Trois étapes de transition, intercalées entre les deux gros massifs montagneux du Tour de France 2018, le raccourci est vite effectué. L’échappée a de bonnes chances de se disputer la victoire sur deux ou trois étapes, pendant que le reste du peloton soufflera. Sauf qu’hier, le schéma de la première semaine s’est répété, malgré le paquet de sprinteurs classé hors-délais.

Les cartes redistribuées, pas les procédés

Mark Cavendish, Fernando Gaviria, André Greipel, Dylan Groenewegen, Marcel Kittel. À eux cinq, c’est 60 victoires d’étapes tout rond qui ont pris la porte au sommet des grands cols alpins. Le symbole est énorme. L’occasion rêvée, pour les survivants et les seconds couteaux, qui se voient conviés à la séance de rattrapage. On pourrait en dire de même pour les baroudeurs, jusqu’ici pas vernis à l’exception d’une étape arrivant au Grand-Bornand et rapidement survolée par Julian Alaphilippe dans le final. Les compteurs sont remis à zéro, et les déterminations plus solides que jamais. Pas rassasiée, l’équipe Bora-Hansgrohe compte bien continuer sur sa lancée, comme si de rien n’était. « Dans les étapes de montagne, beaucoup de coureurs se sont fatigués, chez nous c’est aussi le cas. Mais on va essayer de contrôler la course. Le Tour, c’est comme ça, on le savait déjà », annonce Patxi Vila, l’entraîneur de Peter Sagan. Le quintuple maillot vert s’est offert un troisième bouquet à Valence, en coiffant les morts de faim.

Car sprint il y a eu, pendant que certains se mettaient à rêver d’une échappée fleuve, exploitant l’état de fatigue généralisée. Un peloton cramé peut aussi produire l’effet inverse, comme l’analyse Emmanuel Hubert, manager général de Fortuneo–Samsic. « L’état général est très atteint, et je pense que cela freine un peu les hostilités, les envies d’échappée. » Interrogé à l’arrivée, Yoann Offredo prend le contre-pied d’un Marc Sergeant qui voyait partir « une échappée de 20-25 coureurs pas trop dangereux au général ». Contrairement au manager de Lotto-Soudal, l’Essonnien assure que « le scénario était prévu. Le peu de sprinteurs qui sont restés dans le peloton, ils ne l’ont pas fait pour rien. C’était couru d’avance qu’ils n’allaient rien laisser passer, qui plus est face à des coureurs comme De Gendt ou Schär. […] Je savais très bien que la FDJ allait prendre ses responsabilités ». À défaut d’avoir vu juste, Sergeant avait toutefois diagnostiqué que « le sprint est possible si trois équipes collaborent ». Il se trouve que FDJ, UAE, Bahrain se sont découvertes.

Un relief vallonné qui tombe à pic

La leçon de cette étape en faux-plat descendant ne semble pas perturber les prévisions du week-end, où les feux demeurent verts pour les baroudeurs de juillet. « Demain, avec l’arrivée à Mende, les favoris voudront sans doute s’expliquer entre eux. Mais cela reste propice aux coureurs éloignés au général. C’est des journées pour des Alaphilippe, Barguil et Calmejane », affirme l’ancien coureur Christophe Riblon. Hilaire Van der Schueren, expérimenté manager de Wanty – Groupe Gobert, est lucide sur ses chances. « On doit profiter des trois étapes intermédiaires pour faire un résultat. » Tout comme son homologue breton, Hubert. « Demain (aujourd’hui), je suis persuadé que ce sera une étape avec beaucoup de sport. Il y aura certainement une belle course car nombreux sont ceux qui auront à cœur d’être aux avant-postes ». La dernière halte du Tour en haut de l’aérodrome de Mende remonte à 2015, et l’échappée avait grimpé en premier la côte de la Croix-Neuve, marquée par une victoire de Stephen Cummings.

Dimanche, avant d’atteindre Carcassonne, l’imposant Pic de Nore devrait faire la sélection parmi un groupe de tête annoncé comme conséquent. L’Albigeois Calmejane a notamment pris rendez-vous sur ses terres. Mais aura t-il les ressources suffisantes ? Christophe Riblon alerte sur des physiques en sur-régime. « On ne s’est pas vraiment rendu compte, mais la première semaine a été éprouvante. Il a fait très chaud, les organismes sont bien entamés. Les deux dernières étapes étaient incroyablement difficiles, avec des délais serrés, il ne fallait surtout pas pas avoir un jour sans, encore plus lorsque l’on est un sprinteur. » Malgré tout, le consensus règne pour les deux étapes du week-end. Prime aux audacieux.

Jeudi, entre Trie-sur-Baïse et Pau, pas sûr que cet état de grâce supposé connaisse les prolongations. « Notre meilleure chance pour gagner, c’est Peter, on doit jouer cette carte. Si il y a des petits coups qui partent, on n’hésitera pas à mettre des gens devant en ‘stoppeurs’ », tel est le plan du coach basque de Bora. Et sans plonger dans un quelconque fatalisme, les tueurs d’échappées risquent de recharger leurs batteries. Impuissant, Van der Schueren avouait déjà qu’hier, « même nous, on ne nous a pas laissé partir dans l’échappée ! FDJ a roulé toute la journée, et ils finissent troisièmes. Sagan est toujours présent, et à l’arrivée, c’est lui qui gagne ». Le maillot irisé pourrait définitivement mettre tout le monde d’accord, en s’échappant.

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