Voilà le monstre qui pointe le bout de son nez. Le Zoncolan, 10 kilomètres à plus de 12 % de moyenne, une ascension inégalable, entrée dans la légende du Giro en seulement quelques visites. Ce n’est que la sixième fois qu’il sera escaladé, ce samedi. Mais alors, comment ne pas y perdre le Giro, voire le gagner ? Frédéric Grappe, entraîneur de Groupama-FDJ, nous a donné quelques clés.

Une montée pour les purs grimpeurs

« C’est un effort particulier, qui répond à des qualités spécifiques de gabarit. Plus vous êtes léger, meilleur est votre rapport watts par kilo, plus vous serez à l’aise. L’abri et les équipiers comptent peu. C’est rassurant de ne pas être seul mais on doit surtout compter sur soi. En revanche l’alternance entre monter assis et en danseuse peut jouer. Si vous êtes tout le temps assis, vous sollicitez les mêmes muscles et vous fatiguez plus vite, ce sera un avantage pour ceux qui peuvent alterner. Thibaut Pinot a ces qualités mais ils sont plusieurs. Yates, avec la confiance et sa forme, il n’y a pas de raison qu’il ne soit pas là, sauf défaillance. Chaves aussi pourrait être très bien sur cette montée. On raisonne souvent en watts sur un col comme celui-ci, une différence de dix watts sera énorme. »

Ne pas attaquer

« C’est une montée d’environ 45 minutes, c’est très long, il n’y a pas de répit et on monte sur un tout petit développement. Si vous vous mettez dans le rouge au pied, vous ne vous refaites jamais. Et si vous attaquez, vous pouvez très vite être en surrégime. Pour être performant, il faut monter au rythme le plus soutenu possible, en faisant le moins d’à coups possible, et ne surtout pas attaquer. Il faut parfaitement gérer son effort. On peut avoir des coureurs un peu derrière au pied qui reviennent ensuite. L’explosivité ne servira à rien. Si vous cassez votre propre rythme, ce n’est pas bon, il faut tenter de le garder au maximum, tout en jaugeant les autres. L’idéal est de produire un effort soutenu, à la limite du seuil mais sans le franchir, sinon vous produisez du lactate. »

Peu d’écarts à prévoir

« Si vous avez des bonnes jambes, vous le sentez tout de suite. Mais mis à part si on a des défaillances, il n’y aura pas de gros écarts entre les favoris. La différence se fera surtout par l’arrière. En considérant qu’ils sont tous à leur niveau, ce qui est le cas à quelques pourcents près, il n’y aura pas de gros écarts. Ils vont se jauger et courir par rapport aux autres. Et si vraiment on est bien, il faut monter au rythme du plus fort du groupe, s’économiser tant que c’est possible et tout mettre dans le final. Le mieux est de le faire en deux temps : augmenter le rythme d’abord, en faisant un effort contrôlé sans se mettre dans le rouge, puis finir en donnant toute l’énergie dans le dernier kilomètre. Un kilomètre, c’est entre trois et quatre minutes, c’est long. Vous pouvez y reprendre entre 30 et 45 secondes. En revanche, c’est une erreur de démarrer au milieu de l’ascension. »

Mitchelton vs Dumoulin

« Mitchelton-Scott a la clé de la montée. Esteban Chaves peut mettre un rythme élevé avec Simon Yates dans la roue, et voir si Tom Dumoulin tient ce rythme. Ils sont obligés de lui reprendre du temps s’ils veulent gagner ce Giro. Mais il y a peu de chances que le Néerlandais soit dans un mauvais jour. Il n’est pas fou. Il sait incroyablement bien gérer son effort, il ne fera pas d’erreur. Il laissera partir les autres plutôt que de se mettre dans le rouge. Il ne répondra pas aux attaques, et il observera ce qui se passera quelques mètres devant lui. Il suffit que certains attaquent puis se regardent pour que Dumoulin rentre sans avoir changé de rythme. A ce jeu-là, il est le vainqueur. On ne peut pas le piéger. A moins qu’il ait un problème de santé, je pense qu’il ne perdra pas de temps, ou alors pas beaucoup. »

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