Jamais les projecteurs n’avaient été aussi unanimement braqués sur le Tour d’Andalousie. Le retour à la compétition de Chris Froome, malgré son contrôle anormal au salbutamol, est une bénédiction pour les organisateurs espagnols. Mais il cristallise aussi de nombreuses interrogations, y compris au sein de sa propre équipe.

Tout en esquive

Il y a comme un paradoxe. Depuis la révélation de son contrôle anormal, Chris Froome se fait très discret. Absent des médias, en dehors d’une interview accordée à la BBC, il se contente de quelques messages sur Twitter, pour démentir certaines informations ou remercier ses fans de leur soutien. Plutôt incompatible avec un retour sur les courses alors que son affaire n’est pas encore réglée. Mais le Britannique est passé outre. Enfin presque. Ce mardi, il est arrivé tard en Andalousie, évitant ainsi la conférence de presse de présentation. Les dizaines de journalistes présents sur place ont donc dû attendre ce mercredi matin, au départ de la première étape, pour avoir accès au quadruple vainqueur du Tour. « Je sais que je n’ai rien fait de mal et ce que j’ai l’intention de faire, c’est de le prouver, a-t-il répété. Personne ne veut que cela soit résolu plus rapidement que moi. »

Mais Froome regrette également que ce dossier, au départ confidentiel, se soit retrouvé sur la place publique. « Je pense qu’il y a beaucoup de désinformation et aussi beaucoup de gens qui ne comprennent pas nécessairement le processus en cours, a-t-il justifié. Je ne demande pas le bénéfice du doute, mais un procès équitable. […] Je veux croire que quand les faits seront présentés, les gens verront les choses de mon point de vue. » Pour l’instant, il a surtout le mauvais rôle. Celui du garçon pointé du doigt par une partie du peloton et des instances, et qui pourrait aussi essuyer la contestation des spectateurs, même si le public espagnol n’est pas réputé comme le plus virulent. « Il est bon pour gérer ça », soulignait d’ailleurs Brett Lancaster, directeur sportif de Sky, ces derniers jours, rappelant les évènements déjà survenus sur le Tour de France. Et d’ajouter : « Nous allons prendre le Tour d’Andalousie comme n’importe quelle autre course. »

Thomas et Poels dans l’attente

Sauf qu’il n’y a bien que pour Froome et son staff que c’est une course comme les autres. « La situation est difficile, je serais fou de dire le contraire », reconnaît Dave Brailsford, le manager de l’équipe britannique. Elle l’est d’autant plus, en réalité, pour les coéquipiers de Chris Froome. L’incertitude plane aussi au sujet de leurs saisons respectives. Geraint Thomas, lui, rêve d’un Tour de France où il pourrait jouer sa carte personnelle. « Je me suis assis avec Tim (Kerrison) et Dave, et je leur ai dit que je voulais cibler le Tour. Froome sera le leader de l’équipe, mais je veux y aller pour faire le meilleur résultat possible. » Louable ambition. Mais aurait-il eu les mêmes revendications avant que ne soit révélé le contrôle anormal de son leader ? On peut au moins se le demander. Comme tous les autres, Thomas a assuré qu’il était derrière son coéquipier, et qu’il ne l’imaginait pas une seconde avoir triché. Mais il regrette aussi d’être assimilé à tout ça.

« C’est frustrant quand tout le monde est terni par ce qui arrive, confiait-il à Cyclingnews en décembre dernier. Vous devez juste faire avec. […] Je ne peux pas changer ce que font les autres, je peux juste faire, moi, du mieux que je peux. » Le Gallois est aussi conscient que parler, se prononcer en faveur de telle ou telle mesure – il a notamment pris position contre les AUT – ne le rend pas forcément plus crédible aujourd’hui. « Je ne sais pas vraiment quoi faire, poursuit-il. Je ne vais pas venir faire la morale, dire que je suis plus blanc que blanc. Ce sont juste des mots. (…) Combien de fois Lance (Armstrong) s’est levé pour parler du nombre de contrôles qu’il subissait ? » Thomas voit juste.

En réalité, chez Sky, c’est peut-être les coéquipiers de Froome qui attendent le verdict avec le plus d’impatience. Wout Poels, l’un des plus fidèles lieutenants du Britannique, a fait part de cette envie il y a quelques semaines, pour le site NUsport. « Je pense qu’il est préférable pour tout le monde que nous sachions rapidement ce qu’il va se passer. Pas seulement pour nous, ses coéquipiers, mais aussi pour Chris lui-même. Les autres coureurs du peloton veulent aussi savoir où ils en sont, je les comprends. » Entre les lignes, on a quand même l’impression qu’il parle un peu pour lui. Tant que la situation n’est pas éclaircie, il restera dans le doute quant à sa saison, son programme, ses potentielles ambitions personnelles et tout le reste. Délicate, la situation l’est donc pour les organisateurs et le peloton tout entier. Mais sans doute encore plus pour les habituels coéquipiers de Froomey.

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