Pour définir le titre de meilleur sprinteur de l’année 2019, deux méthodes s’offraient à nous. Soit récompenser le plus prolifique d’entre-eux, ou bien distinguer les victoires les plus prestigieuses qui classent un coureur dans cette discipline si singulière où un triomphe sur les Champs-Elysées en juillet fait date. Victorieux justement sur la plus grande avenue du monde, Caleb Ewan avait alors fait le plus gros du boulot.
Réglé pour les grands tours
Au moment d’entamer sa cinquième saison professionnelle, l’Australien de poche disposait déjà d’une certaine expérience des grands rendez-vous, après avoir disputé la Vuelta en 2015 puis le Giro les deux années suivantes, décrochant au passage quelques étapes. Connaisseur des courses d’une semaine et des classiques, dont Milan-Sanremo, le besoin était venu de quitter la formation Mitchelton-Scott, axée autour des frères Yates, pour exprimer la pleine mesure de son talent ailleurs. Annoncé en grande pompe chez les Belges de Lotto-Soudal pour remplacer André Greipel et ses 156 victoires en carrière, Ewan ne s’est pas dérobé. Monté progressivement en puissance sur le Tour des Émirats et au Tour de Turquie, « Rocketman » a rempli son contrat durant le Giro, en s’adjugeant deux bouquets devant Elia Viviani – sprinteur de l’année 2018 –, Arnaud Démare ou encore l’étoile montante du sprint allemand et futur maillot cyclamen, Pascal Ackermann.
Sans doute soulagé après avoir brillamment réussi son mois de mai, il s’est très vite remobilisé pour accomplir son grand rêve, à savoir disputer et voir l’arrivée du Tour de France. Une chose qui lui était refusée dans sa précédente écurie. Moins sous pression qu’un Elia Viviani frustré de ne pas avoir levé les bras sur ses routes nationales, Ewan a laissé passer l’orage des Jumbo-Visma en première semaine et pris la mesure de Dylan Groenewegen à Toulouse. En état de grâce, le sprint nîmois ne pouvait lui échapper, et c’est avec autorité qu’il mata encore le Néerlandais et le maillot vert Peter Sagan sur les Champs-Elysées pour conclure en beauté. Avec trois bouquets, Ewan fait certes moins bien qu’un Kittel en 2017, mais la hiérarchie du sprint n’est plus vraiment la même. Contrairement à l’ère des Cavendish et Greipel dont le néo-retraité semblait l’héritier, plus personne n’écrase les sprints, et le paquet de tête s’est considérablement resserré.
Un besoin de confirmation
Avec dix victoires en 2019 dont la moitié obtenues sur trois semaines, Ewan est sans doute celui qui obtient le meilleur ratio quantité-qualité parmi les coureurs les plus victorieux de 2019. Dylan Groenewegen s’est essoufflé à mi-saison et fut éclipsé par ses coéquipiers sur le Tour, tandis que Sam Bennett n’a toujours pas obtenu le droit de disputer ce statut sur la plus grande épreuve cycliste du monde. Le duel entre l’Australien et l’Irlandais promet déjà pour 2020, mais avant cela, Ewan a d’abord besoin d’amplifier sa propre dynamique afin de s’installer durablement comme le patron des dernières lignes droites. Deuxième de la Primavera en 2018 derrière Vincenzo Nibali, celui qui n’a remporté que la classique d’Hambourg comme grande course d’un jour aura à cœur de faire mieux au printemps, notamment. Prodige autrefois critiqué pour ses faiblesses récurrentes dans les grands rendez-vous, il devra également faire preuve de caractère pour partager correctement la route avec John Degenkolb et Philippe Gilbert, entre autre sur les classiques.
Capable d’enchaîner correctement le Giro et le Tour de France lors de son premier doublé, son programme de courses ne devrait pas radicalement évoluer, et le voilà reparti en quête d’une nouvelle moisson de victoires sur les deux premiers Grands Tours de l’année. Si le parcours du Tour n’est guère favorable aux hommes rapides, celui du Giro pourrait une fois de plus davantage lui convenir. Et pourquoi pas en allant au bout, si possible ? On surveillera avec attention l’éventuel franchissement d’un nouveau cap, s’il venait à gravir toutes les difficultés du morceau transalpin, concentrées en dernière semaine. Le cas échéant, la tunique cyclamen du classement par points serait accessible, quand le maillot vert français semble dévolu au triple champion du monde Peter Sagan. Le Slovaque participera justement au 103ème Tour d’Italie, avec l’ambition de porter le maillot rose, mais ne devrait pas rallier Milan pour autant. Signe que les planètes sont peut-être alignées pour Ewan, qui tentera d’éviter l’échec au lendemain de la gloire, destin devenu coutumier chez bon nombre de ses petits camarades.
Le classement de cyclingnews est très intéressant, et montre bien que le monde du sprint cette année a été dominé par cinq coureurs (dans l’ordre du classement, Ewan, Viviani, Ackermann, Bennett et Groenewegen). Ackermann est sur le podium du classement, mais pas chez vous (tout comme Viviani d’ailleurs). Je suis d’accord avec vous sur le cas de l’allemand, car s’il a beaucoup gagné, la plupart de ses victoires ont été obtenues sur des courses où il était le seul de ses cinq hommes rapides.
Le lien de l’article : https://www.cyclingnews.com/features/ranking-the-top-10-sprinters-of-2019/