Les larmes de Julian Alaphilippe, sur le podium, ne trompaient pas. Mains dans le dos, le regard vers le ciel et les joues humides, le Français prenait la mesure de son titre mondial. Vingt-trois ans après Laurent Brochard, trois ans après Bergen, deux ans après Innsbruck : Alaphilippe est le roi du monde.
La pancarte et la grimace
Tout le monde savait. Mais personne n’a rien pu faire. Tout le monde savait que Julian Alaphilippe allait attaquer dans la dernière bosse du parcours, à un peu plus de 10 kilomètres de l’arrivée, pour se débarrasser de ceux qui vont plus vite que lui au sprint, et notamment l’encombrant Wout Van Aert. Mais personne n’a rien pu faire quand le Français s’est dressé sur ses pédales et a décidé qu’il était temps de tout faire péter. Comme au mois d’août, dans le Poggio, il était écrit qu’il placerait un démarrage à cet endroit et les autres favoris n’attendaient que ça, en espérant que l’attaque ne soit pas trop tranchante, qu’ils puissent se caler dans la roue, ou pas loin. C’est ce qu’avait réussi à faire Van Aert sur Milan-Sanremo, mais le Belge n’a pas su s’accrocher, cette fois. Alaphilippe était trop fort. Mais pas que. « On a tout intérêt à être malins, à faire une course juste », disait-il ce samedi en conférence de presse. C’est exactement ce que lui et l’équipe de France ont fait.
Nans Peters et Quentin Pacher ont lancé la machine à environ 70 bornes de l’arrivée, langues dehors et nez dans le vent, pour essorer le peloton. Alaphilippe, lui, se cachait. A l’arrière quand les Belges roulaient pour revenir sur Pogačar, échappé éphémère, puis pas beaucoup mieux placé dans le dernier passage de la côte de Mazzolano. Le Français, avec sa pancarte grande comme un panneau publicitaire de Times Square, restait planqué du mieux possible. Tout le boulot reposait alors sur les épaules de Guillaume Martin, qu’on semblait avoir retrouvé avec son coup de pédale de la première semaine du Tour, sautant sur tout ce qui bougeait. Le verrou était fermé. Tout se jouerait dans la dernière montée, la Cima Gallisterna, où Alaphilippe avait la mission de faire sauter Van Aert et Matthews. Tout n’a pas sonné comme une évidence, du moins pas tout de suite, tant le Français a pris soin de grimacer, sans doute coaché par son sélectionneur Thomas Voeckler.
Les cartes étaient brouillées, jusqu’au moment où le bonhomme est sorti de sa boîte. Tranchant comme un honjo masamune. L’écart était là. Fuglsang, Hirschi, Kwiatkowski et Roglic incapables de s’entendre assez bien avec le trop rapide Van Aert. Bouche grande ouverte, Alaphilippe avait exécuté la première partie du plan. Restait à ignorer la douleur, s’interdire de penser aux derniers kilomètres à découvert, sur le circuit d’Imola, pour seulement emmener un braquet monstrueux jusqu’à la flamme rouge, où plus rien ne pouvait arriver. Le Français n’a pas eu beaucoup de temps pour savourer, quelques hectomètres tout au plus, mais c’était peut-être assez pour repenser à ces dernières semaines. Ce Tour de France abordé sans vouloir jouer le général, ce maillot jaune perdu sur une erreur stupide mais salutaire à bien des égards. Cette troisième semaine alpestre, aussi, où Alaphilippe était souvent devant, mais jamais le plus fort.
On en était venu à se dire que malgré sa victoire d’étape à Nice, le garçon n’était pas le même qu’en 2019. Seulement deuxième de Milan-Sanremo, seulement trois jours en jaune, seulement vainqueur d’une étape sur le Tour. A manger du caviar, on s’habitue, il faut dire. Mais ces interrogations sur la forme du Français, sur le moment, étaient légitimes. Seulement, c’était surtout calculé. Ne pas tout miser sur la Grande Boucle parce que l’objectif se situait une semaine après l’arrivée sur les Champs-Elysées. On connaissait tous la théorie, ce qui ne nous a pas empêchés de douter. Alaphilippe sera-t-il assez fort à Imola ? La question est revenue, beaucoup, jusqu’à la dernière bosse du parcours, ce dimanche. Là, on a compris, comme ses adversaires, qu’il n’avait rien prévu de laisser aux autres. Dans cette saison si particulière, il s’apprête plus que jamais à aborder les classiques en patron. Et surtout, avec un maillot arc-en-ciel dont on a pu voir, sur le podium, qu’il lui allait à ravir.
