Premier équatorien à s’imposer sur une étape d’un grand tour, maillot blanc sur le dos, Richard Carapaz, qui venait sur ce Tour d’Italie sans grandes références, est devenu l’une des attractions de cette première partie de course. A la mi-épreuve, il pointe à la cinquième place du général.

Un plan à suivre

Au sommet de l’Etna, peu de monde avait réellement prêté attention à la présence de Richard Carapaz dans le groupe des favoris. Septième, il s’était fait discret. Pourtant, il était l’un des seuls, avec George Bennett, à s’être glissé parmi les leaders, seulement distancé par Chaves et Yates. Deux jours plus tard, en revanche, tout monde l’a remarqué. Dans une ascension finale vers Montevergine qui a frustré bien des observateurs, c’est l’Equatorien qui a secoué le peloton. Parti dans le final, il a tout de suite créé un gros écart et personne ne l’a revu. Sous une pluie battante, à 24 ans et pour son premier Giro, il a décroché sa première victoire de prestige. Sur une étape de guerriers.

Et un guerrier, Richard Carapaz en est un. Jamais avare d’efforts et habitué aux conditions extrêmes dans son petit village natal, La Playa, où il retourne s’entraîner pour préparer ses gros objectifs. « Les basses températures et la pluie ne m’affectent pas. Cela ne me dérange pas de m’entraîner et de courir dans le froid. Au contraire, j’habitue mon corps pour de pareilles situations en course », déclarait-il à El Comercio. Et le garçon apprend vite. Un peu juste pour le Giro l’an passé, il s’était replié sur la Vuelta, qu’il avait marqué de son empreinte avec quatre échappées. Mais cette année, pas question de louper la course rose : après un mois passé à s’entraîner en Equateur, il a confirmé sa montée en puissance en décrochant sa première victoire professionnelle au Tour des Asturies. Tous les feux étaient au vert avant Jérusalem.

Extrêmement déterminé, il faut dire que Carapaz sait où il va. Comme si tout, déjà, était écrit. Le grimpeur imagine sa carrière à long terme, comme une succession de paliers, de marches à franchir. Gagner sur un grand tour n’était qu’une simple étape de son plan. Désormais, il se tourne vers la suite, le classement pour le maillot blanc de meilleur jeune et le général. Avec détermination, toujours. Question de mentalité. « Après chaque course, je veux avoir la satisfaction d’avoir tout donné, d’être allé au bout de moi-même, dit-il. Sinon, j’ai comme un goût d’amertume dans la bouche. »

Au-delà des obstacles

Travailleur, donc, Carapaz est aussi un homme humble. Et même s’il n’aura que 25 ans à la fin du mois, transmettre est pour lui déjà primordial. L’Equatorien est en permanence à l’écoute des autres, avide de connaissances. Apprendre, c’est un mot qu’il martèle dans ses interviews. Et c’est une valeur qu’il défend au quotidien, y compris chez lui, en Equateur, dans la région de Carchi. Là-bas, il s’occupe d’un club de vélo pour enfants. Avant de partir, il leur avait dit, qu’en vélo, il ne fallait jamais rien lâcher, il fallait se battre pour pouvoir gagner. Au delà des mots, c’est à travers ses actes qu’il transmet : sa victoire d’étape sur le Giro résonne comme la plus belle des illustrations.

S’engager, c’est aussi pour lui un moyen d’offrir la chance qu’il n’a pas eu dans sa jeunesse. En Équateur, très peu de moyens sont mis à disposition des jeunes coureurs. Carapaz n’a jamais pu compter sur le soutien des dirigeants ou de l’État. Il s’est construit seul, grâce à l’aide de ses parents, de petits éleveurs qu’il aidait dans les champs. Par la suite, c’est sa rencontre avec Juan Carlos Rosero, ex-cycliste professionnel, qui lui a permis de changer de dimension. « C’était un ami, je l’ai vu comme un père. Il m’a donné un conseil qu’encore aujourd’hui je garde à l’esprit : croire en soi. À l’époque il me disait que j’avais beaucoup de talent, que je devais l’exploiter et qu’avec la maturité je pouvais faire de grandes choses. Il ne s’est pas trompé. »

Cette force mentale, l’Equatorien la tire aussi d’un événement tragique. En mai 2014, il est renversé par une voiture près de chez lui. À 20 ans, alors qu’il était en pleine préparation pour le championnat Panaméricain dont il était le tenant du titre, il se retrouve à l’hôpital, en état de choc. Il se fait opérer, mais pense qu’il ne pourra plus jamais marcher. Pourtant, grâce au soutien de sa famille, de ses proches et de sa femme Tania qu’il a rencontré lorsqu’il avait 14 ans, il surmonte les difficultés, se remet à marcher et remonte sur son vélo. « Quand j’ai repris, c’est comme si je revivais, disait-il, toujours dans El Comercio. Cela m’a donné beaucoup de force pour retourner travailler encore et encore, et c’est ce qui fait que je suis là aujourd’hui. L’exigence est la clé du succès. Des garçons avec du talent comme moi il y en a beaucoup mais ce n’est pas suffisant pour réussir, il faut le travail en plus. » Les fourmis dans les jambes, la tête sur les épaules, Richard Carapaz est aujourd’hui en train de monter en puissance. Extrêmement talentueux, endurci par la vie, il n’a plus aucune raison de ne pas aller chercher plus haut.

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