Il a connu le paradis sur ce Tour avec une victoire d’étape et le maillot vert. Aujourd’hui, Arnaud Démare a rencontré l’enfer. Surmené, au centre de toutes les attentions depuis le départ, le sprinteur a montré aujourd’hui qu’il n’avait pas tout à fait assumé l’allégresse d’une Grande Boucle bien entamée.

La galère

Il est 16h55, Marc Madiot est anxieux au niveau du bus FDJ lorsque Lilian Calmejane lève les bras. Ce n’était pas le moment de fêter la victoire d’un compatriote. Son sprinteur, sa star, son fabuleux Arnaud Démare était à la dérive depuis le premier col de la journée. La nuit d’avant-hier avait été courte pour le sprinteur picard. Le champion de France avait peu dormi et ça s’était déjà vu hier, lorsqu’il a calé dans l’emballage final. L’impression est encore plus visible aujourd’hui. Alors, la rumeur enfle quant à la possible arrivée hors-délais de l’idole tricolore de ce début de Tour. La pression monte.

Jusqu’à 17h32. Instant où Marc Madiot se retourne vers nous, et souffle, soulagé : « C’est bon, il vient de passer la ligne ! » En compagnie de Mickaël Delage et Ignatas Konovalovas, l’ancien vainqueur de Milan-Sanremo est finalement arrivé avec 37 minutes et 33 secondes de retard. Dans le Jura, le champion de France a frôlé la correctionnelle. Avant lui, son ombre protectrice, Mickaël Delage, arrive et demande aux journalistes de faire de la place : « Après la journée qu’on a eu, laissez-nous souffler un peu ! » L’étape galère du Beauvaisien se termine, il monte dans le bus, pâle mais rassuré. « Il prend une douche et il descend », nous indique-t-on côté FDJ. C’est finalement Mickaël Delage, apaisé et disponible, comme souvent, qui prend en premier le temps de répondre à la foule des journalistes amassée devant le bus : « On n’a pas passé une super journée, Arnaud a eu un jour sans. » Un euphémisme.

Sauvé par ses hommes

« Mes deux anges gardiens ont été vraiment exceptionnels », remerciait un peu plus tard Arnaud Démare, harassé par l’effort. S’il est encore là, le Français le doit bien à ses deux hommes de main. « Je pense que ça montre qu’on est solidaires. On a roulé à bloc toute la journée, au maximum qu’on pouvait avec Nono. Pendant longtemps on ne savait pas de combien étaient les délais. Mais on nous a finalement dit qu’on serait bon et on a pu finir en roue libre les quatre derniers kilomètres. », explique Delage. Fin d’une torpeur usante.

« Il faut aimer son leader. Une journée comme ça… On ne le ferait pas pour tout le monde, ça montre qu’Arnaud est un vrai leader. »

Mickaël Delage

« Il faut aimer son leader. Une journée comme ça… On ne le ferait pas pour tout le monde, ça montre qu’Arnaud est un vrai leader. » Les mots de Mickaël Delage étaient forts, émouvants après l’une des pires étapes de sa longue carrière professionnelle. La loyauté, voilà une qualité indéniable qui caractérise Delage. Avec Konovalovas, ils font figure d’équipiers modèles, à imiter, depuis le début du Tour. Dans les bons moments comme les mauvais. Et le fidèle coéquipier était déjà prêt à repartir au combat : « On va tout faire pour qu’Arnaud garde le moral. On va optimiser la récupération, le massage, l’ostéo. Et puis on se battra jusqu’au bout demain. »

Bientôt la fin ?

Il le faudra. Car Arnaud Démare a failli passer à la trappe dans cette étape menée sur un rythme d’enfer (41,5 km/h). Ses deux coéquipiers auraient pu en rester là, comme lui. La FDJ se serait retrouvée à six à deux semaines du terme. Un désastre a donc été évité mais dès demain, la route monte encore plus fort. Il faudra recalculer les coûts potentiels. Que l’on se rassure néanmoins, Démare n’est pas malade. Il est juste extrêmement fatigué par une nuit difficile et une attente constante sur ses épaules depuis le début du Tour. « Il a eu la pression, quand même, tout le début de cette Grande Boucle. Il est jeune, ce n’est que son troisième Tour de France, ça arrive. Il n’a même pas 27 ans, il est moins endurci qu’un coureur de 30 ans », excuse Mickaël Delage.

Demain, cela fera deux nuits de repos depuis l’incident de l’hôtel sans climatisation. Il devrait avoir récupéré suffisamment pour arriver dans les temps avant la journée de repos lundi, et pouvoir redisputer le maillot vert à Marcel Kittel d’ici à Paris. « Aujourd’hui j’ai été très nul. Demain, on verra, le gruppetto devrait se faire plus tôt », espérait Démare après la séance d’autoflagellation. Il faudra tenir jusque-là, si le champion de France veut rester en vie sur cette Grande Boucle.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.