Fantastique Julian! Bravo!!!!
On a compris le plan de l’équipe de France quand Alaphilippe s’isola en quittant Isola.
Vous savez où il est possible de voir une rediffusion de la course ? (pas de direct pour moi en Allemagne). Merci d avance et bien évidemment félicitation à cette équipe de France !! Il fait un très beau champion !
Probablement sur youtube dans la soirée ou dès demain ..
Sur le site “vidéos de cyclisme”, il est possible de voir dès maintenant la retransmission complète (7h20’28” quand même !) de la course ainsi que des vidéos des meilleurs moments de la course, de l’attaque décisive, de l’interview de Julian et de la cérémonie protocolaire ainsi que le classement complet !
Avec un peu de retard mais merci à tous les 2 pour vos réponses!
Si tout va bien (pandémie toussa toussa), on pourra voir Alaphilippe avec son maillot arc-en-ciel sur deux campagnes de classiques printanières.
J’ai entendu qu’a priori il fera l’impasse sur la Flèche Wallonne. Cadel Evans restera donc le dernier coureur à lever les bras en haut du mur de Huy avec le maillot de champion du monde (chez les hommes en tout cas, puisque depuis Marianne Vos et Anna Van der Breggen ont fait de même, en 2013 et 2018)… jusqu’en avril prochain ? (VDB a de bonne chance en tout cas de le faire dès mercredi)
Etonnant qu’il ne fasse pas la Flêche qui est, a priori, celle qui lui convient le mieux, Liège étant plus stratégique et incertaine. S’il a la giclette du championnat du monde au pied du mur d’Huy, je ne vois pas qui peut le battre.
En plus la flèche est sa voie royale vers la légende du cyclisme : il peut battre le record de Valverde, mais il ne faut pas perdre une année !
Laissez le un peu respirer.. On peut aussi accepter que le mec ai besoin de récupérer. Je ne sais pas si beaucoup on remarqué l´ état de fatigue exprimé par son visage sur le podium; le mec s´est déchiré les trippes pour aller chercher ce titre !
Cette grande journée du cyclisme français me console largement des déceptions du Tour.
Alaphilippe était celui qui méritait le plus l’arc en ciel au vu des 4 dernières éditions. Il a atteint son Graal l’année où l’opposition était à mon avis la plus forte,et les 10 derniers kilomètres n’étaient pas les plus faciles pour un homme seul.
Une équipe de France magnifique, comme en 2018, mais avec de nouvelles têtes et un Martin de plus en plus impressionnant d’aisance et de lucidité.
Quant au monstrueux Van Aert, était ce raisonnable de faire le clm vendredi,sans y laisser quelques plumes ( comme Dumoulin aussi)? D’ailleurs ne serait il pas raisonnable de décaler le championnat
Contre la montre de quelques jours?
Cela n’enlève bien entendu strictement rien à l’exploit Alaphilippe qui a réussi là où des Anquetil,Poulidor, Thevenet et Jalabert avaient échoué.
Et le grand Fignon aussi.
