Il y a un an, Christopher Froome était englué dans l’affaire du salbutamol, la pire période de sa carrière. La situation actuelle n’est pas comparable, mais le début de saison du Britannique n’est pas de tout repos, entre la guerre des mots avec Geraint Thomas, la question du sponsoring de Sky et les années qui passent.
Un statut en danger
Avec un peu de lucidité, Froomey doit se dire que ses quelques galères actuelles ne valent pas grand chose face à celles d’il y a un an, lorsqu’il faisait sa reprise dans un climat très particulier au Tour d’Andalousie. Pourtant, ces dernières semaines, tout n’est pas si simple pour le quadruple vainqueur du Tour, qui a connu des hivers plus tranquilles. La fin du sponsoring de Sky, fin 2019, laisse planer beaucoup de doutes sur le futur de l’équipe, même si lui la joue serein, pour l’instant. « Ça ne m’a pas traversé l’esprit d’aller voir ailleurs, honnêtement », assurait-il récemment à Cyclingnews. Le garçon fait confiance aux dirigeants pour trouver un repreneur, ne s’attarde pas sur les rumeurs qui ont jalonné ces derniers mois : du moins c’est l’image qu’il veut renvoyer. Celle d’un leader qui garde son sang-froid. Même si au fond, dans ce dossier, c’est la suite de la carrière de Froome qui se joue. Avec un salaire annuel à plus de cinq millions d’euros à bientôt 34 ans, un nouveau sponsor, probablement moins riche, se posera sûrement la question de le garder ou non.
Mais la philosophie maison veut qu’on ne s’inquiète jamais vraiment, chez Sky, et Chris Froome a toujours su montrer la voie. En course, y compris lorsqu’il était mal embarqué sur le dernier Tour d’Italie, mais aussi en dehors à chaque fois qu’une affaire extra-sportive a touché l’équipe britannique, le patron était là, comme main dans la main avec Dave Brailsford, pour tracer la ligne à suivre. Et que personne ne tente de sortir du rang. On ne fonctionne pas comme ça, chez les Brits. Sauf que depuis quelques semaines, un Gallois a comme décidé de mettre le bazar chez les Anglais. Geraint Thomas a le statut pour : en juillet dernier, il remportait le Tour de France et s’octroyait de nouveaux droits, en interne. Il y a encore quelques années, il n’aurait pas moufté. Mais depuis l’hiver dernier, opportuniste, il saisit la moindre opportunité. Son leader empêtré dans une affaire de dopage, il se plaçait pour viser le maillot jaune. Et désormais, il veut – logiquement – défendre son titre en pleine possession de ses moyens.
Le début d’une guerre interne
En clair, Thomas veut tout miser sur le mois de juillet. La Sky ne semblait pas d’accord, il était question de Giro et Froome voyait d’un très bon œil que son coéquipier et rival aille cramer son énergie sur les routes italiennes du mois de mai. « Geraint a un compte à régler (avec le Giro) après la chute qui lui a coûté le maillot rose il y a deux ans, glissait ainsi Froome il y a quelques semaines. Et le parcours est parfait pour lui. » Sourire jusqu’aux oreilles, le Kenyan d’origine devait déjà se voir rendre la pareille au Gallois sur les routes du Tour : lui frais, son coéquipier beaucoup moins, la hiérarchie redeviendrait celle qu’elle a toujours été. Sauf que Thomas ne lâche rien : à la BBC puis à Cyclingnews, il a expliqué qu’il ne serait pas au départ de Bologne. Dave Brailsford et la Sky n’ont pas apprécié la sortie inattendue de leur coureur et travaillent sans doute à arrondir les angles, en interne, sans que l’on puisse pronostiquer l’issue des tractations.
Froome, en attendant, trace sa route. Un peu plus escarpée qu’à l’habitude. Après une reprise plus que discrète en Colombie, quand d’autres se tiraient déjà la bourre à la moindre bosse, il a préféré ne pas aller sur l’UAE Tour, initialement prévu à son programme. Trop fatigué, dit-il, par l’entraînement plus que par les jours de course, on imagine. Ce n’est pas habituel pour lui, si bien rodé. D’ailleurs, quand il parle du mois de juillet et d’un potentiel cinquième maillot jaune, c’est d’expérience, aussi bien sur le Tour que dans la phase d’approche, et de connaissance du terrain qu’il est question. « Mais ça ne devient pas plus facile à chaque fois », reconnaît malgré tout Froomey, conscient qu’à 34 ans l’été prochain, il pourrait devenir le plus vieux vainqueur du Tour d’après-guerre, à égalité avec Cadel Evans, en même temps qu’il entrerait dans le club d’Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain. Alors les dernières années nous ont apprises à ne jamais sous-estimer le bonhomme, même lorsque sa préparation ne paraît pas idéale. Mais Froome est sans doute un peu moins souverain, chez Sky, qu’il a pu l’être.
La seule véritable indication quant à sa capacité à gagner une nouvelle fois le Tour, ce sera sans aucun doute le Critérium du Dauphiné.
Et encore, il est capable de retourner un grand tour sur une étape de dernière semaine sans avoir fait de prouesses avant.
Pour cela, il faut un parcours propice. Le Giro 2018 était constitué de façon à ce que l’étape du Finestre permette tous les renversements imaginables (que des courses de côtes avant à a part l’étape de Sappada, col le plus difficile du monde, ou pas loin, placé au centre de l’avant dernière étape de montagne : il était évident que c’était ce jour-là que tout se jouerait, même si le scénario a dépassé les attentes). Je ne vois pas de Grand Tour de 2019 offrant pareille perspective.
C’était plutôt une façon de dire que Froome peut très bien traverser la saison en fantôme et renverser la table le jour J.
C’est vrai. Mais on oublie un peu vite qu’avant son numéro ce jour-là, il avait déjà gagné au Zoncolan. Ceci étant, vous avez raison de souligner que depuis 2015, ses débuts de saisons sont assez fantomatiques, ce qui ne l’a jamais empêché de performer à chaque fois sur ses vrais objectifs.