Samedi, au soir de l’étape de Montevergine, Simon Yates avait souligné les deux conditions sine qua non pour amener son maillot rose à Rome : « Il faut une bonne équipe et un peu de chance. La première, nous l’avons. » Vainqueur hier, trois jours après son coup de force à l’Etna, Simon Yates peut laisser son flegme dévoiler son ambition. Oui, il a l’entourage d’un lauréat du Giro.

Une équipe très bien construite

Mitchelton-Scott, anciennement Orica, n’a jamais gagné de grand tour. Il y a à peine trois ans, en 2015, l’équipe australienne était même loin de figurer parmi les grosses écuries du peloton sur trois semaines. C’est bien simple, jusqu’à la cinquième place d’Esteban Chaves sur la Vuelta cette année là, l’équipe n’avait jamais placé un coureur dans le top 10 d’un grand tour. Une question d’ADN ? Plutôt de génération. Car depuis, portée par le jeune trio exceptionnel qu’elle charrie, la formation est pratiquement devenue une incontournable des tableaux d’honneur. Deuxième sur le Giro avec Chaves, quatrième du Tour avec Adam Yates, troisième et sixième de la Vuelta avec Chaves et Simon Yates, l’équipe a brillé en 2016. Plus en retrait l’an passé, la faute à aux pépins physiques et surtout moraux de son colombien, l’équipe a néanmoins réussi à exister. Adam, neuvième en Italie et Simon, septième dans l’Hexagone, ont ainsi sauvé une année moribonde pour le projet à long terme de leur formation.

Ainsi, Shayne Bannan n’a pas hésité à recruter depuis deux ans pour entourer ses jeunes leaders. À Roman Kreuziger, ancien lieutenant de luxe d’Alberto Contador débarqué l’an passé, il a cette saison ajouté Mikel Nieve, membre essentiel de la garde prétorienne de Froome. Si le Tchèque et le Basque ne sont plus les grimpeurs qu’ils ont été, ils restent deux hommes d’expérience, rompus aux quêtes de graals. Et il semblerait que le pari de Bannan fonctionne puisqu’ils forment avec le talentueux Jack Haig, sur ce début de Giro, un vrai trio de soldats décisif en montagne. Il paraît difficile de penser que l’équipe pourra cadenasser la course à la manière de Sky ces dernières années, mais elle a déjà prouvé qu’elle était capable de contenir les mouvements. S’il n’y a pas eu d’offensives d’envergure ce week-end, c’était en partie dû au contrôle des Mitchelton-Scott. Mis à part Astana, dont le leader, Miguel Angel Lopez, est déjà assez loin au classement, aucune autre équipe ne semble faire le poids. Même les lieutenants d’élites comme Oomen ou Reichenbach subissent la loi australienne.

Chaves en homme de main

Épaulés dans les parties moins escarpées par des coureurs de devoir comme Svein Tuft, les jeunes loups de Mitchelton-Scott sont prêts à bondir au moment de faire les différences. Pour l’instant, c’est Simon Yates qui en profite sur ce Giro. Dans une forme époustouflante, le Britannique de 25 ans porte haut son maillot rose et détient le leadership de l’équipe. L’entente avec son partenaire colombien Chaves semble plutôt bonne et Yates a parfaitement su user de psychologie en lui cédant la victoire à l’Etna. Mais si la formation australienne pouvait se targuer d’avoir deux hommes sur le podium ce matin, la défaillance du Colombien sur l’étape du jour en fait désormais un lieutenant de très grand luxe pour le meilleur jeune du dernier Tour de France.

Il n’y a désormais plus à tergiverser, le leader s’appelle Simon Yates. Chaves va donc se muer en équipier et son appui ne sera pas de trop pour le maillot rose, lucide sur ce qu’il doit faire à présent. « Dumoulin est incroyablement fort et il est difficile de lui prendre du temps, prévenait Yates à Cyclingnews ce week-end. Or, j’aurai besoin d’avoir plusieurs minutes d’avance avant le contre la montre (de la 16e étape, ndlr) et pour l’instant je n’ai que 38 secondes. Ce n’est pas assez, nous devrons être agressifs pour gagner plus de temps d’ici là. » L’utilisation du « nous » n’a ici rien de fortuit, Simon Yates sait que pour gagner, il aura besoin de son équipe. Et à partir de ce soir, il est certain de pouvoir compter sur l’aide du Colombien, qui pourrait s’avérer précieuse.

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