Quand on évoque les succès de Fernando Gaviria, impossible de passer à côté de Maximiliano Richeze, le poisson-pilote argentin qui a sa part dans les victoires du Colombien, depuis deux ans. L’abandon du premier maillot jaune du Tour en revanche pourrait l’inspirer sur les prochaines étapes. Problème, ce n’est pas vraiment le genre du garçon, pleinement épanoui dans son rôle.
De l’assurance dans un monde de brutes
Frottements, vitesse déraisonnable dans les ultimes courbes, échange d’amabilités (in)contrôlées, le sprint équivaut à une boîte de nuit où les videurs décident des invités. Les professionnels de sécurité du quotidien seraient alors les poissons-pilotes, qui tentent de dégager le boulevard vers la victoire d’étape au service d’un coéquipier. Si les favoris osent de plus en plus jouer des coudes dans les dix derniers kilomètres, c’est bien dans les trois dernières bornes que le ménage s’effectue. Et ça, Richeze sait faire. « Max n’a pas peur dans le sprint de prendre des risques, de frotter, dit Tom Steels, directeur sportif de Quick-Step et nonuple vainqueur d’étape sur le Tour. Les gens comme lui doivent prendre les mêmes risques que les sprinteurs. »
« El Atomico » Richeze, voilà comment est surnommé ce « porteño », terme qui désigne les habitants de la capitale argentine. Si ses démarrages servent de mise sur orbite, son tempérament, lui, ne lâche pas de bombes. « Max, c’est quelqu’un qui respecte les consignes, se rappelle Philippe Mauduit, qui l’avait eu sous ses ordres chez Lampre lors de la saison 2015. Quelqu’un de humble, de bien éduqué, de jovial. Avec lui, les choses se font encore plus naturellement qu’avec d’autres. » D’apparence très discrèt, celui qui en est à sa douzième saison professionnelle s’est trouvé une nouvelle maison, après avoir été biberonné en Italie, terre d’origine d’une grande proportion de la population argentine. Assigné auprès d’un Gaviria supersonique, Richeze est un vecteur de confiance.
« Max a de l’expérience et reste toujours calme, ajoute Steels. Alors pour un jeune sprinteur comme Fernando, ce n’est pas mal du tout. […] Il a une intelligence particulière pour le sprint qui nous est très importante. Un peu comme Sabatini. » « C’est facile d’être tous les jours à ses côtés car c’est quelqu’un de tranquille à vivre, confirme le Colombien. Je le côtoie à l’hôtel, alors c’est bien plus simple pour travailler ensemble. Étant tous les deux sud-américains, nous avons plus ou moins les mêmes habitudes de vie. Et on tombe tout le temps d’accord ! »
Converti à l’efficacité
Un équipier modèle, donc. Celui qui est venu au sport par le foot et les Superclasicos de Buenos Aires, où il supportait River Plate, a pourtant rapidement été considéré comme un pur sprinteur. Suite au contrôle positif d’Alessandro Petacchi, il a même récupéré deux étapes du Giro 2007. Mais un an plus tard, il a subi le même sort sur le Circuit de la Sarthe, avant de revenir doucement après deux ans de suspension. Encore hésitant du côté de chez Lampre, ses quelques sprints lancés pour Sacha Modolo tapent dans l’œil de Davide Bramati, directeur sportif de Quick-Step, qui lui propose un contrat pour intégrer le train de Marcel Kittel. « Quand il est arrivé à la Quick-Step, nous savions que ce serait un excellent dernier homme dans le train du sprint », explique l’Italien.
Une mue psychologique bien complétée, puisque Richeze a fait une croix sur les victoires. « C’est un coureur réaliste, analyse Mauduit. Il sait que c’est difficile de faire un sprint contre Gaviria ou Groenewegen. Il ne peut gagner que si ça arrive en plus petit comité. […] C’est un peu le même profil que Roberto (Ferrari, ndlr), qui souvent faisait le travail pour Max, bossant lui même pour Modolo. » Être modeste est une qualité précieuse, mais dans l’univers de la dernière ligne droite, mieux vaut être trop que pas assez confiant. L’Argentin tente de trouver le juste milieu. Mais comment va-t-il aborder cette dernière semaine sans Gaviria ? Et la frustration ne ressort-elle pas à un moment ou à un autre, à force de regarder les autres gagner ?
« Max, c’est sûr qu’il fait 80 % des courses pour un autre, mais chaque année, il en gagne un ou deux, relève Tom Steels. Et ça lui fait très plaisir que Fernando gagne, ce n’est pas son objectif d’aller jouer un résultat personnel. » « Sur les courses en Argentine en début de saison, j’ai la possibilité de jouer ma carte, mais je suis chez Quick Step pour aider Fernando à gagner. Je suis heureux comme ça », martèle Richeze. Dans les jours à venir, pourtant, le garçon devrait avoir sa chance. « Après avoir récupéré de la montagne, il essayera sûrement de faire un petit quelque chose », dit Bramati. L’Argentin sera, avec Yves Lampaert, l’une des deux cartes de Quick-Step sur les derniers sprints de ce Tour. Le rendez-vous est pris pour une grande première sur le sol français.