Juste avant d’entamer 2017, fin décembre, l’UCI a décidé de réformer ses classements. L’instance dirigeante du cyclisme s’est librement inspirée de l’ATP et de la WTA, les associations tennistiques, pour donner plus d’intérêt à la course aux points. Si la transposition d’un modèle qui a fait ses preuves apporte plus de cohérence, pas sûr que l’enjeu sportif suive.

Une meilleure lecture

Pas besoin d’une longue démonstration pour le prouver. La lutte pour la première place du dernier classement ATP entre Andy Murray et Novak Djokovic a eu plus d’écho que la première place au classement UCI de Peter Sagan. Culturellement, le cyclisme accorde peu d’importance au vainqueur d’un classement annuel et s’attarde davantage sur le palmarès. Avec un système repensé, l’UCI veut bousculer cette habitude.
L’instance a d’abord essayé de remédier aux problèmes de lisibilité de l’ancienne formule. Avec deux classements (le mondial et le World Tour) et deux barèmes distincts, difficile d’y voir clair. Avec un barème unique aligné sur le classement mondial, la lecture des performances des uns et des autres sera plus aisée. Il ne reste qu’une distinction entre les deux classements: le World Tour sera circonscrit aux coureurs et aux épreuves World Tour.

Avec ce nouveau barème pour le World Tour, il est désormais plus simple de “rentrer dans les points” puisque les soixante premiers de chaque épreuve seront récompensés. L’objectif est de favoriser la lutte pour les places d’honneur. Dans la même veine, le classement par équipes ne se limitera plus aux cinq premiers pourvoyeurs de points de chaque formation mais à l’ensemble des points rapportés par l’effectif. Ainsi, comme au tennis, on distingue davantage les performances dans le bas de tableau. Dans la mouture 2016, la 21e place d’Emanuel Buchmann sur le Tour de France et la 174e place de son coéquipier chez Bora, Sam Bennett, rapportaient autant. C’est à dire rien.

Mais là où l’UCI s’est le plus inspirée de l’ATP et de la WTA, c’est avec l’introduction du mode de calcul roulant. On ne remet plus les compteurs à zéro à chaque nouvelle saison. C’est essentiel pour bien hiérarchiser le cyclisme mondial. Jusqu’à présent, les Australiens et Orica dominaient systématiquement les classements de janvier à mars car le Tour Down Under, chasse gardée des Aussies, ouvre l’année. Pareil, difficile d’accorder du crédit à un leader du classement individuel après les flandriennes alors qu’une flopée de coureurs n’ont pas encore eu l’occasion de rouler sur leurs terrains favoris. Mais cette année, Peter Sagan et la France débuteront en n°1 mondiaux dans leurs classements respectifs. Jusqu’à ce que d’autres, sur un classement qui prendra donc en compte les 52 dernières semaines, viennent les détrôner.

Un enjeu restreint

Mais tout n’est pas parfait pour autant. C’eut été trop facile. Premier défaut, les différences de points accordés selon les épreuves. Dans le système à cinq échelons mis en place, les cinq monuments ne sont pas vraiment valorisés. Le Tour de Lombardie rapporte autant que le Grand Prix de Québec. Et ce dernier, dont la réputation reste moindre, est plus valorisé que le Tour de Catalogne et la Flèche Wallonne. Pour rester dans la comparaison avec le tennis, c’est comme si le Masters de Rome valait autant que le tournoi de Houston (classé ATP 250) ou Barcelone (classé ATP 500).

Sans oublier qu’au-delà de ce problème de forme, la réforme proposée par l’UCI ne résout pas le principal écueil lié aux classements. Le cyclisme peut-il se hiérarchiser ? Si l’on peut comparer Chris Froome et Nairo Quintana car ils s’affrontent sur les mêmes épreuves, il est impossible d’en faire autant entre le Britannique et Peter Sagan. Au tennis, un joueur de fond de court et un volleyeur peuvent se jauger malgré l’opposition de style, à l’inverse d’un grimpeur et d’un sprinteur, voués à se côtoyer sans s’affronter. Mettre Sagan en haut du classement, c’est dire que le Slovaque est meilleur que tous les autres. Sauf que cette affirmation ne tient pas dès que l’on s’approche d’un grand col. Pourtant, difficile de blâmer l’UCI sur ce point. A partir du moment où l’on s’accorde à faire un classement, cette question paraît insoluble. Le vrai défaut du format proposé pour la saison à venir reste donc la faiblesse de l’enjeu sportif. Être premier, c’est bien, mais ça sert à quoi ? Au tennis, cela apporte l’assurance d’un statut de tête de série pour ceux qui tutoient les sommets, et la qualification à des tournois (plus ou moins) prestigieux pour ceux qui en sont un peu plus loin.

Mais dans le cyclisme, hormis le classement par nations qui détermine le nombre de représentants par pays pour les Championnats du monde et les Jeux Olympiques, tout ça n’a pratiquement aucune incidence. Le système de promotions et relégations d’équipes entre les divisions n’est jamais appliqué. Les formations Continental Pro ne peuvent disputer des épreuves World Tour que si elles y ont été invitées. Mais le système de wild-cards repose (comme au tennis) d’abord sur la préférence nationale. La performance sportive dans les divisions inférieures est marginalisée.
Pour améliorer le format actuel, il n’est pas compliqué d’envisager des solutions. Faciliter promotions et relégations, inviter automatiquement les équipes candidates les mieux classées, faire des classements annexes par spécialité, etc… Il s’agira peut-être des prochaines étapes. En l’état, les changements récents constituent malgré tout un net progrès par rapport aux années précédentes. Médiatiquement, le classement aura peut-être plus d’écho à partir de 2017. La réponse viendra lorsque vous regarderez le Tour de France et que les commentateurs se mettront – ou non – à citer le rang mondial des coureurs à l’écran.

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