Le classement World Tour, cette année encore, suscite le débat. Il ne désigne pas le champion du monde – au grand dam de certains –, mais le plus régulier sur l’ensemble de la saison. Assez pour considérer le numéro un mondial comme le meilleur coureur de l’année ? Disons que ça dépend des années…

Le cas particulier de Gilbert

Aucun coureur n’a jamais été numéro un mondial et champion du monde la même année. Mais Philippe Gilbert, lui, a connu les deux consécrations à une saison d’intervalle. Personne ne le remet en cause, le Belge a été à un moment le meilleur coureur du peloton. C’était en 2011, l’année de son fameux triplé ardennais ou de ses victoires sur le Tour, à San Sebastian et en Lombardie. Au mois d’octobre, il terminait donc logiquement et largement numéro un mondial, mais sans le maillot arc-en-ciel, inatteignable sur le parcours de Copenhague fait pour les sprinteurs. Le signe que ce classement on ne peut plus objectif peut de temps à autres refléter fidèlement une saison entière. Surtout que l’année suivante, un Gilbert perdu dans ses objectifs avait décroché le paletot de champion du monde à Valkenburg, sauvant une saison bien terne. Bien évidemment, ce sacre n’en faisait pas le meilleur coureur de la saison, quand un Wiggins avait dominé toutes les courses ou presque sur lesquelles il s’était aligné, ou que Boonen avait réalisé le doublé Flandres-Roubaix.

Mais les autres années, alors ? Joaquim Rodriguez était-il vraiment le meilleur coureur en 2010, 2012 et 2013 ? A l’évidence, il ne l’était pas plus que Hushovd, Gilbert et Costa ces mêmes années. Preuve que ni l’une ni l’autre des distinctions ne suffisent à définir le meilleur coureur de l’année. Parce que les deux se trouvent à chaque opposé. Le championnat du monde, course d’un jour et par équipes nationales, ne sacre que rarement celui que l’on attend. Mais le classement World Tour, lui, récompense bien plus la régularité (y compris pléthore de places d’honneur) que quelques grandes victoires. C’est ce qui permet, en cette fin de saison, à un Valverde de se trouver devant Gerrrans, Cancellara, Nibali, Quintana ou Contador, rien que ça. Certes, ce n’est pas un sacrilège, mais si les observateurs avaient à désigner le meilleur coureur de la saison, il y aurait peu de chances que le protégé d’Eusebio Unzué arrive en tête.

Un besoin de reconnaissance

Aujourd’hui, le titre de numéro un mondial a une importance très restreinte. Rodriguez et Valverde l’ont chacun remporté trois fois, sans que cela prenne une dimension incroyable. Le Murcian, justement, le regrettait ces derniers jours au micro de Vélo 101 : « Il est évident que les championnats du monde et leur symbolique avec le maillot arc-en-ciel, doivent constituer un grand objectif de tout cycliste. Mais quand on y pense, le classement World Tour devrait avoir une importance similaire. » On le comprend, lui qui n’est jamais parvenu à décrocher ce fameux paletot de champion du monde… Mais ça ne fait plus aucun doute, ni le Mondial, ni le classement World Tour, ne représentent le meilleur coureur de la saison. Malgré tout, une place de numéro un mondial ne doit plus être prise comme un mauvais classement de l’année, simplement comme l’établissement d’une hiérarchie des coureurs les plus réguliers sur les grandes courses de l’année. C’est ce que demande Valverde.

Si l’UCI souhaite en faire un classement aussi légitime et déterminant qu’au tennis par exemple, il faudra apporter des aménagements dans les barèmes. En récompensant peut-être davantage les victoires finales sur les grands tours, qui ne rapportent aujourd’hui « que » deux fois plus de points qu’un succès sur une course d’une semaine World Tour, ou les victoires sur les monuments, qui rapportent tout juste autant ! Ce barème empêche par exemple Fabian Cancellara, un coureur ultraspécialisé, de viser ne serait-ce qu’un podium au classement UCI World Tour. Une véritable hérésie dans le cyclisme actuel, où les lauréats sont presque chaque année des puncheurs-grimpeurs pouvant tirer leur épingle du jeu sur une grande diversité d’épreuves. A Brian Cookson, donc, de voir l’orientation qu’il veut donner à ce classement UCI. Mais actuellement, il ne veut clairement pas dire grand-chose…

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