Il y a encore une semaine, on les pensait intouchables. Mais la bande à Patrick Lefevere a laissé filer la victoire sur A Travers la Flandre puis, plus important encore, sur le Ronde. Preuve que le train bleu n’est pas infaillible et que certains de ses leaders, davantage responsabilisés cette année, ne sont pas encore prêts à assumer tant de pression. Le collectif est là, mais il semble manquer un patron.

Le couac

Mercredi dernier, Mathieu Van der Poel remportait A Travers la Flandre. Bob Jungels terminait troisième et les Deceuninck-Quick Step avait une petite excuse : il leur manquait Zdenek Stybar, l’homme vraisemblablement le plus en forme depuis le début de la campagne, mis au repos à quatre jours du Tour des Flandres. Mais ce dimanche, le Tchèque, justement, était bien là, et ça n’a pas empêché la machine collective de fonctionner à l’envers. A Audenarde, le premier Deceuninck-Quick Step est Kasper Asgreen, censé occuper le rôle de septième homme. Jungels et Lampaert sont arrivés dans le groupe des battus, Stybar encore plus loin, et Gilbert n’a pas terminé. Patrick Lefevere tirait la tronche : ça valait bien le coup de survoler les pavés depuis le Het Nieuwsblad pour se rater sur la course la plus importante du printemps. Son équipe, aussi forte soit-elle, n’est pas à l’abri d’une course ratée, et si elle ne se rattrape pas dimanche, sur Paris-Roubaix, la campagne des flandriennes ne sera pas vraiment réussie.

Avant le Tour des Flandres, l’équipe, pourtant, ne se cachait pas. Zdenek Stybar, propulsé sur le devant de la scène depuis le départ de Niki Terptra, acceptait même le costume de favori. Mais le départ du Néerlandais cet hiver, qui ne s’était pas vraiment fait sentir jusque-là, a semble-t-il pesé de tout son poids dans le final de la course, dimanche. A une trentaine de kilomètres du but, alors qu’il restait à passer le Vieux Quaremont et le Paterberg, notamment, le Tchèque a été rattrapé par ses limites, celles qui l’ont toujours cantonné à des places d’honneur sur le Ronde, huitième au mieux, sans jamais qu’il ne puisse aller jouer la victoire après le passage des derniers pavés. Paris-Roubaix, définitivement, lui convient mieux, et avec un Philippe Gilbert malade et hors du coup, Deceuninck-Quick Step a cruellement manqué d’un spécialiste, au moment d’aborder le dernier enchaînement de monts.

Absence de patron

Résultat, quand Alberto Bettiol s’est détaché dans le Vieux Quaremont, il n’y avait pas un homme en bleu pour sauter dans sa roue, à la manière de ce qu’avait réussi à faire l’équipe de Patrick Lefevere depuis le tout début du mois de mars et l’apparition des premiers pavés, où jamais un homme n’avait réussi à sortir sans un Deceuninck-Quick Step sur le porte-bagage. Peut-être que personne n’avait les jambes, ceci dit. Mais c’est le propre du collectif belge, où certains passent toujours la journée sans donner un coup de pédale grâce à leurs coéquipiers, que de toujours avoir un homme capable de faire l’effort au bon moment. Surtout derrière Bettiol, qui n’est pas Sagan ou Van Avermaet, capables, ils l’ont déjà montré, de contrer à eux seul la force de frappe de Quick-Step. Avoir laissé filer l’Italien en solitaire, avec pourtant trois coureurs dans le bon groupe, est un échec.

En voyant les images, le patron, Patrick Lefevere, a dû repenser à ces années où il avait Niki Terpstra dans ses rangs. Le Néerlandais, fin tacticien, d’une froideur incomparable sur le vélo, pas forcément plus motivé que ses coéquipiers mais davantage capable, aurait-il changé quelque chose à l’issue, s’il avait porté un maillot Deceuninck et qu’il n’avait pas chuté en début de course ? Avec des « si », on offrirait le Ronde à Quick-Step chaque année où ils se loupent, et ce n’est pas si fréquent. Trop facile. Mais sur la course la plus importante de sa saison, l’équipe belge a montré des failles. Bob Jungels, pour son premier Tour des Flandres, ne pouvait pas porter davantage de responsabilités. Yves Lampaert a tenté, et on ne pouvait lui en demander plus, alors que Kasper Asgreen a réalisé la plus belle course de sa carrière. Mais c’est aussi le risque d’une équipe sans véritable leader que de voir chacun se tourner vers l’autre au moment où il faut passer à l’action. Il reste les pavés de Roubaix, dimanche, pour effacer la frustration et tenter d’oublier.

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