouver le niveau qui avait fait de lui un épouvantail il y a quelques années. Gaviria, lui, n’a sans doute eu que peu de choix. A cette période de l’année, peu de formations ont encore les moyens de faire de la place pour un aussi gros salaire que lui. Mais qu’il ait pris cette décision par défaut ou non ne change rien, elle pourrait lui coûter cher. Il ne bénéficiera pas chez UAE du même collectif pour l’emmener dans les sprints, encore moins pour l’accompagner sur les classiques qu’il apprécie tant. Dans quelques mois, ce transfert pourrait donc rester dans les têtes comme un deal où tout le monde a beaucoup perdu, et où personne n’a gagné.

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