Un an de rose pâle. L’éclat de sa victoire sur le Giro en mai dernier a un peu fané dans l’anonymat relatif de son début de saison. Pourtant, la belle – et parfois grande – gueule du cyclisme néerlandais a fini l’année 2017 fleuri en enlevant l’Eneco Tour avant de glaner son premier maillot arc-en-ciel du contre-la-montre. Autour de l’os doré, pas grand chose à grignoter néanmoins. Surtout depuis la rentrée 2018, où Dumoulin a alterné entre effacement à Abou-Dhabi ou sur les classiques et inquiétude après son abandon sur Tirreno. Aucun signe d’angoisse ne se glisse cependant dans les mots du batave à quelques heures d’ajuster son dossard n°1 à Jérusalem. Tom Dumoulin s’affiche comme l’un des principaux favoris à sa propre succession.

Là où il peut gagner le Giro : sur les contre-la-montre de Jérusalem et de Trento – Rovereto (34.5km)

Le maillot de champion du monde de la spécialité sur le dos, Tom Dumoulin sait qu’il peut faire la différence dans l’effort solitaire. L’an passé, il avait repris près de trois minutes à Vicenzo Nibali et plus de quatre minutes trente au duo Nairo Quintana-Thibaut Pinot sur les 70 kilomètres de chrono que comptait la centième édition du Giro. C’est donc sous son casque profilé que le « papillon de Maastricht » avait construit puis conclu son succès. Cette année, le kilométrage dans l’exercice sera plus restreint, avec seulement quarante-cinq bornes consacrées au contre-la-montre. La distance semble cependant suffisante à l’arc-en-ciel pour planter des flèches décisives dans les espoirs des meilleurs grimpeurs en lice. Une marge de trois minutes sur Fabio Aru, Thibaut Pinot ou Miguel Angel Lopez semble amplement envisageable.

“Je vais où je pense que j’ai le plus de chance de gagner”, expliquait-il lors de la présentation du Giro en novembre, en référence à son choix de privilégier l’Italie en mai à la France en juillet. Il semble en effet que le parcours lui convienne mieux. À condition d’exceller sur son terrain, car cette année Chris Froome vient chasser en terres transalpines. Un adversaire bien plus tranchant que Nairo Quintana et Vicenzo Nibali sur contre-la-montre. Il demeure qu’au sommet de son art, Tom Dumoulin est intouchable dans l’exercice, même pour un grand Froomey.

Là où il peut perdre le Giro : dans la montée du Zoncolan

“La grande carcasse dense de Tom Dumoulin ne peut pas lutter en haute montagne.” Le cliché a longtemps eu la peau dure. Son échec vers Cercedilla, dans la dernière étape montagneuse de sa brillante Vuelta 2015, était même brandi comme preuve irréfutable par les pessimistes. L’an passé, le Néerlandais les a fait taire. Impérial vers Oropa, il a certes concédé des poignées de secondes ça et là, mais jamais il n’a semblé dépasser outre mesure. Son plus gros débours, plus de deux minutes, perdu dans le Stelvio n’incriminait pas ses jambes… mais plutôt son transit et ses problèmes gastriques ! Rien de significatif, donc.

Alors pourquoi douter ? Car cette année se dresse un inconnu à son programme : le Monte Zoncolan. Monstrueux, le col partage avec l’Angliru et le Mont Ventoux une réputation de véritable enfer du cycliste. Pour Tom Dumoulin, qui n’a jamais grimpé un tel col dans le costume de favori, la quatorzième étape sera donc le test ultime de ses capacités de grimpeur. Son rival Chris Froome ne s’y trompe pas : “Nous devrons lui prendre du temps ailleurs que sur les chronos et une étape comme celle du Zoncolan est une belle opportunité pour le faire.” Si le Zoncolan n’a pas toujours produit de gros écarts au sommet, les coureurs arrivent à chaque fois au compte-gouttes. Personne ne peut se cacher. Ivan Basso y avait construit sa victoire en 2010 et Roman Kreuziger perdu tout espoir de podium l’année suivante. Si Tom Dumoulin ne gagnera certainement pas le Giro ce 19 mai, il pourrait très bien le perdre sur ces rampes qui ne pardonnent pas de jour sans.


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