On peut en effet se poser la question de savoir pourquoi Van Bionic n´a pas changé de rytme sur la mine d´Alaph; il n´avait pourtant pas l´air si rapé que ca pour le sprint. Peut etre un choix tactique en espérant récupérer un équipié pour la poursuite; en sousestimant un peu Alaph; en comptant sur la poursuite pour revenir sans se livrer complétement ? J´ai aussi l´impression que n´etait peut etre pas la bonne option de cramer la cartouche Van Avermaet dans la dernière bosse; il avait l´air l´air en forme; le faire partir à l´avant ou tenter de le reserver pour les derniers bouts droits pouvait ouvrir davantage d´options tactiques. Mais tout comme pour la JV au Tour, ca ne semblait pas etre au programme belge de tenter qqs mouvements Ceci dit tout fut joliment reunis pour une parfaite alchimie menant au titre d´ Alaph; une course durcie sur le tard a aidée l´equipe de tenir la distance; pas d´ennuie mécanique; une dernière bosse sur mesure; un groupe de poursuivant bien empétré par la presence du belge; une saison plus courte; le forfait de Martigny en Valais; et le soupson de chance enfin au rendez vous pour concrététiser ce… Lire la suite »
Tout simplement parce que WvA n’a pas le punch pour suivre Alaphilippe sur ce genre de pente. Comme à MSR, l’objectif était de le laisser partir et de le rejoindre dans la descente. Après on peut espérer que le belge commence à payer son début de saison invraisemblable…
Bravo à Alaphilippe et a l’équipe de France! Le plus fort a gagné hier ! Bravo aussi à Pogacar, qui a au moins essayé quelque chose au contraire des autres outsiders qui se sont contenté de se faire lâcher su la monté finale, comme prévu… Hirschi c’est découvert un peu tôt, mais on rêve déjà d’un beau duel avec alaphilippe et evenepoel dans les Ardennes et en Lombardie les prochaines années, avec 3 coureurs qui n’ont pas peur d’attaquer il devrait y avoir du sport. 2 critiques quand-même : -le parcours : outre cette reprise d’hélico magnifique, je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas inversé l’ordre des monté en mettant la plus dure avant ? Ça aurait probablement ouvert à un scenario plus imprévisible, même si ce sont les coureurs qui font la course et il y avait quand même de quoi faire hier, plutôt que d’attendre la dernière montée ou seul 5 coureurs sur 150 on sut tirer leur épingle du jeu. Qu’on fait les italiens ? Eux qui sont maitrisent l’art de la course a la perfection (ils en ont gagné des mondiaux/JO sans avoir le meilleur coureur…), hier on les a pas vue, malgré le fait qu’il courais devant les… Lire la suite »
Je pense que les italiens ont fait la course qu’ils pouvaient faire vu leurs coureurs. Si WvA avait collaboré avec Nibali, Landa et Uran quand les quatre sont sortis, le coup pouvait aller au bout – pour l’Italie c’était de toute façon la seule chance, aucun de leurs coureurs ne pouvant rivaliser avec Alaph en punch ou WvA en sprint.
D’accord concernant les oreillettes. On sentait l’angoisse d’Alaphilippe de ne pas avoir des infos comme d’habitude. C’est gênant car à mon sens la beauté du vélo réside également sur la finesse tactique du coureur ou de l’équipe en course d’où l’importance du capitaine de route. D’ailleurs lorsque Nibali sort avec quelques uns, je me dis que c’est le bon coup et qu’Alaphilippe va se faire piéger car l’italien à l’art d’entreprendre le coup victorieux. C’est cela qui fait que ce coureur est fuoriclasse et si intéressant à supporter. Les oreillettes posent donc le problème de voir le cyclisme se transformer en un sport de bourrin qui se réduit à la seule puissance physique (Froome, Roglic etc) sans mouvement de course singulier qui plonge tout le monde dans un moment suspendu d’incertitude pendant la course. Même si il y avait, c’était le cas lors de la victoire d’Aru dans le Tour d’Espagne, le Giro 2015 et 2016, Le Tour 2011, les étapes à bordure, et la fantastique victoire de Pinot au Lombardia en 2018. Il me semble que l’on pourrait avoir plus de course comme cela sans les oreillettes directement reliées au directeur sportif, le capteur de puissance et un nombre… Lire la suite »
En fait c’est surtout le capteur de puissance le problème, car il permet de gérer sa course en laissant ceux qui sont à l’avant s’épuiser.
Pour le capteur de puissance, je reste mesuré car sur les courses d’un jour j’ai pas l’impression qu’il influence beaucoup la stratégie de course.
Par contre, et là où je partage votre opinion, c’est dans la gestion “millimétrique” des étapes montagneuses des courses à étapes, où la dernière montée a quasiment toujours le même scénario.